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nous conduisent par la main dans des routes qu'ils ont souvent parcourues; les lois, comme des plans de géographie où l'on a tracé les chemins par un simple trait, et sans égard à leurs

sinuosités.

Je ne vous lirai point, reprit Euclide, la liste fastidieuse de tous les auteurs qui ont réussi dans la poésie lyrique; mais je vous en citerai les principaux. Ce sont, parmi les hommes, Stésichore, Ibycus, Alcée, Alcman, Simonide, Bacchylide, Anacréon et Pindare; parmi les femmes, car plusieurs d'entre elles se sont exercées avec succès dans un genre si susceptible d'agrémens, Sapho, Érinne, Télésille, Praxille, Myrtis et Corinne 1.

Les

Avant que d'aller plus loin, je dois faire mention d'un poëme où souvent éclate cet enthou- Dithyrambes. siasme dont nous avons parlé. Ce sont des hymnes en l'honneur de Bacchus, connus sous le nom de dithyrambes. Il faut être dans une sorte de délire quand on les compose; il faut y être quand on les chante: car ils sont destinés à diriger des danses vives et turbulentes, le plus souvent exécutées en rond 3.

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Plat. in Ion.

Voss. de inst. poet. lib. 3, cap. 15, p. 80. t. 1 , p. 534; id. de leg. lib. 3, t. 2, p. 700. 3 Procl. chrestom. ap. Phot. bibl. p. 985. Schol. Pind. in olymp. 13, v. 25. Schol. Aristoph. in av. v. 1403.

Ce poëme se reconnaît aisément aux propriétés qui le distinguent des autres 1. Pour peindre à la fois les qualités et les rapports d'un objet, on s'y permet souvent de réunir plusieurs mots en un seul, et il en résulte des expressions quelquefois si volumineuses, qu'elles fatiguent l'oreille; si bruyantes, qu'elles ébranlent l'imagination 2. Des métaphores qui semblent n'avoir aucun rapport entre elles s'y succèdent sans se suivre ; l'auteur, qui ne marche que par des saillies impétueuses, entrevoit la liaison des pensées, et néglige de la marquer. Tantôt il s'affranchit des règles de l'art; tantôt il emploie les différentes mesures de vers, et les diverses espèces de modulation 3.

Tandis qu'à la faveur de ces licences, l'homme de génie déploie à nos yeux les grandes richesses de la poésie, ses faibles imitateurs s'efforcent d'en étaler le faste. Sans chaleur et sans intérêt, obscurs pour paraître profonds, ils répandent sur des idées communes des couleurs plus communes encore. La plupart, dès le commencement de leurs pièces, cherchent à nous éblouir par la magnificence des images tirées des mé

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Schmidt, de dithyr. ad calc. edit. Pind. p. 251. Mém. de l'acad. des bell. lettr. t. 10, p. 307. -2 Aristoph. in pac. v. 831. Schol. ibid. Aristot. rhet. lib. 3, cap. 3, t. 2, p. 587, E. Suid. in Avg et in Evdate, 3 Dionys. Halic, de compos. verbor. §. 19, t. 5, p. 151.

téores et des phénomènes célestes1. De là cette plaisanterie d'Aristophane : il suppose, dans une de ses comédies, un homme descendu du ciel; on lui demande ce qu'il a vu. Deux ou trois poëtes dithyrambiques, répond-il; ils couraient à travers les nuages et les vents, pour y ramasser les vapeurs et les tourbillons dont ils devaient construire leurs prologues 2. Ailleurs, il compare les expressions de ces poëtes à des bulles d'air qui s'évaporent en perçant leur enveloppe avec éclat 3.

C'est ici que se montre encore aujourd'hui le pouvoir des conventions. Le même poëte qui, pour célébrer Apollon, avait mis son esprit dans une assiette tranquille, s'agite avec violence lorsqu'il entame l'éloge de Bacchus ; et si son imagination tarde à s'exalter, il la secoue par l'usage immodéré du vin 4. Frappé de cette liqueur a comme d'un coup de tonnerre, disait Archiloque, je vais entrer dans la carrière 5.

