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comme captive dans la cité de la terre, où toutefois elle a déjà reçu la promesse de sa rédemption et le don spirituel comme un gage de cette promesse, elle ne fait point difficulté d'obéir aux lois qui servent à régler les choses nécessaires à la vie mortelle; car cette vie étant commune aux deux cités, il est bon qu'il y ait entre elles, pour tout ce qui s'y rapporte, une concorde réciproque. Mais la cité de la terre ayant eu certains sages, dont la fausse sagesse est condamnée par l'Écriture, et qui, sur la foi de leurs conjectures ou des conseils trompeurs des démons, ont cru qu'il fallait se rendre favorable une multitude de dieux, comme ayant autorité chacun sur diverses choses, l'un sur le corps, l'autre sur l'âme, et dans le corps même, celui-ci sur la tête, celui-là sur le cou, et ainsi des autres membres, et dans l'âme aussi, l'un sur l'esprit, l'autre sur la science, ou sur la colère, ou sur l'amour, et enfin dans les choses qui servent à la vie, celui-ci sur les troupeaux, cet autre sur les blés ou sur les vignes, et ainsi du reste '; comme, d'un autre côté, la Cité céleste ne reconnaissait qu'un seul Dieu, et croyait qu'à lui seul était dû le culte de latrie, elle n'a pu, par ces raisons, avoir une religion commune avec la cité de la terre, et elle s'est trouvée obligée de différer d'elle à cet égard; de sorte qu'elle aurait couru le risque d'être toujours exposée à la haine et aux persécutions de ses ennemis, s'ils n'eussent enfin été effrayés du

1 Voyez plus haut les livres IV, VI et VII, et comparez Arnobe, Contr. Gent., lib. III, p. 106 sqq.

2 Sur le culte de latrie, voyez plus haut, livre v, ch. 15, et livre VI, préface.

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nombre de ceux qui embrassaient son parti et de la protection visible que leur accordait le ciel. Voilà donc comment cette Cité céleste, en voyageant sur la terre, attire à elle des citoyens de toutes les nations, et ramasse de tous les endroits du monde une société voyageuse comme elle, sans se mettre en peine de la diversité des mœurs, du langage et des coutumes de ceux qui la composent, pourvu que cela ne les empêche point de servir le même Dieu. Elle use d'ailleurs, pendant son pèlerinage, de la paix temporelle et des choses qui sont nécessairement attachées à notre mortelle condition; elle désire et protége le bon accord des volontés, autant que la piété et la religion le peuvent permettre, et rapporte la paix terrestre à la céleste, qui est la paix véritable, celle que la créature raisonnable peut seule appeler de ce nom, et qui consiste dans une union très-réglée et très-parfaite pour jouir de Dieu et du prochain en Dieu. Là, notre vie ne sera plus mortelle, ni notre corps animal; nous posséderons une vie immortelle et un corps spirituel qui ne souffrira d'aucune indigence et sera complétement soumis à la volonté. La Cité céleste possède cette paix ici-bas par la foi; et elle vit de cette foi lorsqu'elle rapporte à l'acquisition de la paix véritable tout ce qu'elle fait de bonnes œuvres en ce monde, soit à l'égard de Dieu, soit à l'égard du prochain; car la vie de la cité est une vie sociale.

CHAPITRE XVIII.

Combien la foi inébranlable du chrétien diffère des incertitudes de la nouvelle Académie.

Rien de plus contraire à la Cité de Dieu que cette incertitude dont Varron fait le trait distinctif de la nouvelle Académie. Un tel doute, aux yeux d'un chrétien, est une folie. Sur les choses qui sont saisies par l'esprit et la raison, il affirme avec certitude, bien que cette connaissance soit fort limitée, à cause du corps corruptible qui appesantit l'âme; car, comme dit l'Apôtre, « notre science ici-bas est toute partielle (I Cor., XIII, 9). » II croit aussi au rapport des sens dans les choses qui se manifestent avec évidence, par cette raison que, si l'on se trompe quelquefois en les croyant, on se trompe bien davantage en ne les croyant jamais. Enfin il ajoute foi aux Écritures saintes, anciennes et nouvelles, que nous appelons canoniques, et qui sont comme la source de la foi dont le juste vit et qui nous fait marcher avec assurance à travers ce lieu de pèlerinage. Cette foi demeurant certaine et inviolable, nous pouvons douter sans crainte de certaines choses qui ne nous sont connues ni par les sens ni par la raison, et sur lesquelles l'Écriture ne s'explique point, ou qui ne nous ont point été confirmées par des témoignages incontestables 2.

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CHAPITRE XIX.

De la vie et des mœurs du peuple chrétien.

Il importe peu à la Cité céleste que celui qui embrasse la foi qui conduit à Dieu adopte tel ou tel genre de vie, pourvu qu'il ne soit pas contraire à ses commandements. C'est pourquoi, quand les philosophes mêmes se font chrétiens, elle ne les oblige point de quitter leur manière de vivre, à moins qu'elle ne choque la religion, mais seulement à abandonner leurs fausses doctrines. Ainsi elle néglige cette autre différence que Varron a tirée de la manière de vivre des Cyniques, à condition toutefois qu'il ne soit rien fait contre la tempérance et l'honnêteté. Quant à ces trois genres de vie, l'actif, le contemplatif, et celui qui est mêlé des deux, quoique tout croyant sincère puisse choisir comme il lui plaira, sans rien perdre de son droit aux promesses éternelles, il importe toutefois de considérer ce que l'amour de la vérité nous fait embrasser et ce que le devoir de la charité nous fait subir. On ne doit point tellement s'adonner au repos de la contemplation qu'on ne songe aussi à être utile au prochain, ni s’abandonner à l'action de telle sorte qu'on en oublie la contemplation. Dans le repos, on ne doit pas aimer l'oisiveté, mais s'occuper à la recherche du vrai, afin de profiter soi-même de cette connaissance et de ne la pas envier aux autres; et, dans l'action, il ne faut pas aimer l'honneur ni la puissance, parce que tout cela n'est que vanité, mais le travail qui

l'accompagne, lorsqu'il contribue au salut de ceux qui nous sont soumis. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre que « Celui qui désire l'épiscopat désire une bonne œuvre (1 Tim., ш, 1). » L'épiscopat est en effet un nom de charge, et non pas de dignité, comme l'indique l'étymologie'. Il consiste à veiller sur ses subordonnés et à en avoir soin, de sorte que celui-là n'est pas évêque qui aime à gouverner, sans se soucier d'être utile à ceux qu'il gouverne. Tout le monde peut s'appliquer à la recherche de la vérité, en quoi consiste le repos louable de la vie contemplative; mais, pour les fonctions de l'Église, quand on serait capable de les remplir, il est toujours honteux de les désirer. Il ne faut qu'aimer la vérité pour embrasser le saint repos de la contemplation; mais ce doit être la charité et la nécessité qui nous engagent dans l'action, en sorte que, si personne ne nous impose ce fardeau, il faut vaquer à la recherche et à la contemplation de la vérité, et si on nous l'impose, il faut s'y soumettre par charité et par nécessité 2. Et alors même il ne faut pas abandonner tout à fait les douceurs de la contemplation, de peur que, privés de cet appui, nous ne succombions sous le fardeau du gouvernement.

Episcopus, d'iníaxonos, formé d'intoxomat, veiller sur. * Comp. saint Augustin, Epist., XLVIII, n. 2.

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