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moëlleux. Je ne sais si l'on n'a point à regretter, çà et là, des tons d'ivoire et de porcelaine. M. Merle, dont la couleur est attrayante, le des sin ferme, le modelé si savant, me paraît trop intelligent pour ne pas comprendre qu'il faut savoir quelquefois sacrifier le détail à l'ensemble. Il est assez maître de son habile pinceau pour ne pas craindre de lui laisser prendre au besoin quelque liberté.

Le talent de M. Antigna aussi m'est des plus sympathiques et je suis heureux de le trouver cette année encore en progrès. Rien de plus charmant que la Sérénade et les trois jeunes filles qui, derrière un rideau laissant passer la lumière chaude et dorée, prêtent l'oreille aux modulations caressantes des instruments touchés par des mains habiles. Le rayonnement du bonheur épanouit ces jolis visages, également radieux et souriants; mais avec des expressions différentes et une variété de types gracieux. Ces jeunes filles qui, d'après leurs costumes, n'appartiennent point aux classes élevées, nous plaisent par la pureté des profils et la distinction des traits. Mais pourquoi les avoir vêtues de ces étoffes grossières, aux coulenrs ternes, qui choquent les yeux et ne font pas valoir assurément ces aimables personnes comme feraient de légères et moëlleuses étoffes? Le peintre dira, peut-être : « Mais c'est ainsi dans la nature. » Qu'importe ! Cher Monsieur, n'exagérons point. Si l'artiste doit s'inspirer .toujours de la nature, le grand maître, l'étudier sans relâche, je n'admets pas qu'il en soit le servile esclave, à la façon de l'instrument inintelligent, orgueil du photographe! L'artiste, loin de se réduire au rôle de simple machine, doit savoir choisir dans les réalités qui s'offrent à ses regards. M. Antigua, je le lui demande, s'il avait à faire le portrait d'un jeune patricien, consentirait-il jamais à le peindre avec cette jaquette aux pans coupés rasibus, et dans ce ridicule accoutrement sous lequel paradent aujourd'hui nos gandins, j'allais écrire Dandins, et qui fait ressembler le plus élégant d'entre eux à son palefrenier.

Un Cauchemar! autre toile de l'artiste, m'a constristé par l'estime dans laquelle je tiens son talent comme son caractère. Ce Cauchemar, vrai cauchemar pour moi, représente une femme couchée, pas plus vêtue que la Vénus Anadyomène, et qui se débat, la poitrine oppressée par quelque funeste vision. A ne voir que la forme matérielle, cette créature sans doute est fort belle, dessinée avec élégance et finement touchée; on voit que le pinceau en modelant ces carnations délicates les a longuement caressées. Je n'en regrette que davantage un pareil emploi du talent qui se gaspille en des sujets trop peu

dignes de lui. Si je ne savais par expérience l'influence fatale pour les artistes de certains préjugés, j'aurais peine à comprendre qu'un homme sérieux, artiste distingué autant qu'honnête père de famille, soit dupe de ses illusions à ce point d'en venir, pour attester un savoir plastique dont nul ne songeait à douter, à faire concurrence, dans une peinture toute profane, aux païens de l'art.

La Cléopâtre de M. Gérôme est-elle un tableau historique? Oui, quant au sujet, mais non sous les autres rapports. Voici d'abord la légende tirée de Plutarque et que j'emprunte à la traduction d'Amyot, par préférence à celle toute moderne du Livret :

« Cléopâtre vint au pied du château d'Alexandrie qu'il étoit déjà nuit noire et n'ayant moyen d'y entrer sans être connue, elle s'étendit tout de son long dessus un faisceau de hardes qu'Apollodore plia et lia par-dessus avec une grosse courroie, puis le chargea et le porta ainsi dedans à César par la porte du château. Ce fut la première émorche (amorce) à ce que l'on dit, qui attira César à l'aimer, parce que cette ruse lui fit apercevoir qu'elle étoit femme de gentil esprit. » (Vie de César.)

