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Saft, 10/1925

LA MORALE INDÉPENDANTE

Les attaques violentes dont la religion est depuis quelques années l'objet et les polémiques ardentes qui en ont été la suite ont eu cet heureux résultat, et de montrer une fois de plus la force de résistance dont le Christianisme est doué, et de permettre à ses défenseurs d'approfondir certaines questions, de mettre plus en lumière certaines vérités, de révéler avec une radieuse évidence sur quelle puissance de raisons reposent les enseignements évangéliques et les institutions qui en découlent. C'est ainsi que les controverses soulevées autour de la Papauté et du pouvoir temporel nous ont valu ces belles et décisives réponses dont tout le monde se souvient, et qui ont montré la justice, la sagesse, l'utilité providentielle de cette autorité que la Révolution seule s'obstine aujourd'hui à renverser.... Un autre point est devenu dans ces derniers temps l'objet de débats aussi vifs et de discussions retentissantes, dont le bruit n'a pu rester étranger à nos lecteurs nous voulons parler de ces prétentions audacieuses de la philosophie séparée à fonder une morale indépendante. Cette doctrine soi-disant nouvelle affiche de grands airs, tranche de l'oracle, a ses maîtres, ses livres, ses écoles et une Revue spéciale, la Morale indépendante, destinée à lui servir d'organe. A l'aide de tous ces moyens, elle travaille à propager un détestable et commode système, dont la conséquence serait la destruction de la morale même. Sentinelle vigilante et incorruptible gardienne de la vérité rationnelle aussi bien que de la vérité révélée, l'Église ne pouvai rester étrangère à cette brûlante polémique, et l'on devait s'attendre à son intervention dans un aussi grave débat. C'est ce qui est arrivé. Avec l'autorité inséparable de leur caractère, plusieurs de nos Évêques, et Monseigneur Plantier, Évêque de Nîmes, en particulier, ont répondu à la Morale indépendante; et, du haut de cette grande chaire de Notre-Dame de Paris, un prédicateur éloquent a écrasé les sophismes qui tendent à pervertir du même coup les intelligences et les cœurs.

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Qu'il nous soit permis de prendre part à ce débat en rassemblant ici dans un rapide résumé les principaux arguments employés contre les avocats de la morale indépendante.

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I

« On peut traiter ce sujet sous un aspect général, et par rapport « à la morale évangélique en particulier. Nous laissons le premier « point de vue aux philosophes. Évêque, nous nous attacherons au « second; nous montrerons que la morale évangélique ne peut nulle«ment être indépendante du dogme (1). »

Ces mots dessinent l'attitude particulière prise par nos deux nobles champions. Le P. Hyacinthe s'est placé surtout au point de vue philosophique de la question; il a demandé à la métaphysique, à la raison, à l'histoire, sans exclure pourtant la théologie, des armes contre la morale indépendante.

Mais il importe avant tout de bien préciser l'erreur qui se couvre de ce nom sonore (2).

La morale est la règle des mœurs et des actes. De quoi la dit-on indépendante? des autres sciences qu'unit entr'elles une vaste synthèse? de la psychologie, qui considère l'âme? de la physiologie, qui analyse le corps? de l'histoire, qui regarde le passé? de la métaphysique, dont nos modernes docteurs ont horreur et qui renferme les principes de toutes les sciences? Oui, indépendante de tout cela; mais indépendante surtout de la religion, soit complète (le Christianisme catholique), soit rudimentaire (la religion naturelle). « On veut une morale enfin qui ne soit pas piquée du ver du mysticisme et de la religiosité, selon le mot de Proudhon.

La morale est un ordre qui renferme nécessairement trois éléments: l'agent moral ou la personne, la fin vers laquelle il doit tendre, et la loi selon laquelle il y tend. Cet ordre peut-il être connu scientifiquement et pratiquement, en dehors de toute idée de Dieu et de tout rapport avec lui? Oui, soutient le Positivisme, père de la théorie de l'indépendance; non, répond l'éloquent religieux ; et, prenant tour à tour chacun des éléments impliqués dans l'ordre moral, il les montre inséparables de la grande notion qu'on prétend éliminer.

(1) Mandement de Mgr Plantier sur la Morale indépendante, p. 6.

(2) Première conférence.

