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CHAPITRE XX.

Les membres de la Cité de Dieu ne sont heureux ici-Bas qu'en espérance.

Puis donc que le souverain bien de la Cité de Dieu consiste dans la paix, non cette paix que traversent les mortels entre la naissance et la mort, mais celle où ils demeurent, devenus immortels et à l'abri de tout mal, qui peut nier que cette vie future ne soit très-heureuse, et que celle que nous menons ici-bas, quelques biens temporels qui l'accompagnent, ne soit en comparaison très-misérable? Et cependant, quiconque s'y conduit de telle sorte qu'il en rapporte l'usage à celle qu'il aime avec ardeur et qu'il espère avec fermeté, on peut avec raison l'appeler heureux, même dès ce monde, plutôt, il est vrai, parce qu'il espère l'autre vie que parce qu'il possède celle-ci. La possession de ce qu'il y a de meilleur en cette vie, sans l'espérance de l'autre, est au fond une fausse béatitude et une grande misère. En effet, on n'y jouit pas des vrais biens de l'âme, puisque cette sagesse n'est pas véritable, qui, dans les choses mêmes qu'elle discerne avec prudence, qu'elle accomplit avec force, qu'elle réprime avec tempérance et qu'elle ordonne avec justice, ne se propose pas la fin suprême où Dieu sera tout en tous par une éternité certaine et par une parfaite paix.

CHAPITRE XXI.

Que, d'après les définitions aimises dans la République dé Cicéron, il n'y a jamais éú để république parmi les Romains.

Il s'agit maintenant de m'acquitter en peu de mots de la promesse que j'ai faite au second livre de cet ouvrage et de montrer que, selon les définitions dont Scipion se sert dans la République de Cicéron, il n'y a jamais eu de république parmi les Romains. Il définit en deux mots la république : la chose du peuple. Si cette définition est vraie, il n'y a jamais eu de république romaine; car jamais le gouvernement de Rome n'a été la chose du peuple. Comment, en effet, Scipion a-t-il défini le peuple? « C'est, dit-il, une société fondée sur des droits reconnus et sur la communauté des intérêts. » Or, il explique ensuite ce qu'il entend par ces droits, lorsqu'il dit qu'une république ne peut être gouvernée sans justice. Lå donc où il n'y a point de justice, il n'y a point de droit. Comme on fait justement ce qu'on a droit de faire, il est impossible qu'on ne soit pas injuste quand on agit sans droit. En effet, il ne faut pas appeler droits les établissements injustes des hommes, puisqu'eux-mêmes ne nomment droit que ce qui vient de la source de la justice, et rejettent comme fausse cette maxime de quelques-uns, que le droit du plus fort consiste dans ce qui lui est utile. Ainsi,

1 Chap. 21.

2 C'est la doctrine et ce sont les expressions du sophiste Thrasymaque dans le premier livre de la République de Platon.

où il n'y a point de vraie justice, il ne peut y avoir de société fondée sur des droits reconnus et sur la communauté des intérêts, et par conséquent il ne peut y avoir de peuple. S'il n'y a point de peuple, il n'y a point aussi de chose du peuple; il ne reste, au lieu d'un peuple, qu'une multitude telle quelle qui ne mérite pas ce nom. Puis donc que la république est la chose du peuple, et qu'il n'y a point de peuple, s'il n'est associé pour se gouverner par le droit, comme d'ailleurs il n'y a point de droit où il n'y a point de justice, il s'ensuit nécessairement qu'où il n'y a point de justice, il n'y a point de république. Considérons maintenant la définition de la justice: c'est une vertu qui fait rendre à chacun ce qui lui appartient. Or, quelle est cette justice qui ôte l'homme à Dieu pour le soumettre à d'infâmes démons? Est-ce là rendre à chacun ce qui lui appartient? Un homme qui ôte un fonds de terre à celui qui l'a acheté, pour le donner à celui qui n'y a point de droit, est injuste; et un homme qui se soustrait soi-même à Dieu, son souverain Seigneur et Créateur, pour servir les malins esprits, serait juste!

