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lui-même, parmi ses disciples, ceux qu'on appelait par excellence les apôtres, les douze. » A ces apôtres, qu'il appelle l'Église, « Jésus confie le droit de lier et de délier, de remettre les péchés, de prier avec certitude d'être exaucés, de propager sa doctrine'. »> Tous pouvoirs qui sont ceux que confère le sacrement de l'ordre. Mais ce que M. Renan se garde bien de retracer, c'est ce moment solennel où, près de quitter la vie du temps, Jésus-Christ ordonne aux apôtres de commencer leur mission qu'il exprime dans un langage que jamais oreille humaine n'avait entendu et n'entendra de nouveau :

Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre: en conséquence, allez, instruisez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées, et je serai avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles'. » Que M. Renan arrête son regard sur cette mission, qu'il la considère soit dans son objet, qui est de restaurer l'âme déchue, en y rétablissant, avec la justice, la lumière et la vérité dans l'intelligence, l'amour et la force du bien dans la volonté; soit dans sa portée qui embrasse l'humanité dans tout ce qu'elle est, dans tous ses peuples et dans toutes ses générations, et qu'il se demande si une pareille mission peut partir d'un homme. Sa seule conception est à l'infini au-dessus de l'esprit créé; son

1. Pages 290, 296.

2. Matth., cap. xvIII, v. 18, 19 et 20.

exécution absolument impossible aux efforts humains. Or Jésus-Christ l'a conçue et exécutée; donc il porte en lui la divinité avec sa puissance. Il l'a exécutée avec ses institutions; donc ses institutions s'élèvent au-dessus de l'ordre humain et viennent de l'ordre surnaturel. Devant cette grande œuvre et la révolution fondamentale qu'elle a produite dans le monde, les assertions gratuites, les petites chicanes, les contradictions continuelles qui remplissent la Vie de Jésus de M. Renan, ne sont que des espiègleries risibles d'un enfant qui se joue au-dessous de la vérité qu'il ne sait pas con

naître.

Qu'y a-t-il donc dans ce livre qui explique l'engouement qu'il a excité dès son apparition? Il y a l'esprit de parti qui l'a préparé longtemps d'avance; il y a la popularité souveraine du nom de Jésus, qui répand un intérêt toujours vif sur tout ce qui se rapporte à sa vie; il y a une certaine audace dans le paradoxe, qui plaît aux esprits légers très-nombreux de nos jours, il y a une disposition malveillante contre l'Église, qui fait rechercher ce qu'on croit propre à l'affaiblir ou à la contrister; il y a.... A coup sûr il n'y a pas dans ce livre l'art. que l'art.que ses partisans ont exalté. L'art, le véritable, celui qui mérite ce nom, c'est la raison appliquée à la réalisation de l'idée du beau. Il brille dans les chefs-d'œuvre de la Grèce, de Rome et de ceux qui élèvent notre littérature au niveau des littératures antiques. Les générations ne cesseront jamais de l'y admirer, car il participe à l'im

mortalité de l'idée du beau qu'il y a rendue vivante. Or, cet art véritable dont la raison est le principal et l'indispensable élément, ne le cherchez pas dans la Vie de Jésus. En y voyant profondément perverties les idées fondamentales de Dieu et de l'homme sur lesquelles roule toute science, assurez-vous que l'esprit de l'auteur n'est ferme dans aucune autre. Aussi quoi de plus vague, de plus inconsistant et souvent de plus faux que les aperçus qu'il sème sur sa route. Ce chapitre en a mis quelques-uns sous les yeux du lecteur : j'en ajoute un dernier, qui n'est pas des moins curieux, sur l'idée si démontrée, si lumineuse et si salutaire de l'immortalité de l'âme1 : « Ceux qui ne se plient pas à concevoir l'homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l'immortalité de l'âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l'espérance d'une réparation finale, qui, sous une forme inconnue, satisfera aux besoins du cœur de l'homme. Qui sait si le dernier terme du progrès, dans des millions de siècles, n'amènera pas la conscience absolue de l'univers, et dans cette conscience le réveil de tout ce qui a vécu. » O philosophie germanique, comme tu te trahis dans ces rêveries creuses de nos esprits français qui se livrent à toi et que tu nous corromps! L'art a quelque chose de trop réel, de trop vrai, de trop vivant, pour s'associer avec le vide, le faux

1. Page 288.

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CHRISTIANISME ET CIVILISATION.

et le chimérique qui s'étalent sans cesse dans ce livre. Aussi je ne crains ne crains pas de prédire que la génération, qui l'a vu naître, le laissera enseveli.

Nous savons que l'École de Tubingue, d'où il nous est venu, en a été fort mécontente. Pense-t-elle pouvoir frapper plus fort? qu'elle poursuive son œuvre souterraine, qu'elle sollicite doucement ou tourmente cruellement les textes sacrés, elle n'atteindra pas le Christianisme. Il est écrit sans doute dans ces textes, que défendent les génies qui ont éclairé le monde; mais il est écrit aussi en caractères plus indestructibles dans les monuments dont il a couvert la terre; il est écrit dans la conscience reconnaissante de l'humanité; il est écrit dans la révolution qui a changé de fond en comble l'ordre social de l'univers civilisé. Et je vois plus d'extravagance dans la tentative des exégètes pour renverser le Christianisme en épiloguant sur des textes, que dans la tentative d'un Bédouin ou d'un pâtre de Savoie, qui gratterait la base de la grande pyramide ou celle du Mont-Blanc avec des ongles qui se brisent, pour renverser ces œuvres colossales de l'art ou de la nature.

CHAPITRE XIV.

LE CHRISTIANISME EST AUSSI NÉCESSAIRE A LA RAISON POUR qu'elle continuE LE PROGRES VÉRITABLE, QU'IL l'a été POUR QU'ELLE LE COMMENÇAT. C'EST PARCE Qu'il est PARFAIT QU'IL DÉTERMINE LE PERFECTIONNEMENT.

Cependant l'homme, une fois transporté dans l'ordre nouveau, où commence pour lui, avec la vie de la raison, le progrès véritable, la mission du Christianisme est-elle accomplie ? Indispensable à la raison pour lui faire commencer ce progrès, l'est-il également encore et le serat-il toujours pour le lui faire continuer ?

Qui se chargera de donner à cette question une réponse négative, soit à l'égard du présent, soit à l'égard de l'avenir? Qu'on y songe : l'entreprendre serait se déclarer en mesure d'assurer, ou que la raison humaine est parvenue maintenant à la plénitude de ses forces, à son intégrité primitive, ou de prophétiser qu'un jour elle y sera remontée. Si l'état actuel de la raison, le spectacle de ses erreurs, de ses passions, repoussent

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