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leurs démérites'. Platon a donc assujetti à cette dure condition de vivre sans cesse les âmes même des gens de bien sentiment si étrange que Porphyre, comme nous l'avons dit aux livres précédents 3, Porphyre en a eu honte et a pris le parti non-seulement d'exclure les âmes des hommes du corps des bêtes, mais d'assigner aux âmes des gens de bien, une fois délivrées du corps, une demeure éternelle au sein du Père. De cette façon, pour n'en pas dire moins que Jésus-Christ, qui promet une vie éternelle aux saints, il établit dans une éternelle félicité les åmes purifiées de leurs souillures, sans les faire retourner désormais à leurs anciennes misères, et, pour contredire Jésus-Christ, il nie la résurrection des corps et assure que les âmes vivront éternellement d'une vie incorporelle. Et cependant il ne leur défend point d'adorer les dieux, qui ont des corps, ce qui fait voir qu'il n'a pas cru ces âmes d'élite, toutes dégagées du corps qu'elles soient, plus excellentes que les dieux. Pourquoi donc trouver absurde ce que notre religion enseigne, savoir: que les premiers hommes n'auraient point été séparés

'Timée, 1. 1., pages 242 et suiv.

2 Saint Augustin parait ici beaucoup trop affirmatif et on s'aperçoit qu'il n'a pas à son service les dialogues de Platon. Dans le Phèdre, en effet, dans le Phedon et ailleurs, Platon exempte certaines âmes d'élite de la transmigration perpétuelle (Voyez traduct. franç., tome VI, pages 54 et suiv.; tome 1, p. 240, 312 et suiv.). La contradiction signalée entre Platon et Porphyre n'existe donc pas.

3 Particulièrement au livre x, ch. 30.

* Le Père, dans le langage des néoplatoniciens d'Alexandrie, c'est le premier principe, l'Unité absolue, première hypostase de la trinité di

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de leur corps par la mort s'ils n'eussent péché, et que les bienheureux reprendront dans la résurrection les mêmes corps qu'ils ont eus en cette vie, mais tels néanmoins qu'ils ne leur causeront plus aucune peine et ne seront d'aucun obstacle à leur pleine félicité.

CHAPITRE XX.

Que les corps des bienheureux ressuscités seront plus parfaits que n'étaient ceux des premiers hommes dans le paradis ter

restre.

Ainsi la mort parait légère aux âmes des fidèles trépassés, parce que leur chair repose en espérance, quelque outrage qu'elle ait paru recevoir après avoir perdu la vie. Car n'en déplaise à Platon, si les âmes soupirent après un corps, ce n'est pas parce qu'elles ont perdu la mémoire, mais plutôt parce qu'elles se souviennent de ce que leur a promis celui qui ne trompe personne et qui nous a garanti jusqu'au moindre de nos cheveux '. Elles souhaitent donc avec ardeur et attendent avec patience la résurrection de leurs corps, où elles ont beaucoup souffert, mais où elles ne doivent plus souffrir. Aussi bien, puisqu'elles ne haïssaient pas leur chair lorsqu'elle entrait en révolte contre leur faiblesse et qu'il fallait la retenir sous l'empire de l'esprit, combien leur estelle plus précieuse, au moment de devenir spirituelle? Car de même qu'on appelle charnel l'esprit esclave de la chair, on peut bien aussi appeler spirituelle la chair soumise à l'esprit, non qu'elle doive

1 Luc, XXI, 18.

2 Ephes., V, 29.

2

être convertie en esprit, comme le croient quelquesuns' sur la foi de cette parole de l'Apôtre : « Corps animal, quand il est mis en terre, notre corps ressuscitera spirituel (Cor., xv. 42); » mais parce qu'elle sera parfaitement soumise à l'esprit, qui en pourra disposer à son gré sans éprouver jamais aucune résistance. En effet, après la résurrection, le corps n'aura pas seulement toute la perfection dont il est capable ici-bas dans la meilleure santé, mais il sera même beaucoup plus parfait que celui des premiers hommes avant le péché. Bien qu'ils ne dussent point mourir, s'ils ne péchaient point, ils ne laissaient pas toutefois de se servir d'aliments, leurs corps n'étant pas encore spirituels. Il est vrai aussi qu'ils ne vieillissaient point, par une grâce merveilleuse que Dieu avait attachée en leur faveur à l'arbre de vie, planté au milieu du paradis avec l'arbre défendu; mais cela ne les empêchait pas de se nourrir du fruit de tous les autres arbres du paradis, à l'exception d'un seul toutefois, qui leur avait été défendu, non comme une chose mauvaise, mais pour glorifier cette chose excellente qui est la pure et simple obéissance, une des plus grandes vertus que puisse exercer la créature raisonnable à l'égard de son créateur. Ils se nourrissaient donc des autres fruits pour se garantir de la faim et de la soif, et ils mangeaient du fruit de l'arbre de vie pour arrêter

