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CHAPITRE IX.

Que nous ne pouvons être assurés en cette vie de l'amitié des saints anges, à cause de la fourberie des démons, qui ont su prendre dans leurs piéges les adorateurs des faux dieux.

Quant aux saints anges, c'est-à-dire à la quatrième société qu'établissent les philosophes qui veulent que nous avons les dieux pour amis, nous ne craignons pas pour eux ni qu'ils meurent, ni qu'ils deviennent méchants. Mais comme nous ne conversons pas avec eux aussi familièrement qu'avec les hommes, et comme aussi il arrive souvent, selon ce que nous l'apprend l'Écriture (II Cor., XI, 14), que Satan se transforme en ange de lumière pour tenter ceux qui ont besoin d'être éprouvés de la sorte ou qui méritent d'être trompés, la miséricorde de Dieu nous est bien nécessaire pour nous empêcher de prendre pour amis les démons au lieu des saints anges. N'est-ce pas encore là une des grandes misères de la vie que d'être sujets à cette méprise? Il est certain que ces philosophes, qui ont cru avoir les dieux pour amis, sont tombés dans le piége, et cela paraît assez par les sacrifices impies qu'on offrait à ces prétendus dieux, et par les jeux infàmes qu'on représentait en leur honneur et à leur sollicitation'.

1 Voyez plus haut, livres VIII et IX.

CHAPITRE X.

Quelle récompense est préparée aux saints qui ont surmonté les tentations de cette vie.

Les saints même et les fidèles adorateurs du scul vrai Dieu ne sont pas à couvert de la fourberie des démons et de leurs tentations toujours renaissantes. Mais cette épreuve ne leur est pas inutile pour exciter leur vigilance, et leur faire désirer avec plus d'ardeur le séjour où l'on jouit d'une paix et d'une félicité accomplies. C'est là, en effet, que le corps et l'âme recevront du Créateur universel des natures toutes les perfections dont la leur est capable, l'âme étant guérie par la sagesse et le corps renouvelé par la résurrection. C'est là que les vertus n'auront plus de vices à combattre, ni de maux à supporter, mais qu'elles posséderont, pour prix de leur victoire, une paix éternelle qu'aucune puissance ennemie ne viendra troubler. Voilà la béatitude finale, voilà le terme suprême et définitif de la perfection. Le monde nous appelle heureux quand nous jouissons de la paix, telle qu'elle peut être en ce monde, c'est-à-dire telle qu'une bonne vie la peut donner; mais cette beatitude, au prix de celle dont nous parlons, est une véritable misère. Or, cette paix imparfaite, quand nous la possédons, quel est le devoir de la vertu sinon de faire un bon usage des biens qu'elle nous procure? et, quand elle vient à nous manquer, la vertu peut encore bien user des maux mêmes de notre condition mortelle. La vraie vertu consiste donc à faire un bon usage des biens et des maux de cette vie, avec cette

condition essentielle de rapporter tout ce qu'elle fait et de se rapporter elle-même à la fin dernière qui nous doit mettre en possession d'une parfaite et incomparable paix,

CHAPITRE XI.

Du bonheur de la paix éternelle, fin suprême et véritable perfection des saints.

Nous pouvons dire de la paix ce que nous avons dit de la vie éternelle, qu'elle est la fin de nos biens, d'autant mieux que le Prophète parlant de la Cité de Dieu, sujet de ce laborieux ouvrage, s'exprime ainsi: Jérusalem, louez le Seigneur; Sion, louez votre Dieu; car il a consolidé les verrous de vos portes; il a béni vos enfants en vous, et c'est lui qui a établi la paix comme votre fin (Psal,, CXLVII, 1). » En effet, quand seront consolidés les verrous des portes de Sion, nul n'y entrera, ni n'en sortira plus; et ainsi, par cette fin dont parle le psaume, il faut entendre cette paix finale que nous cherchons ici à définir. Le nom même de la Cité sainte, c'est-à-dire Jérusalem, est un nom mystérieux qui signifie vision de paix. Mais, comme on se sert aussi du nom de paix dans les choses de cette vie périssable, nous avons mieux aimé appeler vie éternelle la fin où la Cité de Dieu doit trouver son souverain bien, C'est de cette fin que l'Apôtre dit : « Et maintenant, affranchis du péché et devenus les esclaves de Dieu, vous avez pour fruit votre sanctification et pour fin la vie éternelle (Rom., vi, 22), » D'un autre côté, ceux qui ne sont pas versés dans l'Écriture sainte, pouvant