Dans cette même République, on soutient fortement le parti de la justice contre l'injustice; et comme en parlant d'abord pour l'injustice, on avait dit que sans elle une république ne pouvait ni croître ni s'établir, puisqu'il est injuste que des hommes soient assujettis à d'autres hommes, on répond, au nom de la justice, que cela est juste, parce que la servitude est avantageuse à ceux qui la subissent, (quand les autres n'en abusent pas), en ce qu'elle leur ôte la puissance de mal faire. Pour appuyer cette rai

son, on ajoute que la nature même nous en fournit un bel exemple: «Car pourquoi, dit-on, Dieu commandet-il à l'homme, l'âme au corps, et la raison aux passions? » Cet exemple fait voir assez que la servitude est utile à quelques-uns, mais que servir Dieu est utile à tous. Or, quand l'âme est soumise à Dieu, c'est avec justice qu'elle commande au corps et que dans l'âme même la raison commande aux passions. Lors donc que l'homme ne sert pas Dieu, quelle justice peut-il y avoir dans l'homme, puisque le service qu'il lui rend donne seul le droit à l'àme de commander au corps, et à la raison de gouverner les passions? Et s'il n'y a point de justice dans un homme étranger au culte de Dieu, certainement il n'y en aura point non plus dans une société composée de tels hommes. Partant il n'y aura point aussi de droit dont ils conviennent et qui leur donne le nom de peuple, et par conséquent point de république. Que dirai-je de l'utilité que Scipion fait encore entrer dans la définition de peuple? Il est certain qu'à y regarder de près, rien n'est utile à des impies, comme le sont tous ceux qui, au lieu de servir Dieu, servent ces démons, qui sont eux-mêmes d'autant plus impies, qu'étant des esprits immondes, ils veulent qu'on leur sacrifie comme à des dieux. Mais, laissant cela à part, ce que nous avons dit touchant le droit suffit, à mon avis, pour faire voir que, selon cette définition, il ne peut y avoir de peuple, ni par conséquent de république où il n'y a pas de justice. Prétendre que les Romains n'ont pas servi dans leur république des esprits immondes, mais des dieux bons et saints, c'est ce qui ne se peut soutenir sans stupidité ou sans

impudence, après tout ce que nous avons dit sur ce sujet; mais, pour ne point me répéter, je dirai seulement ici qu'il est écrit dans la loi du vrai Dieu que celui qui sacrifiera à d'autres dieux qu'à lui seul sera exterminé. Il veut donc en général et d'une manière absolue qu'on ne sacrifie point aux dieux; bons ou mauvais.

CHAPITRE XXII.

Que le Dieu des chrétiens est le vrai Dieu et le seul à qui l'on doive sacrifier.

Mais, dira-t-on, quel est ce Dieu, ou comment prouve-t-on que lui seul méritait le culte des Romains? Il faut être bien aveugle pour demander encore quel est ce Dieu : c'est ce Dieu dont les prophètes ont prédit tout ce que nous voyons s'accomplir sous nos yeux; c'est celui qui dit à Abraham: « En ta race, toutes les nations seront bénies (Gen., XXII, 18) » parole qui s'est vérifiée en Jésus-Christ, né de cette race selon la chair, comme le reconnaissent malgré eux ses ennemis mêmes; c'est lui qui a inspiré par son Saint-Esprit toutes les prédictions que j'ai rapportées touchant l'Église que nous voyons répandue par toute la terre; c'est lui que Varron, le plus docte des Romains, croit être Jupiter, quoiqu'il ne sache ce qu'il dit. Au moins cela fait-il voir qu'un homme si savant n'a pas jugé que ce Dieu ne fut point, ou qu'il fût méprisable, puisqu'il l'a cru le même que celui qu'il prenait pour le souverain de tous les dieux. Enfin, c'est celui que Porphyre, le

i Exod., XXII, 20.

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