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immédiatement après; s'il a le droit d'en faire une, il a celui d'en faire mille; s'il a le droit de renverser une seule légitimité, il a le droit de les renverser toutes: en un mot, ce droit de souveraineté n'est autre chose que celui du plus fort. Il me semble qu'il était inutile de discuter si long-tems sur la nature d'un pareil droit.

En effet, qui consentirait à vivre dans une société où l'existence des lois fondamentales pourrait être remise en question dans chaque assemblée du peuple? (Et tel est pourtant le résultat de la souveraineté qu'on lui attribue.) Qui m'assure la paisible jouissance de mon patrimoine, des fruits de mon industrie? qui me me garantit ma liberté, ma vie même ? Les lois fondamentales. Et je pourrais me reposer sur ła foi de mes concitoyens dont le plus grand nombre est presque toujours intéressé à me ravir ce que je possède! Je suis souverain, dites-vous; mais si dans une discussion quelconque, je fais partie de la minorité, ne suis-je pas opprimé comme le plus vil esclave? Suis-je libre, enfin, lorsque j'ignore perpétuellement s'il me sera permis d'être demain ce que je suis aujourd'hui ? Bâtirai-je sur un terrain que la moitié, plus un, de mes co-souverains pour

raient me ravir au moyen d'une loi agraire ? Planterai-je un arbre, semerai-je dans un champ dont on a le droît de me dépouiller avant la récolte? Deviendrai-je père de famille, quand j ignore si mes enfans pourront hériter de moi? Quelle société peut-on fonder sur un tel système ? Ceux qui l'ont imaginé n'ont donc pas aperçu qu'ils abandonnaient la civilisation pour nous reporter à l'état sauvage, et plus loin encore, à celui des animaux incapables de vivre en société.

Remarquons, au reste, que l'exercice de ce droit de souveraineté n'est jamais attribué à la multitude. Ceux qui le présentent ainsi se trompent ou veulent tromper. Cet exercice se concentre toujours dans les mains d'un petit nombre, et le plus souvent dans celles d'un seul. Il n'est pas nécessaire, pour que cela arrive, que le hasard produise un homme extraordinaire; la force des choses suffit. Le plus lâche et le moins habile des scélérats, Roberspierre, a long-tems exercé la tyrannie la plus absolue sur vingt millions de prétendus souverains. Les législateurs absolus qui le précédèrent, avaient renversé toutes les légitimités sociales, et il ne fit qu'exécuter franchement leur système de régénération. Supposez à la place

de Roberspierre un homme moins cruel; il y eût eu moins de sang versé, mais le genre de pouvoir exercé n'en eût pas moins été le pur despotisme. Et voilà ce qu'on présente au peuple comme le résultat de sa souveraineté !

Ce dogme de la souveraineté du peuple, tel que nos révolutionnaires le prêchent d'après les sophistes du dix-huitième siècle, n'est autre chose que le pouvoir arbitraire attribué au plus grand nombre. Dans la pratique, ce droit s'exerce au profit de quelques ambitieux; heureux lorsqu'il se concentre définitivement dans les mains d'un seul! on a du moins l'espoir du repos dans l'esclavage; les droits civils sont, en général, mieux garantis; et il est plus facile d'assouvir un despote que de repaître l'insatiable majorité d'un peuple de souverains.

DE LA LÉGITIMITÉ.

L'homme ne naît pas libre, ainsi que quelques sophistes l'ont prétendu. Il naît dans une société déjà existante, dont l'organisation est indépendante de sa volonté, de ses caprices, et même de ses intérêts particuliers. Il naît dans une condition déterminée qu'il n'a pas

été libre de choisir; il trouve les choses établies avant lui. Il naît donc dans la dépendance.

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Si la société se réjouit à la naissance d'un homme de posséder un membre de plus, c'est uniquement parce qu'elle suppose qu'il se conformera aux lois qui la régissent, et contribuera à défendre son existence sous les formes actuelles. Si la société pouvait prévoir que, parvenu à l'âge où ses forces seront développées, cet homme en usera pour essayer de troubler l'ordre établi, elle aurait le droit de l'étouffer dès sa naissance; telle est, dans l'état primitif auquel nos libéraux voudraient nous reporter, la liberté que l'homme trouve assise auprès de son berceau.

Cet ordre dont nous parlons, cet ordre antérieur à l'arrivée de chaque individu dans le monde civilisé, ces lois fondamentales desquelles il naît sujet, ces institutions qui protègent son enfance de leur ombre tutélaire, et qu'il doit protéger à son tour en faveur de de ceux qui naîtront après lui; voilà ce que l'homme ne peut attaquer sans injustice, parce que personne ne lui a conféré ce droit ; parce que l'existence de ces choses ne vient pas de lui, mais de Dieu, de la Providence, du

destin, du hasard enfin, si nos athées préfèrent de le nommer ainsi. Voilà, dans l'acception la plus étendue, le principe de la légitimité. Il n'est point de société dont l'existence ne repose sur ce principe : pour qu'un homme fût revêtu du droit de méconnaître les légitimités sociales, il faudrait qu'il les réunît toutes en lui; il faudrait qu'il vécût isolé, sans communication avec le reste du monde, et qu'il composât à lui seul une société tout entière.

L'ordre social n'est autre chose que la collection de toutes les légitimités. Les renverser au moyen de cette puissance qu'on nomme insurrection, c'est une injustice; c'est une imprudence; c'est une erreur.

C'est une injustice; car la patrie ne consiste pas seulement dans le sol et dans les hommes; elle existe dans les institutions qui l'ont fondée, agrandie, fortifiée. Enfans de la patrie, qui dépouillez cette mère commune de ses vêtemens antiques et révérés, croyez-vous échapper au châtiment dû aux fils ingrats et sacriléges?

C'est une imprudence; car vous autorisez ceux qui vous suivront à vous traiter avec cette rigueur que vous employez envers ceux qui vous ont précédés; vous ouvrez les barrières à

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