aussi entendre par la vie éternelle celle des méchants, soit parce que l'âme humaine est immortelle, ainsi que l'ont reconnu quelques philosophes, soit parce que les méchants ne pourraient pas subir les tourments éternels que la foi nous enseigne, s'ils ne vivaient éternellement, il vaut mieux appeler la fin dernière où la Cité de Dieu goûtera son souverain bien la paix dans la vie éternelle, ou la vie éternelle dans la paix. Aussi bien qu'y a-t-il de meilleur que la paix, même dans les choses mortelles et passagères? quoi de plus agréable à entendre, de plus souhaitable à désirer, de plus précieux à conquérir? Il ne sera donc pas, ce me semble, hors de propos d'en dire ici quelque chose à l'occasion de la paix souveraine et définitive. C'est un bien si doux que la paix, et si cher à tout le monde, que ce que j'en dirai ne sera désagréable à personne.

CHAPITRE XII.

Que les agitations des hommes et la guerre elle-même tendent à la paix, terme nécessaire où aspirent tous les êtres.

Quiconque observera d'un œil attentif les affaires humaines et la nature des choses reconnaitra que, s'il n'y a personne qui ne veuille éprouver de la joie, il n'y a non plus personne qui ne veuille goûter la paix. En effet, ceux mêmes qui font la guerre ne la font que pour vaincre, et par conséquent pour parvenir glorieusement à la paix. Qu'est-ce que la victoire? c'est la soumission des rebelles, c'est-à-dire la paix. Les guerres sont donc toujours faites en vue de la paix, même par ceux qui prennent plaisir à

exercer leur vertu guerrière dans les combats; d'où il faut conclure que le véritable but de la guerre, c'est la paix, l'homme qui fait la guerre cherchant la paix, et nul ne faisant la paix pour avoir la guerre. Ceux mêmes qui rompent la paix à dessein n'agissent point ainsi par haine pour cette paix, mais pour en obtenir une meilleure. Leur volonté n'est pas qu'il n'y ait point de paix, mais qu'il y ait une paix selon leur volonté. Et s'ils viennent à se séparer des autres par une révolte, ils ne sauraient venir à bout de leurs desseins qu'à condition d'entretenir avec leurs complices une espèce de paix. De là vient que les voleurs même conservent la paix entre eux, afin de la pouvoir troubler plus impunément chez les autres. Que s'il se trouve quelque malfaiteur si puissant et si ennemi de toute société qu'il ne s'unisse avec personne et qu'il exécute seul ses meurtres et ses brigandages, pour le moins conserve-t-il toujours quelque ombre de paix avec ceux qu'il ne peut tuer et à qui il veut cacher ce qu'il fait. Dans sa maison, il a soin de vivre en paix avec sa femme, avec ses enfants et avec ses domestiques, parce qu'il désire en être obéi. Rencontre-t-il une réşistance, il s'emporte, il réprime, il châtie, et, s'il le faut, il a recours à la cruauté pour maintenir la paix dans sa maison, sachant bien qu'elle n'est possible qu'avec un chef à qui tous les membres de la société domestique soient assujettis. Si donc une ville ou tout un peuple voulait se soumettre à lui de la même façon qu'il désire que ceux de sa maison lui soient soumis, il ne se cacherait plus dans une caverne comme un brigand; il monterait sur le trône comme un roi.

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