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QUATRIÈME PARTIE.

LE CHRISTIANISME SERA TOUJOURS NÉCESSAIRE POUR SOUTENIR LA RAISON ET LA CIVILISATION.

CHAPITRE I.

MÉLANCOLIE CHRÉTIENNE.

Ne survit-il rien cependant à l'objet de ces apologies, je veux dire au Christianisme, qu'elles étaient destinées à prémunir contre de nouvelles attaques; toute trace de religion est-elle effacée dans les âmes dépeuplées des vérités chrétiennes ? Non; car il n'est pas plus donné à l'homme de dépouiller entièrement le caractère religieux, qui le distingue des autres êtres, que de dépouiller sa nature. Il peut bien déserter telle ou telle religion; mais le besoin d'une religion quelconque, il ne parviendrait à l'étouffer que par une dégradation

dont il offre rarement le triste spectacle. Des ruines mêmes des vérités du Christianisme, sort aujourd'hui ce qu'on appelle le sentiment religieux; toutefois ce sentiment est vague, indéterminé, isolé de tout dogme, de toute croyance précise, de tout culte, et sans action réelle sur les âmes. Sans action sur les âmes! je me trompe, il engendre en elles une inquiétude qui les agite, les dévore, et qui lui a fait donner le nom de mélancolie du siècle; il ne révèle pas moins le besoin ardent que l'absence d'une religion. Comment donner une idée nette de ce sentiment, incertain, vaporeux, sans consistance, qui échappe quand on croit le saisir? Peut-être y parviendrons-nous par l'idée de la mélancolie chrétienne; en disant ce qu'il n'est pas, peut-être aiderons-nous à comprendre ce qu'il est.

En quoi consiste la mélancolie prise dans un sens général ? dans la tristesse, mais dans une tristresse particulière. Qu'est-ce que la tristesse.? la douleur causée par la privation d'un objet qu'on désire posséder; et c'est ce qui la distingue du chagrin, qui est la douleur causée par la perte d'un objet qu'on possédait. Aussi n'est-il point de piété réelle sans tristesse; car on ne peut avoir cet amour ardent pour Dieu, qui constitue la vraie piété, sans être affecté de ne le point posséder. D'où cette expression consacrée, les saintes tristesses de la piété. La tristesse suppose donc que l'âme a une idée nette de l'objet dont l'absence lui est douloureuse. Eh bien! concevons qu'elle n'en ait qu'une idée con

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fuse, alors elle éprouvera la mélancolie, et si l'objet est Dieu, la mélancolie religieuse, qu'on appelle aujourd'hui proprement mélancolie. Ainsi la piété est toujours plus ou moins mélancolique, parce que l'homme le plus capable de s'élever à Dieu intérieurement par l'intelligence, s'y élève aussi extérieurement par les merveilles de la création, et qu'alors la création, se trouvant jetée à travers, lui offusque la vue de Dieu, tout en lui en prouvant l'existence; en second lieu, parce que le métaphysicien le plus sublime ne saurait voir Dieu dans la vie présente comme dans la vie future. C'est ce que saint Paul a exprimé admirablement, lorsqu'il a dit qu'ici-bas nous n'apercevons Dieu qu'à travers un voile, mais qu'au delà du temps il nous sera donné de le contempler face à face: nunc per speculum et in ænigmate, tunc autem facie ad faciem videbimus1.

Sûre de jouir un jour de son objet, c'est-à-dire de Dieu, cette mélancolie de la piété n'a rien que de délicieux. Elle berce l'âme dans un charme ineffable, en la tenant suspendue et flottante entre le désir et l'espérance. C'est elle que respirent la plupart des chants du roi-prophète. On sent tout ce qu'elle a de suave dans les deux psaumes: Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi, etc.; et Memento, Domine, David et omnis mansuetudinis ejus, etc.; tout ce qu'elle a de plaintif et de touchant dans le psaume: Super flumina Baby

1. I Cor., XIII, 12.

lonis, illic sedimus et flevimus, cum recordaremur Sion, etc. N'est-ce pas elle qui a inspiré à l'âme de saint Paul, toujours soupirante, toujours élancée vers JésusChrist, le roi du ciel, cette parole, ou plutôt ce cri: Desiderium habens dissolvi et esse cum Christo1; qui règne dans toutes ses épîtres, et qui anime surtout la peinture simple, mais delectable, qu'il fait de la charité?

Nous la produisons ici et dans le texte latin, car la mélancolie y ressort des formes des pensées aussi bien que des pensées elles-mêmes. La traduction est placée au bas de la page pour qui voudra y recourir.

«Si linguis hominum loquar, et angelorum, caritatem autem non habeam, factus sum velut æs sonans, aut cymbalum tinniens. Et si habuero prophetiam, et noverim mysteria omnia, et omnem scientiam, et si habuero omnem fidem, ita ut montes transferam, caritatem autem non habuero, nihil sum; et si distribuero in cibos pauperum omnes facultates meas, et si tradidero corpus meum ita ut ardeam, caritatem autem non habuero, nihil mihi prodest. Caritas patiens est; beni

« Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges mêmes, si je n'ai point la charité, je ne suis qu'un airain sonnant et une cymbale retentissante. Et quand j'aurais le don de prophetie, que je pénétrerais tous les mystères, que je posséderais toute science; et quand j'aurais toute la foi possible et capable de transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je

1. Philip., 1, 23.

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gna est caritas non æmulatur, non agit perperam, non inflatur, non est ambitiosa, non quærit quæ sua sunt; non irritatur, non cogitat malum Non gaudet super iniquitate, congaudet autem veritati: omnia suffert, omnia credit, omnia sperat, omnia sustinet. Caritas nunquam excidit ; sive prophetiæ evacuabuntur, sive linguæ cessabunt, sive scientia destruetur. Ex parte enim cognoscimus, et ex parte prophetamus; cùm autem venerit quod perfectum est, evacuabitur quod ex parte est. Cùm essem parvulus, loquebar ut parvulus, sapiebam ut parvulus, cogitabam ut parvulus; quando autem factus sum vir, evacuavi quæ erant parvuli» (c'est-àdire, de même que le langage, la sagesse et les pensées

ne suis rien. Quand j'aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et livré mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, tout cela ne me sert de rien.

« La charité est patiente, elle est bienveillante; la charité n'est point envieuse, elle n'agit point avec témérité, elle ne s'enfle point d'orgueil. Elle n'est point ambitieuse, elle ne cherche point ses propres intérêts, elle ne s'irrite point, elle ne s'abandonne point aux soupçons mauvais. Elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle trouve sa jouissance dans la vérité. Elle supporte tout, elle croit, elle espère tout, elle souffre tout. Les prophéties disparaîtront, les langues cesseront, la science aura son terme; mais la charité ne tombera jamais. Ce que nous avons de science et de prophétie est imparfait. Mais, lorsque sera venu l'état parfait du ciel, alors disparaîtra toute l'imperfection de notre intelligence. Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, jet jugeais en enfant, je pensais en enfant; mais, lorsque je suis devenu homme, j'ai dépouillé tout ce qui tenait de l'enfant.

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