'C'était là, selon le docte Vivès, une des opinions professées par Origène dans ce livre Des principes dont il a été parlé plus haut. L'audacieux théologien d'Alexandrie y soutenait que toute chair doit un jour être transformée en substance spirituelle, bien plus, assimilée à la substance divine. C'est alors, disait-il, que Dieu sera vraiment tout en tous.

les progrès de la mort et de la vieillesse, tellement qu'il semble que le fruit de la vie était dans le paradis terrestre ce qu'est dans le paradis spirituel la sagesse de Dieu, dont il est écrit : « C'est un arbre << de vie pour ceux qui l'embrassent (Prov., III, 18).

CHAPITRE XXI.

Qu'on peut donner un sens spirituel à ce que l'Écriture dit du paradis, pourvu que l'on conserve la vérité de récit historique.

1

De là vient que quelques-uns expliquent allégoriquement tout ce paradis où la sainte Écriture rapporte que furent mis nos premiers parents; ce qui est dit des arbres et des fruits, ils l'entendent des vertus et des mœurs, soutenant que toutes ces expressions ont un sens exclusivement symbolique. Mais quoi? faut-il nier la réalité du paradis terrestre parce qu'il peut figurer un paradis spirituel? c'est comme si l'on voulait dire qu'il n'y a point eu deux femmes, dont l'une s'appelait Agar et l'autre Sara, d'où sont sortis deux enfants d'Abraham, l'un de la servante et l'autre de la femme libre, parce que l'Apôtre dit qu'il découvre ici la figure des deux testaments2; ou encore qu'il ne sortit point d'eau de la pierre que Moïse frappa de sa baguette, parce que cette pierre peut figurer Jésus-Christ, suivant cette parole du même apôtre : « Or, la pierre était Jésus-Christ

Il s'agit ici soit de Philon le Juif, soit d'Origène, lesquels avaient ce point commun de réduire les récits de l'Ecriture sainte à de purs symboles. Voyez Philon (De opif. mundi, au dernier livre, et Allegor. leg., lib. 1) et les commentaires d'Origène sur la Genèse.

2 Galat., IV, 22-24.

3 Exod., XVII, 6; Num., XX, 11.

(1 Cor., x, 4). » Rien n'empêche donc d'entendre par le paradis terrestre la vie des bienheureux, par les quatre fleuves, les quatre vertus cardinales, c'est-àdire la prudence, la force, la tempérance et la justice, par les arbres toutes les sciences utiles, par les fruits des arbres les bonnes mœurs, par l'arbre de vie, la sagesse qui est la mère de tous les biens, et par l'arbre de la science du bien et du mal, l'expérience du commandement violé. Car la peine du péché est bonne puisqu'elle est juste, mais elle n'est pas bonne pour l'homme qui la subit. Et tout cela peut encore se mieux entendre de l'Église, à titre de prophétie, en disant que le paradis est l'Église même, à laquelle on donne ce nom dans le Cantique des Cantiques', les quatre fleuves du paradis, les quatre évangiles; les arbres fruitiers, les saints; leurs fruits, leurs bonnes œuvres; l'arbre de vie, le saint des saints, Jésus-Christ; l'arbre de la science du bien et du mal, le libre arbitre. L'homme en effet qui a méprisé la volonté de Dieu ne saurait faire de soi qu'un usage funeste; ce qui lui fait connaître quelle différence il y a de se tenir attaché au bien commun de tous, ou de se complaire en son propre bien; car celui qui s'aime est abandonné à lui-même, afin que comblé de craintes et de misères, il s'écrie avec le Psalmiste, si toutefois il sent ses maux : « Mon âme, s'étant <tournée vers elle-même, est tombée dans la confusion (Psal., XLI, 7), » et qu'il ajoute après avoir reconnu sa faiblesse : « Seigneur, je ne mettrai plus <ma force qu'en vous (Psal., LVIII, 10). » Ces expli

Cant., IV, 13.

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