Sayfadaki görseller
PDF
ePub

meuble à tiroirs : il ouvre, regarde, et trouve chaque souvenir en place! Ici rien ne manque ! c'est bien cela, pas un détail d'oublié ! Et moi je ne suis pas encore à la moitié de mon travail !

Une jolie et curieuse anecdote encore pour terminer :

Passant un jour dans une des petites rues montantes qui conduisaient au Louvre, Géricault voit un charretier qui frappait ses chevaux en jurant. Indigné des mauvais traitements qu'on fait subir à ses chers modèles, il apostrophe vivement le voiturier et le rappelle aux sentiments d'humanité.

De quoi vous mêlez-vous? répond brusquement l'homme du peuple; les chevaux sont des chevaux, et je sais comme il faut les conduire. Passez votre chemin et allez à vos affaires, quoique vous m'ayez bien l'air d'un flâneur, mon beau Monsieur, qui, pour ennuyer le monde sans doute, vous faites le patron des bêtes.

Et de plus belle il se mit à fouetter, toujours en jurant, ses chevaux. -Ah! tu le prends sur ce ton! s'écrie l'artiste exaspéré, et à un sage et amical conseil tu réponds par une sottise. Eh bien! nous allons changer de note.

Et, sans plus de réflexion, il s'élance sur le charretier, auquel il arrache son fouet, qu'il jette à dix pas; puis, empoignant l'individu d'une main plus vigoureuse encore, il le fait pirouetter sur lui-même et rouler dans la boue. L'autre, qui ne s'attendait pas du tout à cet argument ad hominem, se relève un peu confus; mais, convaincu tout au moins par cette leçon de la supériorité physique « du Monsieur,» il lui dit avec un accent plus poli, et d'ailleurs avec l'instinct du bon sens : Puisque vous êtes si fort, vous auriez mieux fait de pousser à

la roue.

- C'est juste! répond naïvement Géricault, qui, tout aussitôt, sans craindre de salir ses gants blancs, saisit à deux mains l'une des jantes, tandis que le charretier en faisait autant de son côté, et la voiture en peu d'instants fut dégagée.

- Sans rancune, mon bourgeois, dit alors l'homme du peuple, et merci du service! Je vous promets, en souvenir de la chose, d'être moins dur à l'occasion pour mes chevaux, puisque vous avez tant d'amitié pour eux.

[ocr errors]

Et moi, répondit l'artiste, je te sais gré de cette bonne parole, et je veux au moins payer le blanchissage de la blouse! Et il lui mit dans la main, qu'il serra cordialement, une pièce blanche.

BATHILD BOUNIOL.

(1)

L'EAU BÉNITE AU XIX SIÈCLE "

Comment se fait-il que l'exécration du mal ne soit pas la passion de l'humanité? Je le demandais l'autre jour, je le demande encore, et toujours je le demanderai. Puisque nous possédons la mémoire, faculté étrange dont on oublie de s'étonner, faculté qui paraîtrait invraisemblable si elle n'était pas évidente, faculté par laquelle le passé revit dans le présent, revit sans revenir, revit revêtu de son essence, si je puis ainsi parler, et dépouillé de son accident; puisque nous possédons la mémoire, comment faisons-nous pour ne pas voir cette traînée de sang qui, depuis le sang d'Abel, marque derrière nous, sur la terre où nous marchons, la trace de nos pas ?

Les sangs de ton frère crient vers moi, dit le Seigneur à Caïn. Le texte hébreu porte : les sangs, parce que Dieu entendit à la fois tous les cris de tous les enfants qu'aurait eus Abel, tous les cris de tous les enfants étranglés avant leur naissance.

Et le nom du Seigneur employé dans le récit de la mort d'Abel est le tetragrammaton, à cause de la solennité. C'est le principe de vie, Jéhovah, qui demande compte du sang de son frère au premier homicide.

