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CHAPITRE XX.

De la séparation d'Abraham et de Lot, qui eut lieu sans rompre leur union.

Lorsque Abraham fut retourné d'Égypte dans le lieu d'où il était sorti, Lot, son neveu, se sépara de lui sans rompre la bonne intelligence qui était entre eux, et se retira vers Sodome. Les richesses que tous deux avaient acquises et les fréquents démêlés de leurs bergers les déterminèrent à prendre ce parti, afin d'empêcher que les querelles des serviteurs ne vinssent à jeter la désunion parmi les maîtres. Abraham, voulant prévenir ce malheur, dit à Lot: « Je vous prie, qu'il n'y ait point de différend entre vous et moi, ni entre vos bergers et les miens, puisque nous sommes frères. Toute cette contrée n'est-elle pas à nous? Je suis donc d'avis que nous nous séparions. Si vous allez à gauche, j'irai à droite; et si vous allez à droite, j'irai à gauche (Ibid., 8, 9). » Il se peut que la coutume reçue dans les partages, où l'aîné fait les lots et le cadet choisit, tire de là son origine.

CHAPITRE XXI.

De la troisième apparition de Dieu à Abraham, où il lui réitère la promesse de la terre de Chanaan pour lui et ses descendants à perpétuité.

Après qu'Abraham et Lot se furent ainsi séparés et que l'un se fut fixé dans la terre de Chanaan et l'autre à Sodome, Dieu apparut à Abraham pour la

troisième fois, et lui dit : « Regardez de tous côtés, autant que votre vue peut s'étendre vers les quatre points du monde; je vous donnerai, à vous et à tous vos descendants jusqu'à la fin du siècle, toute cette terre que vous voyez, et je multiplierai votre postérité comme la poussière de la terre. Si quelqu'un peut compter les grains de poussière de la terre, il pourra aussi compter votre postérité. Levez-vous, et mesurez cette terre en long et en large, car je vous la donnerai (Ibid., 14-17).» On ne voit pas bien si, dans cette promesse, est comprise celle qui a rendu Abraham père de toutes les nations; on peut néanmoins le conjecturer d'après ces paroles : « Je multiplierai votre postérité comme la poussière de la terre, » expression figurée que les Grecs appellent hyperbole et qui a lieu quand ce qu'on dit d'une chose la surpasse de beaucoup. Qui ne sait combien la poussière de la terre surpasse le nombre des hommes, quel qu'il puisse être, depuis Adam jusqu'à la fin du siècle, et à plus forte raison la postérité d'Abraham, soit la charnelle, soit la spirituelle? En effet, cette dernière postérité est peu de chose en comparaison de la multitude des méchants, et cependant, malgré sa petitesse, elle forme encore un nombre innombrable, d'où vient que l'Écriture la désigne par la poussière de la terre. Mais elle n'est innombrable qu'aux hommes, et non à Dieu, qui sait même le compte de tous les grains de poussière. Ainsi, comme l'hyperbole de l'Écriture est mieux remplie par les deux postérités d'Abraham, on peut croire que cette promesse s'applique à l'une et à l'autre '. Si

1 Comp. Cont. Faust., lib. XXII, cap. 89.

j'ai dit que cela n'est pas très-clair, c'est que le seul peuple juif a tellement multiplié qu'il s'est presque répandu dans toutes les contrées du monde, de sorte qu'il suffit pour justifier l'hyperbole, outre qu'on ne peut pas nier que la terre dont il est question ne soit celle de Chanaan. Néanmoins, ces mots : « Je vous la donnerai, à vous et à vos descendants jusqu'à la fin du siècle, peuvent en faire douter, si, par cette expression, jusqu'à la fin du siècle, on entend éternellement; mais si on les prend comme nous pour la fin de ce monde et le commencement de l'autre, il n'y a point de difficulté. Bien que les Juifs aient été chassés de Jérusalem, ils demeurent dans les autres villes de la terre de Chanaan et y demeureront jusqu'à la fin du monde; ajoutez à cela que, quand cette terre est habitée par des chrétiens, c'est la postérité d'Abraham qui l'habite.