La Cléopâtre du tableau rappelle le modèle d'atelier, et assez vulgaire, plutôt que la séduisante reine d'Egypte dont le vieil historien nous dit : « Avec sa beauté, la bonne grâce qu'elle avoit à deviser, la douceur et gentillesse de son naturel, qui assaisonnoit tout ce qu'elle disoit et faisoit, étoit un aiguillon qui poignoit au vif. » On comprend que cette sirène ait fasciné César et plus tard Marc Antoine qui en devint si éperdûment affolé; mais je doute qu'il en eût été de même avec celle de M. Gérôme. Car je ne trouve à la jeune reine rien de bien attrayant avec sa figure anguleuse, son regard d'oiseau de proie et cette espèce de grimace que produit la lèvre supérieure débordant sur l'inférieure. Puis de la raideur dans la pose assez mal gracieuse avec les pieds en dedans, au risque d'une entorse. N'est-ce point une statue colorée plutôt qu'une créature humaine, cette femme dont les carnations, peu voilées bien entendu, teintées de gris presque autant que de rose, perdent en morbidesse ce qu'elles gagnent en relief et en rondeur. Les autres personnages offrent un médiocre intétérêt, à commencer par César relégué dans un coin et s'eflaçant dans la pénombre.

Le second tableau de l'artiste me plaît moins encore, peut-être, comme sujet que le précédent qui me plaît si peu ! L'agréable spectacle à voir que celui d'un portail, entrée de mosquée ou de palais, devant lequel sont empilées des têtes coupées, livides, verdâtres, hideuses, placées, comme on dit trivialement, en rangs d'oignons,

tandis que d'autres, accrochées au-dessus de la porte, s'y balancent à la façon des lanternes chinoises. Un peintre est jugé par le choix seul d'un pareil sujet, que rachète autant qu'il est possible, je ne dois pas le dissimuler, la merveilleuse exécution, quoique pas toujours exempte de sécheresse dans le détail. Le factionnaire de droite, Kurde ou Tatar, est superbe. Et non moins admirable, vraiment prodigieux, me paraît l'effet de lumière qu'on entrevoit à travers le battant ouvert de la porte si curieusement sculptée. Faut-il qu'un homme de ce talent fasse un si médiocre et parfois si blâmable emploi de ces dons précieux qu'il a reçus du ciel pour un tout autre usage, pareil en cela au prodigue qui se ferait un jeu de jeter sestrésors, l'or, les perles, les diamants, on sait à qui, margaritas ante porcos !

Si un artiste, sûr de la renommée et du public, peut se dévoyer à ce point, on pense ce qu'il en sera des autres, des jeunes gens surtout, impatients de conquérir leur place au soleil, n'importe à quel prix! Cette année sans doute, comme l'an passé, j'ai été heureux d'avoir à féliciter quelques nouveaux venus, ou des hommes connus déjà, d'aspirations généreuses et de plus en plus marquées vers les régions élevées de l'art. Mais ceux-là, hélas! ne sont point le grand nombre; et il y a trop de vérité encore dans cette page éloquente que je détache d'un ouvrage paru depuis peu et dans lequel la grande maladie du siècle est étudiée et décrite avec le savoir d'un praticien mûri par une longue expérience :

<< Individualisme et anarchie! voilà bien en effet la vraie situation dans les lettres, les arts, toutes les sciences morales qui, manquant de principes, manquent par cela même de tenue et de fécondité. Dans les lettres, plus de règles et plus de traditions; mais la licence de tout dire, conséquence nécessaire du droit de tout penser; toute retenue bannie, toute précision absente, toute doctrine flottante, l'à peu près des idées, la confusion des choses, enfin la fantaisie, naturellement maîtresse là où le doute est roi. Dans les arts, plus d'écoles, plus d'esthétique sûre; plus de grandes inspirations, parce qu'il n'y a plus de croyances; mais la théorie sceptique de l'art pour l'art devenue dominante partout et partout éteignant dans le sein de la Muse la dernière étincelle de la divinité (1). » BATHILD BOUNIOL.

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(La fin au prochain numéro. )

(1) Le Doute et ses Victimes dans le siècle présent, par M. l'abbé Baunard. In-8°. Adrien Le Clère, éd., rue Cassette.

LA TABLE DANS L'ÉVANGILE

I.

Il y a peu de livres aussi courts que les Évangiles; il n'en existe néanmoins aucun d'aussi complet car ils sont infinis, inépuisables pour le penseur. Ils ont suscité des milliers de commentaires. L'Église y trouve tes dogmes, sa morale, sa liturgie. Tous les âges, toutes les conditions, toutes les positions y puisent des préceptes et des conseils, des modèles et des consolations. Le maître et le serviteur, le prêtre et le fidèle s'en inspirent. La simplicité s'y complaît, la sublimité s'y perd.

