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à saint Vincent Ferrier, qui avait été l'un des neuf juges nommés à cette assemblée célèbre, il opta aussi pour l'infant de Castille, qui, monté sur le trône et ne pouvant lui faire accepter de récompense, le nomma son confesseur et son prédicateur.

Le nouveau roi désirait l'union de l'Église. Aussi le voyons-nous à Tortose, où se trouvait Benoît, redoubler d'efforts, avec saint Vincent, pour décider l'antipape à se désister de toutes ses prétentions, afin de rendre la paix à l'Église; mais ils ne purent vaincre l'opiniâtreté de l'implacable vieillard (novembre 1412). Au mois de juin 1414, le roi Ferdinand se rendit à Morella, où se trouvait l'antipape, et où saint Vincent ne tarda pas à les rejoindre, ainsi que les ambassadeurs de l'empereur Sigismond. Tout ce qu'on put obtenir de Pierre de Luna, fut qu'il se rendrait à Nice, pour conférer avec Sigismond lui-même, se mettre en rapport avec le Pape de Rome et les Pères du Concile de Constance, enfin, pour prendre un parti définitif. Après quoi, le Congrès fut fixé au mois de juin de l'année suivante. Le 18 mai 1415, saint Vincent Ferrier se trouvait de retour de l'Italie en Catalogne, lorsqu'il reçut du roi Ferdinand l'invitation de se rendre à Port-Vendres. Le roi lui écrivait :

« Comme un Congrès, ainsi que vous savez, doit se tenir à Nice pen« dant tout le mois de juin, entre notre Très-Saint-Père le Souverain « Pontife, le roi des Romains et nous, pour extirper enfin un schisme qui « dure depuis longtemps, je vais me hâter d'entreprendre ce voyage. Le « Souverain Pontife vous écrira sur ce sujet. Nous-même nous vous « prions très-affectueusement et nous vous requérons pour l'heureux « succès d'une si importante affaire, que tous les fidèles doivent favoriser « et que vos conseils et vos prières doivent servir infiniment, nous vous « prions de vous rendre à Port-Vendres et d'y attendre le Souverain a Pontife et moi. Nous passerons dans cette ville vers le milieu de juin... » Après avoir reçu cette lettre, saint Vincent se dirigea vers Port-Vendres. Il apprit bientôt qu'une grave maladie empêchait le roi de se rendre à Nice; que l'empereur Sigismond, instruit de cette maladie, avait prié Benoît XIII et Ferdinand de désigner une autre ville pour le Congrès, et enfin qu'on avait désigné Perpignan.

Ce fut alors que Grégoire XII, Pape de Rome, renonça à tous ses droits, afin que le Concile de Constance pût élire un Pape accepté par, l'Église universelle. Il fallait décider le Pape d'Avignon, l'ambitieux Benoît XIII, à imiter un si bel exemple. Dans la seizième session du Concile de Constance, tenue le 11 juillet 1415, l'empereur Sigismond se chargea d'aller en Espagne pour s'entendre avec le roi d'Aragon et Pierre de Luna, et pour obtenir enfin de ce dernier une renonciation pareille à celle de Grégoire XII.

Au mois de septembre suivant, la ville de Perpignan fut le théâtre d'un

Congrès des plus solennels qui soient mentionnés dans ses Annales. On vit rassemblés dans cette ville, l'antipape Benoît XIII, avec plusieurs évêques et cardinaux de son obédience; le roi d'Aragon, accompagné de son fils et de trois reines, dona Éléonore, son épouse, dona Marguerite, veuve du roi Martin, et dona Violante, veuve du roi Jean; les ambassadeurs du Concile de Constance; le grand-maître des chevalers de Rhodes; les ambassadeurs du roi de France, du roi de Hongrie et du roi de Navarre; le comte d'Armagnac et une foule d'autres grands personnages. L'empereur Sigismond s'était arrêté à Narbonne, où se trouvaient aussi réunis dixsept prélats, pour travailler, comme les membres de l'assemblée de Perpignan, à la grande affaire de l'extinction du schisme. Les efforts des uns et des autres tendaient à obtenir, ou l'abdication de Benoît XIII, ou la soustraction des royaumes d'Espagne à son obédience.

