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Mais, à la contempler, nul ne peut définir
Si c'est une espérance ou bien un souvenir,
Tant l'ame balancée en sa plainte secrète
Flotte entre ces deux mots : j'attends et je regrelle.
Chaque peuple a rêvé ce merveilleux jardin,
Soit qu'avec Jéhovah il ait connu l'Eden,-
Soit qu'aux pieds de l'Olympe une lyre sacrée
Lui chante l'âge d'or de Saturne et de Rhée,
Ou qu'enfant sous la tente il aime à s'endormir
Bercé par les Péris des songes de Cashmir.

Là, dans son unité, sur l'arbre de science,

Du bien, du vrai, du beau fleurit la triple essence;
Et dans l'or du feuillage, aux Grâces réunis,
Là des blanches Vertus les essaims font leurs nids,
Avant d'aller chanter leur mélodie auguste
Sur le front de la vierge et dans l'ame du juste.
C'est là qu'avant le jour de leurs aveux charmants
S'étaient choisis déjà les couples des amants,
C'est de là qu'à la voix du poète ou du sage
Descendent dans nos nuits et l'idée et l'image,
Là que tout chant sublime a résonné d'abord,
Avant qu'un luth mortel en répétát l'accord.

Les germes de nos fleurs sont tombés de ce monde,
L'art est un rameau né de sa sève féconde;

Plus que tout autre, M. Victor de Laprade nous parast appelé à mettre en œuvre ces richesses de l'antiquité; car à l'esprit qui pénètre et dévoile les symboles, il joint un sentiment exquis de la beauté et de la simplicité grecques, témoin le poème d'Eleusis, dont la Revue des Deux -Mondes vient de publier une partie, et qui seul suffirait pour mériter à son auteur d'entrer dès à présent dans la pléiade brillante, mais peu nombreuse, des poètes dout la France s'honore.

Là-haut furent cueillis sur les prés en émail
Le mystique rosier qui flamboie au vitrail,
L'acanthe et le lotus qu'en légères couronnes
L'Ionie a tressés au faîte des colonnes.

Avant qu'un ciseau grec et qu'un pinceau romain
Les fixat pour toujours sous l'œil du genre humain,
Les vierges au long voile et les nymphes rivales
Là-haut menaient en chœurs les danses idéales,
Et, suspendant leurs jeux, là, ces filles du ciel
Ont posé devant vous, Phidias, Raphaël!
Là, sur ton aile d'or vers l'infini guidée,
Tu montais, o Platon, au séjour de l'idée..
C'est là qu'à son amant Béatrice a souri,
Et là son regard d'aigle, ◊ Dante Alighieri,
T'emportant dans sa flamme à travers les dix sphères,
T'a du monde divin révélé les mystères.

C'est là qu'enfin Psyché vécut son premier jour,
Tant qu'avec l'innocence elle garda l'amour ;
Comme en un joyeux nid de fleurs et de rosée,
Par un souffle divin l'ame y fut déposée;
Et, près d'elle éveillés dans l'herbe de ce sol,

Du bord de son berceau mes chants prendront leur vol.

Mais au seuil de ton œuvre inscris donc la prière,
Et dis en commençant d'où te vient la lumière,
O poète; malheur aux hymnes qui naîtront
Sans que le nom de Dieu soit gravé sur leur front!

Je sais au ciel trois sœurs qui, les mains enlacées,
Font jaillir sous leurs pas l'or des bonnes pensées;
La Grèce en adora les corps chastes et nus,

Beaux vases qui cachaient des parfums inconnus.
C'est vous, entre vos mains je m'abandonne, ◊ Grâces,
C'est vous qui jusqu'au but portez les ames lasses,
Vous par qui les présents de Dieu nous sont comptés,
Vous qu'on appelle mieux du nom de Charités !
Par vous, de l'homme au ciel et du ciel à la terre
Se fait du double amour l'échange salutaire ;

Le cœur vous doit son aile, et l'esprit son flambeau ;
Sans vous tout homme reste incapable du beau,
La sagesse avec vous n'a jamais le front triste,
L'œuvre abonde et sourit sous les doigts de l'artiste.
Grâces, en qui j'ai foi, blanches filles de Dieu,
Touchez, touchez mon front de vos lèvres de feu.

