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distinction de l'auteur entre l'idée innée en elle-méme et acquise dans son expression. Il se trahit lui-même et fait périr l'idée sous cette nécessité de l'expression, puisque non-seulement elle est déterminée, mais crééc par l'expression, comme les étoiles par la volonté de Dieu. Que lui sert d'observer que, sans l'idée, l'expression n'est qu'un son? Si, à son tour, l'idée sans l'expression se perd dans la faculté générale de concevoir, c'est-à-dire n'est rien; si, sans la parole, notre entendement n'est qu'un lieu obscur, et si c'est elle qui l'éclaire, qui est notre lumière, si elle fait tout en nous, elle est tout pour l'esprit. Mais l'auteur n'a pas encore épuisé sa verve de comparaisons, et celle qui suit est trop curieuse pour ne pas l'ajouter aux précédentes, d'autant qu'il la juge lui-même digne de quelque attention. « Les expressions, dit-il, sont à notre esprit ce que le tain est à une glace. Sans le tain, nos yeux ne verraient pas dans le verre les images des objets; ils ne s'y verraient pas eux-mêmes. Sans les expressions, notre esprit n'apercevrait pas les idées des objets, il ne s'apercevrait pas lui-même; et l'idée, quoique présente, passerait en quelque sorte à travers l'esprit sans laisser de trace, comme, sans le tain qui la retient, l'image des objets traverserait le verre sans s'y réfléchir. Et ici encore nous retrouvons ces deux expressions, réflexion et réflection, les mêmes au fond (quoique l'orthographe moderne ait mis entre elles, pour la précision des idées, quelque différence), parce qu'elles signifient des opéra

tions semblables dans les choses morales et dans les choses physiques. Si je ne craignais même d'épuiser cette comparaison, je ferais observer qu'une glace non étamée offre, sous certains aspects, quelque ombre vague et sans couleur, et comme un fantôme des objets, à peu près comme notre intelligence, tant que le mot propre ne fixe pas l'idée avec précision, n'a que des aperçus vagues, confus, incomplets, de ses propres pensées 1. »

Ne trouvez-vous pas intéressant et gracieux de voir les expressions, étamer notre âme et y arrêter les idées qui, sans ce tain, la traverseraient n'y laissant aucune trace? Que de frais d'esprit, que de peines, que d'arguties, pour n'arriver qu'à matérialiser la pensée ? M. de Maistre se félicite « de voir le célèbre auteur de la Législation primitive, rangé enfin parmi les plus respectables défenseurs des idées innées; il se croit d'accord avec lui sur l'origine immatérielle des idées, et séparé encore seulement par une nuance, qui n'est qu'une question de famille dont les matérialistes ne doivent pas se mêler'. » Il se trompe grandement : M. de Bonald se tourmente, il est vrai, pour s'arracher au sensualisme, mais son inflexible principe l'y tient enchaîné. M. de La Mennais a eu raison de couper court à ces subtilités vides, et quelquefois grossières,

1. Rech. phil. sur les prem. obj. des conn. mor., chap. VIII. 2. Soirées de St-Pétersb., ton.e I, page 149; note.

et de déclarer nettement qu'il n'y a point d'idées innées.

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à

que nous

Nous arrivons à la comparaison de Leibnitz mentionnée par M. de Bonald : pour en saisir le vrai sens, il est bon de voir le passage d'où elle est extraite. Quant à la question de savoir, dit Leibnitz, si nous voyons toutes choses en Dieu (ce qui est une opinion ancienne qui, entendue dans un bon sens, n'est pas dédaigner), ou bien si nous avons des idées propres, il faut savoir que, quand même nous verrions toutes choses en Dieu, il serait néanmoins nécessaire eussions aussi des idées propres ; je veux dire, non pas de faibles linéaments, mais des affections, des modifications de notre esprit répondant à ce que nous voyons en Dieu. Sans doute, à mesure que les idées se succèdent, il se fait dans notre esprit quelque changement; et les idées des choses auxquelles nous ne pensons pas actuellement sont dans notre esprit comme la figure d'Hercule est dans un bloc de marbre. Tandis qu'il est nécessaire que Dieu n'ait pas seulement en acte ou présente l'idée de l'étendue absolue et infinie, mais aussi celle d'une figure quelconque, qui n'est qu'une modification de celle de l'étendue absolue1. »