Or, depuis Abel, on connaît l'histoire du monde : elle est épou-. vantable. Avant Abel, avant Adam, on entrevoit l'histoire du monde : elle est épouvantable. Quelles catastrophes inconnues, fondant sur le monde encore inachevé, ont accompagné la chute de Lucifer? Quels cataclysmes ont épouvanté de leurs horreurs précoces une création à peine ébauchée encore? Il est très-probable que le soir du premier jour, qui a vu la main du Juge séparer la lumière des ténèbres, a vu tomber au fond de sa honte le Chérubin déshonoré. Quelles scènes a dû éclairer l'aurore du second jour ?

Quand on songe à l'immensité des douleurs qui ont suivi la chute de l'ange et la chute de l'homme, il me semble que la créature devrait

(1) Un volume, par Mgr Gaume, Protonotaire apostolique.

monter au-dessus d'elle-même, et grandir et atteindre une taille nouvelle, et relever en elle le sentiment de la vie, à force de désirer

la vengeance.

Comment l'homme fait-il pour oublier sa vengeance ?Si une lanterne sourde, éclairant nos profondes ténèbres, nous montrait dans son horreur l'injure qui nous a été faite, peut-être tomberions-nous la face contre terre, à jamais étonnés de n'avoir pas détesté d'une détestation plus profonde et plus intime notre infâme ennemi, notre ignoble ennemi !

Au lieu de cette horreur, vous savez quels sont les sentiments de l'homme vis-à-vis de Celui qui est damné. Jusqu'où donc sommesnous tombés, si nous ne savons plus haïr? La haine! c'est bien d'elle qu'il s'agit! Vis-à-vis de Celui qui est damné, l'homme moderne est porté à trois choses: à l'oublier, à l'admirer, à nier son existence. Le livre de Mgr Gaume a donc une opportunité saisissante.

L'Église nous fournit contre l'ennemi plusieurs armes. Par une disposition d'esprit que je ne qualifie pas, parce qu'elle est inqualifiable, l'homme néglige de s'en servir et affecte de les mépriser. La complicité secrète qui existe entre son adversaire et lui, le porte à dédaigner son salut.

Une des raisons de ce dédain, c'est que les armes qu'on lui propose lui semblent petites et indignes de lui. Chose merveilleuse! l'homme, qui a un corps; l'homme, qui a besoin de tout, lui, l'universel indigent! il trouve le moyen de mépriser les secours qu'on lui offre.

L'eau bénite se présente sous une forme vulgaire ; et lui, qui mourrait de soif s'il n'avait plus l'eau ; lui, qui n'a jamais eu la pensée de mépriser l'usage naturel de l'eau non bénite, s'avise de mépriser cette eau quand elle est élevée à une dignité nouvelle, quand elle a reçu la bénédiction!

L'absurdité de l'homme est au-dessus de sa portée; elle appartient au mystère de l'abîme où ses regards ne pénètrent pas. L'affectation de mépriser l'eau semblerait invraisemblable à qui ne connaîtrait pas l'homme. Il est vrai qu'il ne la méprise que quand elle est bénite.

Cela constitue, à ses yeux, la circonstance atténuante de son mépris. Le mépris est-il au moins le fond de son extravagance? Non pas. Il y a quelque chose de plus bizarre après avoir méprisé, au

lieu d'être honteux, lui qui tout à l'heure aura soif, il est fier; il est fier de son mépris, il veut que ses amis le connaissent. Après leur avoir donné cette incomparable preuve de sa chute, il prendra peutêtre de l'eau bénite, à un moment donné. Mais alors il se cachera. Si le bandeau se levait, l'homme admirerait cet esprit de vengeance en vertu duquel l'Église oppose la matière à ce damné, à ce méchant, à cet infâme, qui a méprisé la matière sous prétexte qu'il était un ange. La matière, que Dieu ne méprisait pas; la matière, sur laquelle Dieu jetait un regard profond, un regard qui était un projet, le projet du Verbe incarné; la matière, sur qui cet immense honneur se préparait à fondre; la matière, sur qui Dieu se penchait, ayant l'intention de prendre un jour une femme pour mère, la matière ! Croyant faire preuve de grandeur, ce Chérubin l'a méprisée; et, pour se moquer de lui éternellement, c'est la matière qui fournira contre lui des armes aux petits enfants. Les moyens qu'on lui oppose sont d'une extrême simplicité. Il n'en est que plus furieux. Il déteste tant la simplicité! il fait toujours parade de quelque chose, il aime les oripeaux, il a le goût du théâtre. Par bonheur, son enflure ne le console pas, et nous n'avons pas à craindre qu'elle adoucisse son désespoir éternel. Notre vengeance peut savourer avec délices la certitude du désespoir éternel des ennemis de Dieu. C'est fini à jamais! Et si la matière est bien choisie, l'eau dans la matière est particulièrement bien choisie. L'eau est peut-être la substance qui représente la nécessité. L'homme a besoin de tout. Mais ce dont il a besoin est très-souvent, dans l'Ecriture, représenté par l'eau. Oh! qui me donnera à boire, s'écrie David, qui me donnera l'eau de la citerne qui est dans Bethleem?

