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Voilà les libertés que les philosophes laissent prendre à leur imagination, et en même temps ils ne veulent pas croire que des corps terrestres puissent devenir immortels par la puissance de la volonté de Dieu, et que les âmes y puissent vivre éternellement bienheureuses sans en être appesanties', comme font cependant leurs dieux dans des corps de feu, et Jupiter même, le roi des dieux, dans la masse de tous ces éléments? S'il faut qu'une âme, pour être heureuse, fuie toutes sorte de corps, que leurs dieux abandonnent donc les globes célestes; que Jupiter quitte le ciel et la terre; ou s'il ne peut s'en séparer, qu'il soit réputé misérable. Mais nos philosophes reculent devant cette alternative ils n'osent point dire que leurs dieux quittent leur corps, de peur de paraître adorer des divinités mortelles, et ils ne veulent pas les priver de la félicité, de crainte d'avouer que des dieux sont misérables. Concluons qu'il n'est pas nécessaire pour être heureux de fuir toutes sortes de corps, mais seulement ceux qui sont corruptibles, pesants, incommodes et moribonds, non tels que la bonté de Dieu les donna aux premiers hommes, mais tels qu'ils sont devenus en punition du péché.

Comp. saint Augustin, De gen. ad litt., lib. vi, n. 36-37.

CHAPITRE XVIII.

Des corps terrestres que les philosophes prétendent ne pouvoir convenir aux êtres célestes par cette raison que tout ce qui est terrestre est appelé vers la terre par la force naturelle de la pesanteur.

Mais il est nécessaire, disent-ils, que le poids naturel des corps terrestres les fixe sur la terre ou les y appelle, et ainsi ils ne peuvent être dans le ciel. Il est vrai que les premiers hommes étaient sur la terre, dans cette région fertile et délicieuse qu'on a nommée le paradis; mais que nos adversaires considèrent d'un œil plus attentif la nature de la pesanteur; cela est important pour résoudre plusieurs questions, notamment celle du corps avec lequel Jésus-Christ est monté au ciel, et celle aussi des corps qu'auront les saints au moment de la résurrection. Je dis donc que si les hommes parviennent par leur adresse à faire soutenir sur l'eau certains vases composés des métaux les plus lourds, il est infiniment plus simple et plus croyable que Dieu, par des ressorts qui nous sont inconnus, puisse empêcher les corps pesants de tomber sur la terre, lui qui, selon Platon, fait, quand il le veut, que les choses qui ont un commencement n'aient point de fin et que celles qui sont composées de plusieurs parties ne soient point dissoutes? or l'union des esprits avec les corps est mille fois plus merveilleuse que celle des corps les uns avec les autres. N'est-ce pas aussi une chose aisée à comprendre que des esprits parfaitement heureux meuvent leurs corps.

sans peine où il leur plaît, corps terrestres à la vérité, mais incorruptibles? Les anges n'ont-ils pas le pouvoir d'enlever sans difficulté les animaux terrestres d'où bon leur semble, et de les placer où il leur convient? Pourquoi donc ne croirions-nous pas que les âmes des bienheureux pourront porter ou arrêter leurs corps à leur gré? Le poids des corps est d'ordinaire en raison de leur masse, et plus il y a de matière, plus la pesanteur est grande; cependant l'âme porte plus légèrement son corps quand il est sain et robuste que quand il est maigre et malade, bien qu'il reste plus lourd à porter pour autrui dans son embonpoint que dans sa langueur; d'où il faut conclure que, dans les corps même mortels et corruptibles, l'équilibre et l'harmonie des parties font plus que la masse et le poids. Qui peut d'ailleurs expliquer l'extrême différence qu'il y a entre ce que nous appelons santé et l'immortalité future? Ainsi donc, que les philosophes ne croient pas avec l'argument du poids des corps avoir raison de notre foi! Je pourrais leur demander pourquoi ils ne croient pas qu'un corps terrestre puisse être dans le ciel, alors que toute la terre est suspendue dans le vide; mais ils me répondraient peut-être que tous les corps pesants tendent vers le centre du monde. Je dis donc seulement que si les moindres dieux, à qui Platon a donné la commission de créer l'homme avec les autres animaux terrestres, ont pu, comme il l'avance, ôter au feu la vertu de brûler, sans lui ôter celle de luire et d'éclairer par les yeux', douterons-nous que

1 Voyez dans le Timée la théorie de la vision, tome XII de la trad. fr., pages 192 et suiv.

le Dieu souverain, à qui ce philosophe donne le pouvoir d'empêcher que les choses qui ont un commencement n'aient une fin et que celles qui sont composées de parties aussi différentes que le corps et l'esprit ne se dissolvent, soit capable d'òter la corruption et la pesanteur à la chair, qu'il saura bien rendre immortelle sans détruire sa nature ni la configuration de ses membres? Mais nous parlerons plus amplement, s'il plait à Dieu, sur la fin de cet ouvrage, de la résurrection des morts et de leurs corps immortels.

CHAPITRE XIX.

Contre le système de ceux qui prétendent que les premiers hommes seraient morts, quand même ils n'auraient point péché.

Je reprends maintenent ce que j'ai dit plus haut du corps des premiers hommes, et j'affirme que la mort, par où j'entends cette mort dont l'idée est familière à tous et qui consiste dans la séparation du corps et de l'âme, ne leur serait point arrivée, s'ils n'eussent péché. Car bien qu'il ne soit pas permis de douter que les âmes des justes après la mort ne vivent en repos, c'est pourtant une chose manifeste qu'il leur serait plus avantageux de vivre avec leurs corps sains et vigoureux, et cela est si vrai que ceux qui regardent comme une condition de parfait bonheur de n'avoir point de corps condamnent euxmêmes cette doctrine par leurs propres sentiments. Qui d'entre eux, en effet, oserait placer les hommes les plus sages au-dessus des dieux immortels? et cependant le Dicu souverain, chez Platon, promet à

ces dieux, comme une faveur signalée, qu'ils ne mourront point, c'est-à-dire que leur âme sera toujours unie à leur corps'. Or, ce même Platon croit que les hommes qui ont bien vécu en ce monde auront pour récompense de quitter leur corps pour être reçus dans le sein des dieux (qui pourtant ne quittent jamais le leur). C'est de là que plus tard:

2

« Ces âmes reviennent aux régions terrestres, libres de tout souvenir et désirant entrer dans des corps nouveanx3; »

comme parle Virgile d'après Platon; car Platon estime, d'une part, que les âmes des hommes ne peuvent pas être toujours dans leur corps et qu'elles en sont nécessairement séparées par la mort, et, d'autre part, qu'elles ne peuvent pas demeurer toujours sans corps, mais qu'elles les quittent et les reprennent par de continuelles révolutions. Ainsi il y a cette différence, selon lui, entre les sages et le reste des hommes, que les premiers sont portés dans le ciel après leur mort pour y reposer quelque temps, chacun dans son astre, d'où, ensuite, oubliant leurs misères passées, et entraînées par l'impérieux désir d'avoir un corps, ils retournent aux travaux et aux souffrances de cette vie, au lieu que ceux qui ont mal vécu rentrent aussitôt dans des corps d'hommes ou de bêtes suivant

1 Voyez plus haut, chap. 16.

2 Voyez, dans le Timée, la fin du discours de Dieu aux dieux (tome XII de la trad. fr., page 138).

3 Virgile, Enéide, livre VI, vers 750, 751. 4 Voyez le Phedon, le Phedre et le Timée. 5 Voyez le Timée, l. 1., page 139.

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