1. Quod ad controversiam attinet, utrum omnia videamus in Deo (quæ utique vetus est sententia, et, si sano sensu intelligatur, non omnino spernenda), an vero proprias ideas habeamus, sciendum est, et si omnia in Deo videremus, necesse tamen esse ut habeamus et ideas proprias, id est, non quasi icunculas quasdam, sed affectiones sive modificationes mentis nostræ,

Leibnitz combat ici Malebranche, dont le système, ainsi que nous l'avons dit, renferme toutes les idées en Dieu, exclusivement à notre âme, qui les recevrait de lui par une action intérieure et immédiate; et il soutient que, pour percevoir les idées qui sont en Dieu, il est nécessaire que nous ayons des idées propres et correspondantes aux idées divines, ce qui cadre peu avec la doctrine de M. de Bonald. Que si Leibnitz, pour marquer la différence entre l'entendement divin, qui a la perception incessante de toutes les idées, et notre entendement, qui ne les perçoit, ni toutes à la fois, ni les mêmes continuellement, ajoute que les idées dont nous n'avons pas la perception actuelle sont dans notre esprit comme la figure d'Hercule est dans un bloc de marbre, il entend qu'elles y sont ensevelies, qu'elles y résident en puissance, et nullement que notre esprit les doit recevoir du dehors comme lui étant étrangères, de même que le bloc de marbre doit recevoir la statue. En effet, « il s'agit de savoir, dit-il ailleurs, si l'âme en elle-même est vide entièrement comme des tablettes où l'on n'a encore rien écrit (tabula rasa), suivant Aristote et l'auteur de l'Essai (Locke), et si tout ce

respondentes ad id ipsum quod in Deo perciperemus. Utique enim aliis alque aliis cogitationibus subeuntibus aliqua in mente nostra mutatio fit; rerum vero actu a nobis non cogitatarum ideæ sunt in mente nostra, ut figura Herculis in rudi marmore. At in Deo non tantum necesse est actu esse ideam extensionis absolutæ et infinitæ, sed et cujusque figuræ quæ nihil aliud est quam extensionis absolutæ modificatio. (Opera, tome II, page 18.)

qui y est tracé vient uniquement des sens et de l'expérience; ou si l'âme contient originairement les principes de plusieurs notions et doctrines, que les objets extérieurs réveillent seulement dans les occasions, comme je le crois avec Platon, et même avec l'école et avec tous ceux qui prennent dans cette signification le passage de saint Paul où il marque que la loi de Dieu est écrite. dans les cœurs1? Les stoïciens appelaient ces principes notions communes, prolepses, c'est-à-dire des assump- . tions fondamentales, ou ce qu'on prend pour accordé d'avance. Les mathématiciens les appellent notions communes (xovaç Evvotas). Les philosophes modernes leur donnent d'autres beaux noms, et Jules Scaliger particulièrement les nommait semina æternitatis, item Zopyra, comme voulant dire des feux vivants, des traits lumineux, cachés au dedans de nous, que la rencontre des sens et des objets externes fait paraître, comme des étincelles que le choc fait sortir du fusil; et ce n'est pas sans raison qu'on croit que ces éclats marquent quelque chose de divin et d'éternel, qui paraît surtout dans les vérités nécessaires.... Il est vrai, il ne faut point s'imaginer qu'on puisse lire dans l'âme ces éternelles lois de la raison à livre ouvert, comme l'édit du préteur se lit sur son album, sans peine et sans recherche; mais c'est assez qu'on les puisse découvrir en nous à force d'at

I. Rom., chap. II, v. 15.

2. No, veaux essais sur l'ent. hum., page 4.

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