Les partisans de l'indépendance de la morale commencent par dénaturer l'idée de la personne; au lieu de la définir nettement, ils s'obstienent à rester dans un vague, poétique peut-être, mais nullement philosophique : loin de voir simplement en elle le sujet de la morale, ils la posent comme en étant la source. « Ma personne, » dit le positiviste, «< est un fait. Un fait se saisit et se constate, soit par les « sens externes, soit par le sens intime : tout se réduit pour moi à « la faculté que j'ai de sentir ma dignité, et dans la mienne celle de « mes semblables. »

Le sentiment, c'est-à-dire le pur subjectivisme, voilà donc la base fragile de la nouvelle morale ! Mais le lion du désert, l'aigle sur son roc escarpé, le Léviathan dans les profondeurs de l'Océan, n'ont-ils pas, eux aussi, le sentiment de leur force et de leur puissance individuelle? et la personne humaine n'est-elle rien de plus qu'un fait analogue à l'animalité?

A cette nuageuse et fausse notion de la personne, opposons la vraie, celle qu'accepte toute saine philosophie.

Ce qui constitue primitivement la personnalité, c'est la responsabilité: je n'ai pas à demander compte à l'astre de la marche de son rayon; à l'arbre, du cours de sa sève; à l'animal, de ses ruses et de sa férocité: mais à l'homme je demanderai raison de la direction de sa pensée, de sa vie, de sa volonté. Et il est responsable parce qu'il est libre, et il est libre parce qu'il jouit de la vérité; quand il agit, il a vu son acte avant de le poser, et il sait d'avance à quel but il le rapporte utilité, plaisir, ou simplement volonté. En agissant, il choisit entre le bien et le mal, dont il a l'idée, dont il voit la distinction radicale; concevant le bien comme obligatoire, il se sent lié par le devoir de faire le bien et de fuir le mal; obéit-il au devoir et à la loi? la conscience lui dit qu'il mérite, qu'il est digne de récompense et qu'il y a des droits. Telle est l'analyse de la personne; tels sont les éléments qu'elle suppose: responsabilité, liberté, vérité, loi ou devoirs, mérite ou droits.

L'homme n'est donc une personne qu'à la condition d'accepter la loi : l'agent moral n'est donc pas indépendant; en le liant et en lui imposant des devoirs, la loi restreint et limite sa prétendue souveraineté. La personne ainsi rétablie dans sa juste et haute notion, considérons la loi morale. Par un de ses aspects, elle est humaine, puis

{ (1) Deuxième conférence.

qu'elle est en nous : en effet, ni la loi civile, ni la loi ecclésiastique, ni la loi divine positive ne sont la racine première de la moralité, car elles s'adressent à la conscience déjà constituée; au-dessus d'elles, par delà la région impersonnelle des sens, plus loin que le sentiment qui n'est qu'un fait, et que la conscience elle-même, dont la fonction est d'appliquer la loi et non de la créer, se rencontre la raison pure. C'est elle qui, possédant des axiomes éternels pour les sciences de la nature et de l'esprit, en fournit aussi à la vie. Oui! elle a des axiomes pour la conscience, le cœur, les sens; des principes aussi lumineux, aussi inflexibles que ceux de la métaphysique, de la géométrie, des mathématiques.

« Quatre et quatre font huit, me disent les mathématiques; la li«gne droite est le plus court chemin d'un point à un autre, s'écrie << la géométrie; tout phénomène recouvre une substance, affirme la

métaphysique. Avec le même calme, la même autorité, la même « évidence, la morale me dit : Respecte les cheveux blancs de ton «< père, souviens-toi des gémissements de ta mère, honore la per<< sonnalité humaine en toi et en tes semblables, soumets ta chair à «la loi royale de la chasteté et ton esprit à la loi de l'obéissance. »

Ces principes sont universels: ils s'imposent à tous les esprits, à tous les siècles, à tous les lieux; ils créent pour tous et partout l'obligation. « Et si la science a raison dans ses rêves; si, dans ces îles de « lumière qui passsent, la nuit, sur nos têtes dans l'océan d'azur, « s'il est là des êtres raisonnables, ils sont mes concitoyens, ils ont « la même morale que moi. »

Pourquoi cela ?

C'est que la loi qui est en moi n'est pas moi : dualisme mystérieux de ma pensée ! moi, être fini, borné, imparfait, je conçois, je pense l'infini, l'immense, le parfait; je porte en moi ce qui est plus que moi, l'Absolu, « ce que, dans toutes les langues qui ne sont pas cor« rompues, on appelle la Vérité. » Qu'est-ce que cette vérité? Elle m'apparaît impersonnelle, mais elle n'est telle qu'en moi; en elle-même, elle est personnelle et vivante.

Fons Sapientiæ Verbum Dei in excelsis, et ingressus illius man« data æterna. La source de sagesse, la fontaine de lumière, la « source de la raison, c'est le Verbe de Dieu dans les hauteurs de « l'âme, et sa présence révèle le commandement éternel. Ainsi, la « vérité qui me parle dans le Sinaï de ma Raison, c'est le Verbe de « Dieu, lumière vivante qui éclaire tous les hommes, non-seulement

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