Et Béthulie! c'est le besoin de l'eau qui arma le bras de Judith. Le Dieu qu'elle invoque est le Créateur des eaux. Expandi manus meas ad te anima mea sicut terra sine aqua tibi. Toujours l'eau et le besoin collés ensemble.

Que veulent dire les douces splendeurs de la rosée quand le soleil de mai jette sur les brins d'herbe ses premiers rayons, mêlés aux chants de l'alouette et aux fleurs des fraisiers?

Peut-être disent-elles, dans leur langage très-simple et très-beau, que ce qui est utile est magnifique; que l'eau doit resplendir, puisqu'elle est nécessaire, et que le soleil fait bien de la saluer, puisqu'elle a satisfait la soif des brins d'herbe.

L'eau est austère, profonde, immense, magnifique, nécessaire pardessus tout.

L'eau est une substance primordiale. Il résulte d'un texte de saint Pierre cité par Mgr Gaume :

"Que le ciel et la terre n'ont pas toujours existé, mais qu'ils ont été tirés de l'eau ; qu'ils existent au milieu de l'eau, qu'ils sont affermis par le Verbe divin (1).

« L'eau, ajoute Mgr Gaume, est donc la mère du monde, puisque le ciel et la terre, avec toutes les créatures matérielles, ont été formés de l'eau, à laquelle le Verbe créateur a imprimé, en la condensant, des formes arrêtées, qu'il maintient dans un état perma

nent. »

Les autorités ne manquent pas. Écoutons saint Clément, disciple de saint Pierre, lequel tenait cette doctrine de la bouche de son Mattre:

« L'eau primitive, dit-il, qui remplissait l'espace intermédiaire entre le ciel et la terre, s'étendit, condensée comme de la glace et solide comme du cristal, de manière à former le firmament qui sépare le ciel de la terre. »

Ecoutons OEcuménius :

« Le ciel et la terre ont été faits de l'eau. Le ciel n'est que l'eau vaporisée ou à l'état aériforme; et la terre, l'eau solidifiée ou à l'état

concret. »

Et saint Augustin :

« Au commencement les cieux et la terre furent faits de l'eau et par l'eau. Il n'y a donc rien d'absurde à dire que la matière primitive c'était l'eau: car tout ce qui naît sur la terre, les animaux, les arbres, les herbes et les êtres semblables, doivent à l'eau leur formation et leur nourriture. »

Le livre de Mgr Gaume contient sur l'eau en général, sur l'eau bénite en particulier, sur le sel, sur le baume, sur le symbolisme, sur les sacramentaux, de nombreux et importants détails. Ce sont là des connaissances pratiques qui compléteraient avantageusement l'éducation de plusieurs savants.

Pour faire connaître quel est l'intérêt du livre de Mgr Gaume, il est peut-être bon de relire un passage de la table des matières :

« Troisième espèce d'eau bénite : l'eau bénite ordinaire. - Sa

(1) Latet enim eos hoc volentes, quod cœli erant prius, et terra, de aquà et per aquam Consistens Dei verbo. II Pet., II, 5.

Tome XV. - 121 livraison.

« ÖncekiDevam »