Saint Vincent Ferrier eut alors l'occasion de déployer son zèle et toute son énergie: car il fut à la fois l'oracle du Congrès de Perpignan et de celui de Narbonne. Ses rapports avec Benoît XIII, l'estime dont l'honorait le roi d'Aragon, sa haute réputation de sainteté, le désignaient comme l'homme le plus capable de faire réussir ces difficiles négociations.

De Narbonne, l'empereur Sigismond avait envoyé ses ambassadeurs à Perpignan, les chargeant de visiter de sa part Ferdinand et Benoît XIII. Celui-ci était toujours logé au château, avec une garde de trois cents hommes d'armes, qui, chevaliers de Saint-Jean pour la plupart, étaient commandés par Rodrigue de Luna, neveu de Benoît (1).

Cachant toujours sa pensée, l'artificieux Pierre de Luna dit aux envoyés de Sigismond qu'il était prêt à faire tout ce qui serait nécessaire pour la concorde et l'union. En apprenant cette réponse, l'empereur, plein d'espérance, se miten route pour Perpignan. Le roi d'Aragon envoya à sa rencontre, jusqu'à Salses, son fils Alphonse, avec une suite considérable choisie dans la noblesse espagnole. Sigismond fit son entrée à Perpignan le 19 septembre, avec quatre mille cavaliers allemands ou hongrois. On fit de grandes fêtes pour la réception de l'empereur; mais le roi Ferdinand ne put y assister à cause de son état de souffrance. Si nous en croyons le manuscrit du chevalier Turrell, l'empereur fut logé au couvent des Frères Mineurs (ou Cordeliers), et les gens de sa suite dans diverses maisons du même quartier. Le lendemain, après avoir entendu la messe, l'empereur alla visiter le roi d'Aragon retenu chez lui, et le surlendemain, les deux reines, Marguerite et Violante. Le jour suivant, il alla au château rendre visite à Benoît, qui, assis sur un trône, entouré de cardinaux et de prélats, le reçut avec bienveillance et lui donna le baiser de paix. Sigismond ne laissa pas que d'être troublé à la vue de cet appareil, si bien qu'il rendit honneur et hommage à celui qui déployait si fastueusement les in(1) Mémoires manuscrits du chevalier Turrell, de Barcelone.

signes dont il eût voulu le voir se dépouiller volontairement. Ce ne fut qu'après cette première entrevue que les questions sérieuses furent abordées entre Benoît et Sigismond.

Excité par ce dernier à ne consulter que le bien de l'Église et à se démettre du Pontificat, Pierre de Luna répondit que, pour le service de Dieu, il renoncerait à tout. Il fit la même réponse aux ambassadeurs du Concile; mais, quelques jours après, il formulait des conditions entièrement inacceptables: il voulait, en retour de son abdication, qu'on regardât comme nul le Concile de Constance et qu'on en convoquât un autre en France, dans lequel, après avoir été confirmé Pape, il déposerait la tiare; enfin il voulait demeurer cardinal et légat à latere, avec un plein pouvoir spirituel et temporel dans tous les pays qui le reconnaissaient alors comme Souverain Pontife. Cet intraitable vieillard, on le voit, était peu touché des maux de l'Eglise et ne songeait qu'à traîner les négociations en longueur. Aussi l'empereur, le roi d'Aragon et les ambassadeurs des autres princes étaient-ils très-mécontents. Saint Vincent fit les derniers efforts pour inspirer à Benoît des sentiments moins opposés à la paix de l'Église et à son propre salut. Tout ce qu'il lui avait déjà dit et écrit, dans plus d'une occasion, il le renouvela avec une généreuse liberté. Il le pouvait d'autant mieux, qu'il s'était montré humblement soumis à Benoît XIII, tant qu'il avait pu le croire Pape légitime; mais, en ce moment, après l'exemple de Grégoire XII, il était évident qu'il dépendait de Benoît XIII de finir le schisme et de réunir toute l'Église sous l'autorité d'un même chef légitime. Saint Vincent parla donc avec force; mais la voix de cet apôtre, à qui Dieu avait donné la vertu de faire entendre les sourds et de ressusciter les morts, ne put ébranler le plus obstiné des hommes (1).