CHAPITRE XXII.

Abraham sauve Lot des mains des ennemis et est béni par Melchisédech.

Abraham, après avoir reçu cette promesse, alla demeurer en un autre endroit de cette contrée, près du chêne de Mambré, qui était en Hébron'. Ensuite, les ennemis ayant ravagé le pays de Sodome et vaincu les habitants en bataille rangée, Abraham, accompagné de trois cent dix-huit des siens, alla au secours de Lot que les vainqueurs avaient fait prisonnier, et le délivra de leurs mains après les avoir défaits, sans vouloir rien prendre des dépouilles que le roi de

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Sodome lui offrait. C'est en cette occasion qu'il fut béni par Melchisédech', prêtre du Dieu souverain, dont il est beaucoup parlé dans l'Épître aux Hébreux, que plusieurs disent être de saint Paul, ce dont quelquesuns ne tombent pas d'accord3. On vit là pour la première fois le sacrifice que les chrétiens offrent aujourd'hui à Dieu par toute la terre, pour accomplir cette parole du Prophète à Jésus-Christ, qui ne s'était pas encore incarné : « Vous êtes prêtre pour jamais selon l'ordre de Melchisédech (Psal., cix, 5). » Il ne dit pas selon l'ordre d'Aaron, lequel devait être aboli par la vérité dont ces ombres étaient la figure.

CHAPITRE XXIII.

Dieu promet à Abraham que sa postérité sera aussi nombreuse que les étoiles, et la foi d'Abraham aux paroles de Dieu le justifie, quoique non circoncis.

Dieu parla encore à Abraham dans une vision', et l'assura de sa protection et d'une ample récompense; et comme Abraham se plaignit à lui qu'il était déjà vieux, qu'il mourrait sans postérité, et qu'Éliézer, l'un de ses esclaves, serait son héritier, Dieu lui promit qu'il aurait un fils, et que sa postérité serait aussi nombreuse que les étoiles du ciel; par où il me semble que Dieu voulait spécialement désigner la postérité spirituelle d'Abraham. Que sont en effet

'Gen., XIV, 1-20.

2 Hebr., VII.

3 Marcion, Basilide et plusieurs autres hérétiques niaient l'authenticité de l'Épître aux Hébreux.

4 Gen., XV, 1 sqq.

les étoiles, pour le nombre, en comparaison de la poussière de la terre, à moins qu'on ne veuille dire qu'il y a ici cette ressemblance qu'on ne peut compter les étoiles et que l'on ne saurait même toutes les voir? On en découvre à la vérité d'autant plus qu'on a de meilleurs yeux; mais il résulte précisément de là qu'il en échappe toujours quelquesunes aux plus clairvoyants, sans parler de celles qui se lèvent et se couchent dans l'autre hémisphère. C'est donc une rêverie de s'imaginer qu'il y en a qui ont connu et mis par écrit le nombre des étoiles, comme on le dit d'Aratus' et d'Eudoxe2; et l'Écriture sainte suffit pour réfuter cette opinion. Au reste, c'est dans ce chapitre de la Genèse que se trouve la parole que l'Apôtre rappelle pour relever la grâce de Dieu : « Abraham crut Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice; et il prouve par là que les Juifs ne devaient point se glorifier de leur circoncision, ni empêcher que les incirconcis ne fussent admis à la foi de Jésus-Christ, puisque, quand la foi d'Abraham lui fut imputée à justice, il n'était pas encore circoncis.

1 On sait qu'Aratus est l'auteur d'un poème astronomique, souvent traduit du grec en latin, notamment par Cicéron. Il florissait vers 280 avant J.-C.

2 Eudoxe, de Cnide, contemporain de Platon, et son compagnon de voyage en Égypte, si l'on en croit la tradition. Il est cité par Aristote (Metaph., lib. x11, cap. 7) et par Cicéron (De divin., lib. 11, cap. 42) comme un astronome de premier ordre.

* Gen., XV, 6; Rom., IV, 3, et Galat., III, 6.

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