Préceptes et conseils d'hygiène, préceptes et conseils de table, les Évangiles fournissent tout. Citons-les sur ces matières.

Jésus-Christ eut pour précurseur saint Jean-Baptiste, dont il avait été prédit qu'il serait grand devant le Seigneur, et ne boirait ni vin ni liqueur enivrante. Jésus-Christ signala l'habitude qu'avait son précurseur de ne point manger de pain et de ne point boire de vin; il l'a proclamé le plus grand prophète, le plus grand d'entre les enfants des hommes. Les Évangiles constatent que saint Jean-Baptiste ne vivait que de miel sauvage et de sauterelles.

Né dans une crèche, Jésus-Christ fut obligé de passer son enfance en Egypte; il revint dans la Judée et y vécut toujours, sous un climat assez doux, dans une contrée où les ablutions, nécessaires à la santé, faisaient partie de la législation, où la religion était attentive à prévenir et à guérir toutes les maladies, où l'hospitalité était non-seulement un usage, mais un devoir et un honneur.

Jésus-Christ était regardé comme le fils d'un charpentier; charpentier lui-même, il vécut du travail de ses mains. Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l'homme n'eut pas où reposer sa tête. Il ne fut jamais malade, car la maladie est le fruit du péché. Ainsi, douceur de climat, exercices manuels, frugalité d'état, sobriété de pays, tout concourt à nous montrer Jésus-Christ comme le type de la vie active.

Quand Jésus-Christ préluda à sa mission, il avait trente ans. Il s'y prépara par la retraite et la vie contemplative. Il se retira donc dans un dé

sert, et il y passa quarante jours et quarante nuits sans boire ni manger; après il eut faim.

Voilà le modèle de la vie contemplative. Cette abstinence continuelle de quarante jours et de quarante nuits n'est point impossible, puisque des saints, de conditions très-diverses et à des époques différentes, l'ont pratiquée; mais elle doit être considérée comme le dernier effort de la faiblesse humaine, puisqu'il n'y a qu'un très-petit nombre de chrétiens qui soient parvenus à ce degré d'austérité sans en être incommodés ni exténués. Beaucoup de saints, notamment saint Jean Chrysostome et saint Bernard, se sont repentis d'avoir traité leur corps avec trop de barbarie et d'avoir ruiné leur santé pour longtemps. C'est qu'ils n'avaient pas assez gradué leurs mortifications, et ils ont commis cette imprudence à une époque où le corps n'est pas suffisamment formé ni assez fort pour supporter des excès de jeûne, moins dangereux à la vérité que des excès de gourmandise et de débauche, mais néanmoins nuisibles à l'économie de la vie physique. Préparé par un jeûne dont les Anges seuls avaient été les témoins, Jésus-Christ choisit la table pour manifester sa mission avec éclat. Saint Jean n'a pas parlé du jeûne du désert comme les trois autres Évangélistes, mais il raconte ainsi le premier festin où se trouva Jésus-Christ:

« Il se fit des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. « Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples.

<<< Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. « Et Jésus lui dit : Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n'est pas encore venue.

« Sa mère dit à ceux qui servaient : Faites tout ce qu'il vous dira. << Or, il y avait là six urnes de pierre pour la purification, selon l'usage des Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures.

<«< Jésus leur dit : Emplissez d'eau ces urnes. Et il les emplirent jusqu'au bord.

« Et Jésus leur dit : Puisez maintenant, et portez-en au maître d'hôtel; et ils lui en portèrent.

«Sitôt que le maître d'hôtel eut goûté l'eau changée en vin, et ne sachant d'où il venait (mais ceux qui avaient puisé l'eau le savaient), il appela l'époux,

« Et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a beaucoup bu, celui qui vaut moins mais vous, vous avez gardé le bon vin jusqu'ic

« Ce fut là le premier des signes opérés par Jésus, et il l'opéra à Cana en Galilée et il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. »

:

Toutes les autres solennités de la vie, Jésus-Christ daigna les honorerde sa présence.

« Il entra dans la maison de Simon, dont la belle-mère avait une grosse

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