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semblables, parce qu'ils portent comme moi dans leur esprit un rayon de sa lumière, et dans leur âme les germes des vertus dont il leur inspire le désir; je redoute enfin mes remords, parce qu'ils me font déchoir de cette grandeur que j'avais obtenue en me conformant à sa volonté. Ainsi les contre-poids qui vous retiennent sur les bords de l'abîme, je les ai tous, et j'ai de plus une force supérieure qui leur prête une plus vigoureuse résistance.

Démophon. J'ai connu des gens qui ne croyaient rien, et dont la conduite et la probité furent toujours irréprochables 1.

Philocles. Et moi je vous en citerais un plus grand nombre qui croyaient tout, et qui furent toujours des scélérats. Qu'en doit-on conclure? qu'ils agissaient également contre leurs principes, les uns en faisant le bien, les autres en opérant le mal. De pareilles inconséquences ne doivent pas servir de règle. Il s'agit de savoir si une vertu fondée sur des lois que l'on croirait descendues du ciel, ne serait pas plus pure et plus solide, plus consolante et plus facile, qu'une vertu uniquement établie sur les opinions mobiles des hommes.

1 Plat de leg. lib. 10, t. 2, p. 908, в. Clem, Alex. in protrept. t. 1, p. 20 et 21.

Démophon. Je vous demande à mon tour si la saine morale pourra jamais s'accorder avec une religion qui ne tend qu'à détruire les mœurs, et si la supposition d'un amas de dieux injustes et cruels n'est pas la plus extravagante idée qui soit jamais tombée dans l'esprit humain. Nous nions leur existence; vous les avez honteusement dégradés : vous êtes plus impies que nous1.

Philocles. Ces dieux sont l'ouvrage de nos mains, puisqu'ils ont nos vices. Nous sommes plus indignés que vous des faiblesses qu'on leur attribue. Mais si nous parvenions à purifier le culte des superstitions qui le défigurent, en seriez-vous plus disposé à rendre à la Divinité l'hommage que nous lui devons?

Démophon. Prouvez qu'elle existe et qu'elle prend soin de nous, et je me prosterne devant elle.

Philocles. C'est à vous de prouver qu'elle n'existe point, puisque c'est vous qui attaquez un dogme dont tous les peuples sont en possession depuis une longue suite de siècles. Quant à moi, je voulais seulement repousser le ton railleur et insultant que vous aviez pris d'abord. Je commençais à comparer votre doctrine à la

'Plut de superst. t. 2, p. 169, F. Bayle. pens. sur la com. t. 1, S. 116.

nôtre, comme on rapproche deux systèmes de philosophie. Il aurait résulté de ce parallèle que chaque homme, étant, selon vos auteurs, la mesure de toutes choses, doit tout rapporter à lui seul 1; que, suivant nous, la mesure de toutes choses étant Dieu même2, c'est d'après ce modèle que nous devons régler nos sentimens et nos actions 3.

Vous demandez quel monument atteste l'existence de la Divinité. Je réponds : L'univers, l'éclat éblouissant et la marche majestueuse des astres, l'organisation des corps, la correspondance de cette innombrable quantité d'êtres, enfin cet ensemble et ces détails admirables, où tout porte l'empreinte d'une main divine, où tout est grandeur, sagesse, proportion et harmonie ; j'ajoute le consentement des peuples, non pour vous subjuguer par la voie de l'autorité, mais parce que leur persuasion, toujours entretenue par la cause qui l'a produite, est un témoignage incontestable de l'impression qu'ont toujours faite sur les esprits les beautés ravissantes de la nature 5.

1 Protag. ap. Plat. in Theat. t. 1, p. 167 et 170, E. Sext. Empyr. Pyrrhon hypoth. lib. 1, cap. 52, p. 55.-2 Plat. de leg. lib. 4 t. 2, p. 716, Id. epist. 8, t. 3, p. 354. E. - 4 Id. de leg.

D.

3

lib. 10, t. 2, p. 886. Aristot. de cœlo, lib. 1, cap. 3, t. 1, p. 434, E. Cicer. de nat. deor. lib. 1, cap. 17, t. 2 5 Plat ibid. , P. 411. Aristot. ap. Cicer. de nat. deor. lib. 2, cap. 37, t. 2, p. 464.

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La raison, d'accord avec mes sens, me montre aussi le plus excellent des ouvriers dans le plus magnifique des ouvrages. Je vois un homme marcher ; j'en conclus qu'il a intérieurement un principe actif. Ses pas le conduisent où il veut aller; j'en conclus que ce principe combine ses moyens avec la fin qu'il se propose. Appliquons cet exemple. Toute la nature est en mouvement; il y a donc un premier moteur. Ce mouvement est assujetti à un ordre constant; il existe donc une intelligence suprême. Ici finit le ministère de ma raison; si je la laissais aller plus loin, je parviendrais, ainsi que plusieurs philosophes, à douter de mon existence. Ceux mêmes de ces philosophes qui soutiennent que le monde a toujours été n'en admettent pas moins une première cause qui de toute éternité agit sur la matière. Car, suivant eux, il est impossible de concevoir une suite de mouvemens réguliers et concertés sans recourir à un moteur intelligent1.

Démophon. Ces preuves n'ont pas arrêté parmi nous les progrès de l'athéisme.

Philoclès. Il ne les doit qu'à la présomption et à l'ignorance 2.

'Aristot. metaph. lib. 14, cap. 7, etc. t. 2, p. 1000. de leg. lib. 10, t. 2, p. 886.

2 Plat.

Démophon. Il les doit aux écrits des philosophes. Vous connaissez leurs sentimens sur l'existence et sur la nature de la Divinité a.

Philocles. On les soupçonne, on les accuse d'athéisme, parce qu'ils ne ménagent pas assez les opinions de la multitude, parce qu'ils hasardent des principes dont ils ne prévoient pas les conséquences, parce qu'en expliquant la formation et le mécanisme de l'univers, asservis à la méthode des physiciens, ils n'appellent pas à leur secours une cause surnaturelle. Il en est, mais en petit nombre, qui rejettent formellement cette cause, et leurs solutions sont aussi incompréhensibles qu'insuffisantes.

Démophon. Elles ne le sont pas plus que les idées qu'on a de la Divinité. Son essence n'est pas connue, et je ne saurais admettre ce que je ne conçois pas.

Philocles. Vous avancez un faux principe. La nature ne vous offre-t-elle pas à tous momens des mystères impénétrables? Vous avouez que la matière existe, sans connaître son essence; vous savez que votre bras obéit à votre volonté, sans apercevoir la liaison de la cause à l'effet.

a Voyez la Note I à la fin de l'ouvrage. Bayle, contin. des pens. sur la com. t. 3, §. 21 et 26.

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