Tout en prenant une large part aux travaux des deux assemblées de Narbonne et de Perpignan, saint Vincent ne cessait de prêcher au peuple, pour l'exhorter à la pénitence; mais le peuple n'assistait pas seul à ses prédications: les rois et leurs ambassadeurs venaient les entendre assidûment.

« Il prêchait après la messe, qui se chantait solennellement. Toutefois, il ne crut pas devoir profiter des musiciens de la chapelle royale, que don Ferdinand avait mis à sa disposition. Ne voulant d'autre mélodie que le chant grégorien, il faisait chanter seulement les prêtres de sa compagnie, dont la voix n'était accompagnée que par les accords de l'orgue. Le roi d'Aragon ordonna aux Juifs d'assister aux prédications de saint Vincent. Ils obéirent volontiers; mais quelques-uns se prêtèrent à un complot tramé par des hommes jaloux de la réputation du saint. Pour diminuer

(1) Voyez le P. Touron, dans son ouvrage intitulé: les Hommes illustres de l'Ordre de Saint-Dominique (Vie de saint Vincent Ferrier.)

l'autorité de sa parole, on eut l'idée de lui faire donner un démenti public. Quelques rabbins se chargèrent de le contredire en présence de Benoît XIII et du roi. Pour convaincre les Juifs, saint Vincent citait un jour un texte de l'Ancien Testament; et, afin de se mettre davantage à la portée de ceux qu'il voulait convertir, il cita le texte en hébreu, puis l'expliqua et le commenta. Les rabbins, jugeant le moment favorable, se levèrent en s'écriant qu'il n'avait pas fidèlement cité le texte et qu'il fabriquait une Bible à sa façon. Ces paroles causèrent un grand tumulte, et les rabbins eussent peut-être été victimes de leur mauvaise foi, si le saint n'eût lui-même apaisé le peuple irrité : « ..... Mes frères, dit-il ensuite à << ses contradicteurs, venez aujourd'hui dans ma cellule je vous ferai << voir que j'ai cité fidèlement le texte, et que c'est vous qui vous << trompez. >>

Les rabbins ne purent pas refuser de se rendre à l'invitation de saint Vincent. Ils ne furent pas seulement convaincus de leur tort par son amicale conversation: ils furent touchés et gagnés; ils avouèrent qu'ils avaient cédé aux instigations de quelques envieux; ils se convertirent, et avec eux soixante familles, c'est-à-dire presque tous les Juifs de Perpignan. Plusieurs entrèrent dans sa compagnie et le suivirent dans ses missions, si bien qu'à Toulouse on se disait, en les montrant du doigt: « Voilà les Juifs que le Père Maître Vincent a convertis à Perpi« gnan (1). »

<< Cette ville eut aussi le bonheur de voir de vieilles inimitiés faire place à une paix fraternelle, les usuriers restituer un argent mal acquis, les maisons de débauche se fermer, des étudiants dissolus se soumettre au joug de la religion, des pécheurs publics donner l'exemple d'une austère pénitence. Un de ces pécheurs, nommé Bercoll, célèbre dans Perpignan par sa grande fortune et sa honteuse conduite, fut saisi d'un si vif repentir après un sermon de saint Vincent, que, pour expier ses fautes passées, il ne se contenta pas de longs jeûnes et de disciplines sanglantes i vendit ses biens, distribua tout son argent aux pauvres, se dépouilla de tout, se retira dans la solitude et passa le reste de sa vie dans une grotte, pleurant ses fautes, priant et se mortifiant. Saint Vincent se réjouissait de ces belles conversions, parce qu'il pensait qu'en apaisant la justice de Dieu, elles contribueraient efficacement à obtenir du ciel la grâce la plus universellement désirée, l'extinction du schisme et la paix de l'Église (2). »