Ah! l'inspiration n'appartient à personne,
Pas plus qu'à ce rameau dont la feuille résonne,
Le vent qui le caresse et qui le fait chanter,
Et le Dieu qui la donne est libre de l'ôter;
Nul ne peut devancer l'heure entre vous choisie,
O Grâces, pour verser dans lui la poésie;
Mais l'artiste pieux, au cœur pur et sans fiel,
Peut à force d'amour vous arracher du ciel.
Venez donc, vous savez si l'art m'est chose sainte,
Si j'ai touché jamais à la lyre sans crainte,
Si j'attends rien de moi, si l'orgueil me nourrit,
Et dans quel tremblement j'invoque ici l'esprit!
O Grâces, descendez, belles vierges antiques,
Formez autour de moi vos cadences mystiques,
Et qu'en un même accord, sur trois modes divers,
La douceur de vos voix coule à flots dans mes vers !

Victor de LAPRADE.

UNE LARME DE FIANCÉE.

Un jour Dieu, d'une voix plus tendre et plus austère,
Parle à la femme en rêve, et lui dit d'être mère.
Sur votre route alors, femmes, vous rencontrez
Un étrange horizon qui s'ouvre et vous dévoile
Un ciel où chaque vœu resplendit en étoile,
Un nouveau monde enfin où l'on vous dit : Entrez.

Alors nous vous faisons rayonnantes et belles,
Nous vous donnons joyaux, écharpes et dentelles,
Nous parons vos cheveux de l'oranger en fleur;
Le monde autour de vous tourne en formant des danses,
Le poète s'émeut et vous chante ses stances,

Les mères à l'autel vont prier le Seigneur.

Et vous qui dans ce jour prenez une autre vie,
Vous que l'on émancipe, et qui faites envie
A vos plus jeunes sœurs qui vous suivent de loin,
Vous qui ceignez, en reine, un nouveau diadème,
Qui possédez alors la royauté qu'on aime,
Royauté du foyer dont la femme a besoin ;

Quand se dressent pour vous les couches embaumées,
Lorsque l'anneau s'échange entre les mains charmées,
Devant le ciel témoin de vos serments jurés ;
Ce jour, où, comme aux pieds d'une sainte madone,
L'homme implore à genoux l'amour que Dieu vous donne
Pour en ceindre son front;-ce jour-là, vous pleurez!

C'est que votre être entier, femmes, est un mystère ; C'est que si vous semblez le roseau solitaire

Qui tremble aux bords des lacs effleurés des zéphirs, Comme lui vous rendez pour première harmonie, Quand un vent tiède ou froid vous caresse ou vous plie, Des bruits pleins de tristesse et de vagues soupirs;

C'est que vous, jusqu'ici, vous qui n'aviez su dire
Que de folles chansons à livrer au zéphire,
Que des mots dont l'écho jouait quelques instants,
Vous dont les pas étaient légers et pleins de grâce,
Comme si cette vie était un bal qui passe,
Où les heureux sont ceux qui s'y mêlent longtemps;

Vous allez tout-à-coup dire sur l'Evangile

Un mot qui ne doit pas se perdre en bruit stérile,
Un mot puissant que Dieu pèsera dans le ciel;
Faire un pas dont l'empreinte à jamais doit paraître,
Un pas comme celui que fait le jeune prêtre,
Quand il avance un pied dans le cercle éternel.

C'est de penser aussi que la femme abandonne
A l'homme dans ce jour sa plus blanche couronne,
Son âge de candeur et de limpidité,

Sa ceinture qu'au ciel prendrait un ange même,
Sa robe de douze ans, sa robe de baptême,
Son être tout entier dans sa virginité.

C'est qu'aujourd'hui vos pas gravissent une cime,
Entre vos plus grands jours, remarquable et sublime,
Où nul ne peut jamais monter sans réfléchir :
Borne qui scinde en deux grandes parts l'existence,
Elevée aux confins de notre adolescence,

Où l'on s'assied pour voir ce qu'il reste à franchir.

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