Euclide avait rassemblé les dithyrambes de ce dernier poëte 6, ceux d'Arion 7, de Lasus 8

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'Suid. in Arug. Aristoph. în av. v. 1383. Schol. ibid; id in pac. v. 829. Schol ibid. Flor. christian. ibid. v. 177.- Aristoph. in ran. v. 251, Schol ibid. Voss. de instit. poet. lib. 3, cap. 16, p. 88. 4 Philoch. et Epicharm. ap. Athen. lib. 14, cap. 6, p. 628.. - a Le texte dit : Foudroyé par le vin. -5 Archil. ap. Athen. lib. 14, cap. 6, p. 628. — 6 Athen. ibid. — 7 Herodot. lib. 1, cap. 23. Suid. in Av.

- Clem. Alex. strom. lib. 1, p. 365. Ælian. hist, anim. lib. 7, cap.47.

de Pindare', de Mélanippide 2, de Philoxène 3 de Timothée, de Télestès, de Polyidès *, d'Ion 5, et de beaucoup d'autres, dont la plupart ont vécu de nos jours. Car ce genre, qui tend au sublime, a un singulier attrait pour les poëtes médiocres; et comme tout le monde cherche maintenant à se mettre au-dessus de son état, chaque auteur veut de même s'élever au-dessus de son talent.

Je vis ensuite un recueil d'impromptus 6, d'énigmes, d'acrostiches, et de toutes sortes de griphes. On avait dessiné, dans les dernières pages, un ocuf, un autel, une hache à deux tranchans, les ailes de l'Amour. En examinant de près ces dessins, je m'aperçus que c'étaient des pièces de poésie, composées de vers dont les différentes mesures indiquaient l'objet qu'on s'était fait un jeu de représenter. Dans l'œuf, par exemple, les deux premiers vers étaient de trois syllabes chacun: les suivans croissaient toujours jusqu'à un point donné, d'où, décroissant dans la même proportion qu'ils avaient augmenté, ils se ter

'Strab. lib. 9, p. 404. Dionys. Halic, de compos. verb. t. 5, p. 152. Suid. in tid. -2 Xenoph. memor. lib. 1, p. 725. 3 Dionys, Halic. ibid. p. 152. Suid. in 4raóże .4 Diod. lib. 14, p. 273. - "Aristoph. in pac. v. 835. Schol. ibid. — 6 Simon. ap. Athen. lib. 3, cap. 35, p. 125. -7 Call. ap. Athen. lib. 10, cap. 20, p. 453, Thes. epist. Lacrozian. t. 3, p. a Espèce de logogriphes, Voyez la note V à la fin du voyage,

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minaient en deux vers de trois syllabes comme ceux du commencement 1. Simmias de Rhodes venait d'enrichir la littérature de ces productions aussi puériles que laborieuses.

Lysis, passionné pour la poésie, craignait toujours qu'on ne la mît au rang des amusemens frivoles; et s'étant aperçu qu'Euclide avait déclaré plus d'une fois qu'un poëte ne doit pas se flatter du succès lorsqu'il n'a pas le talent de plaire, il s'écria dans un moment d'impatience: C'est la poésie qui a civilisé les hommes, qui instruisit mon enfance, qui tempère la rigueur des préceptes, qui rend la vertu plus aimable en lui prêtant ses grâces, qui élève mon âme dans l'épopée, l'attendrit au théâtre, la remplit d'un saint respect dans nos cérémonies, l'invite à la joie pendant nos repas, lui inspire une noble ardeur en présence de l'ennemi: et, quand même ses fictions se borneraient à calmer l'activité inquiète de notre imagination, ne serait-ce pas un bien réel de nous ménager quelques plaisirs innocens au milieu de tant de maux dont j'entends sans cesse parler?

Euclide sourit de ce transport; et, pour l'exciter encore, il répliqua : Je sais que Platon s'est occupé de votre éducation : auriez-vous oublié

Salmas. ad. Dosiad. aras, Simmiæ ovum

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etc. P.

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