Cependant, d'un côté, la ténacité de Pierre de Luna causait une profonde tristesse à saint Vincent; et, d'un autre côté, cette affliction s'ajoutant à la fatigue dont l'avaient accablé ses travaux apostoliques, il tomba

(1) Vie de saint Vincent Ferrier, par le P. Teoli, liv. Ier, tr. II, ch. XXVI. (2) Vie de saint Vincent Ferrier, par M. l'abbé A. Bayle, ch. xxII.

gravement malade. Le P. Théobald Durant, Dominicain du couvent de Perpignan, lui avait cédé sa cellule, qui fut bientôt remplie de religieux désolés à la seule pensée que la mort allait peut-être leur enlever le plus saint de leurs frères. Mais Jésus-Christ apparut à saint Vincent au moment le plus désespéré de sa maladie. Un habile médecin, le docteur François Géniz, étant venu le visiter, il refusa le concours de son art, en lui disant : « Ce ne sont pas des remèdes humains qui me rendront la « santé. Jésus-Christ, qui sait guérir tous les maux, m'est apparu cette << nuit; il m'a dit que je prêcherais jeudi prochain. » Cette prédiction se réalisa. Se levant le jeudi avec sa force ordinaire, saint Vincent prêcha sur ce texte « Ossa arida, audite verbum Dei; ossements arides, en« tendez la parole de Dieu. » Il raconta l'apparition qui avait consolé ses souffrances, et déclara que Jésus-Christ l'avait assuré qu'il ne mourrait pas à Perpignan, mais qu'il visiterait encore divers pays.

Cependant les mois s'écoulaient, et aucune résolution n'était prise. L'empereur Sigismond, voyant l'inutilité de tous ses efforts et des exhortations de saint Vincent Ferrier sur Benoît, menaça de retourner à Constance, pour engager les Pères du Concile à déposer au plus tôt Pierre de Luna. Il somma le Pontife obstiné de renoncer purement et simplement, comme avait fait Grégoire XII, sans proposer d'inacceptables conditions. Résolu à ne rien céder, Benoît XIII persista à ne faire que des réponses évasives. L'empereur en colère fit ses préparatifs de départ. Le roi d'Aragon, fâché du nouveau tour que prenaient les négociations, somma de son côté Pierre de Luna d'abdiquer, en le menaçant de soustraire toute l'Espagne à son obédience. Benoît XIII consentait à parlementer toujours, mais il ne voulait rien conclure. Le 5 novembre 1415, l'empereur Sigismond prit le chemin de Constance, en menaçant de liguer les princes d'Europe contre ceux qui défendaient le Pape d'Avignon. Il partit sans prendre congé du roi Ferdinand, dont il soupçonnait la bonne foi, et qu'il croyait au fond partisan du Pontificat de Benoît XIII, bien que ce prince eût l'air de désirer sa renonciation. L'événement démentit cette sévère accusation: car Benoît ayant voulu tenter de se dérober aux obsessions dont il était l'objet, le roi d'Aragon, malgré ses souffrances, qui devaient l'enlever l'année suivante et qui, déjà alors, le mettaient dans l'impossibilité de signer ses dépêches, fit défendre aux galères de Benoît de s'éloigner, et aux capitaines des ports de laisser sortir aucun navire sans sa permission.

La reconnaissance pouvait, jusqu'à un certain point, attacher Ferdinand aux intérêts de Benoît; mais il voulait avant tout le bien et la paix de l'Église. Aussi, se sentant blessé du départ précipité de Sigismond, il tint à faire connaître à celui-ci ses véritables sentiments, et se hâta d'envoyer auprès de lui deux gentilshommes, qui l'atteignirent près

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