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« ceux qui vont à l'éternité par le baptême, la foi, le sacrifice, mais « tous ceux qui viennent au temps par la naissance, les idées, la « moralité; le Verbe ! voilà le législateur, et quiconque ne veut pas « remonter jusqu'à lui dans la raison, est inconséquent. A cette « hauteur, il est clair que la morale et la religion sont unies par un << anneau si puissant, qu'elles semblent se confondre : car la même « vérité est le premier principe de la morale et l'objet suprême de « la religion. » Et cet anneau résiste aux efforts désespérés des partisans de l'indépendance.

La morale n'est pas plus indépendante dans sa fin que dans sa loi (1).

Dieu cherché dans la justice, Dieu possédé dans le bonheur: telle est notre véritable fin.

.

La justice consiste à faire le bien parce qu'il est le bien, dût-il rester sans récompense; à éviter le mal parce qu'il est le mal, dût-il demeurerimpuni. La justice est désintéressée, et à cette condition seule elle est la vertu. «Si ce drame auguste et poignant de la vie humaine devait se terminer au néant, devant la coupe du bonheur répandue à mes pieds, devant le calice des ineffables amertumes à « vider et à savourer jusqu'à la lie, mes cheveux pourraient se dres« ser sur ma tête, mes nerfs se tendre, mes os craquer dans un mou«vement convulsif; mais la puissance morale en moi ne devrait pas « hésiter, et je devrais répéter à la justice ces paroles du poëte :

« J'irai, j'irai partout te rendre un même hommage,
«Et, d'un égal amour accomplissant ta loi,

a Jusqu'aux bords du néant murmurer: « Gloire à toi! »>

Mais cette justice qui obtiendra de moi de telles immolations, ne peut être une justice abstraite, mais une justice vivante et personnelle. Nos adversaires, convaincus eux-mêmes que l'homme ne peut rapporter ses actes qu'à une personne, ont substitué à Dieu « notre dignité personnelle. » C'est tout simplement pervertir la morale : car elle n'est plus qu'égoïsme, si je suis à moi-même l'unique but de mon activité, ou esclavage, si, obéissant à ce que, dans une terminologie barbare, l'on a appelé « l'altruisme, » je subordonne ma vie à la personne de mes semblables.

Reste donc une personne qui est en même temps la justice et se confond avec elle, Dieu. Défenseurs ardents de la personne hu

(1) Troisième conférence.

maine, pourquoi donc écartez-vous Dieu du code des devoirs ? pourquoi le mettez-vous en dehors de la morale? Ou vous niez son existence et sa réalité, et vous êtes athées; ou vous confessez un Dieu vivant et véritable, et la logique vous contraint à l'admettre au respect que vous professez pour la personne.

Hostile à la justice, la morale indépendante ne l'est pas moins au bonheur. En ravissant à la conscience l'idée de Dieu et l'espérance d'une vie future, elle lui enlève son plus énergique ressort, le frein le plus puissant contre les passions, l'encouragement le plus doux à la vertu, la consolation la plus suave dans les souffrances dont cette existence est pleine. Elle nous emprisonne ici-bas et nous jette parmi les séductions du vice et les sacrifices qu'exige la vertu, sans nous proposer d'autre but qu'une abstraction glacée et sans cœur, la justice, la dignité personnelle : morale impuissante à consoler ceux qui souffrent, à calmer les sourdes irritations des malheureux, à inspirer au prolétaire la résignation, à sauvegarder en un cœur de vingt ans l'honneur et la chasteté. « Suivez-moi, montez à cette mansarde « étroite, abaissée, obscure. Cette jeune fille a reçu tous les dons de « la nature... elle est belle, elle est bonne, elle est pure, mais elle « est pauvre. Elle travaille tout le jour, et bien avant dans la nuit sa << lampe brûle encore; elle poursuit sa longue tâche pour gagner le « modeste, l'insuffisant salaire qui souvent laisse la fille de l'ouvrier << entre les horreurs de la misère et les tentations du déshonneur. « Cependant, avant que le dernier soleil soit couché sur la grande << ville, elle n'a qu'à regarder : elle verra une autre femme, une jeune « fille du peuple comme elle, sa compagne d'hier peut-être, passer « dans un char étincelant, fière et parée comme une reine. On dit, « Messieurs, que c'est une des royautés du jour : je le croirais vo«<lontiers. Quand les sophistes règnent sur les intelligences, c'est << justice que les courtisanes règnent sur les mœurs la corruption « de la pensée donne la main à la corruption des sens.... L'ouvrière « peut voir cela; mais non ! baisse les yeux, ô vierge! ne souille pas «ton regard.... Essuie tes larmes, reprends ton aiguille, ramène le « sourire à tes lèvres, et murmure sans les séparer jamais dans ta pensée ces trois mots : le devoir, le ciel après, et puis Dieu, qui est « le père du devoir et le bonheur du ciel : voilà la morale efficace qui « réalise la vertu et donne le bonheur !

« Qu'un professeur de cette morale humaine qui ne traite ni de « Dieu ni de la vie future, entre dans la mansarde; quel sera son

langage? « Pourquoi donc, pauvre enfant abusée, mêler Dieu et le «ciel à la vertu? ce sont des éléments de mysticisme et de supers«tition, tout au moins des hypothèses qui nuisent au désintéresse«ment. De quoi te plains-tu ? n'as-tu pas dans ta pauvreté, et peut« être en face de la mort, la sanction de ta propre conscience, la « gloire et la douceur d'avoir sauvé en toi la dignité personnelle ? » Si ce n'était là une folle abstraction, ce serait un sarcasme odieux. « Ce n'est pas avec un tel langage qu'on moralise et qu'on console le peuple, ni qu'on sauvegarde les sociétés auxquelles une pareille « morale prépare des catastrophes épouvantables. Napoléon disait « un jour : « Faites-moi des élèves qui sachent être des hommes. « Et vous croyez que l'homme peut être homme s'il n'a pas de Dieu? « L'homme sans Dieu, je l'ai vu à l'œuvre depuis 1793 : cet hommea là, on ne le gouverne pas, on le mitraille. »

II

Il est donc rationnellement démontré que la morale ne saurait, au nom d'aucun principe solide, revendiquer l'indépendance qu'on réclame pour elle. L'histoire n'appuie-t-elle pas ici la logique de toute l'autorité des faits qu'elle renferme, puisqu'elle établit que la morale naturelle n'a été complétement connue et vraiment réalisée que dans la Révélation, par conséquent sous l'action immédiate de Dieu (1)?

La Révélation a fait deux choses: elle a fait connaître à l'homme des vérités qui dépassent toutes les forces de la raison et appelées surnaturelles; elle a manifesté, d'une manière extérieure plus précise et plus sensible, des vérités déjà en germe dans l'intelligence. C'est à ce dernier point de vue que le P. Hyacinthe se place ici.

S'il est un fait incontestable, fait philosophique et humanitaire, c'est que partout et toujours l'homme a demandé à une révélation extérieure réelle ou estimée telle la détermination précise et formelle de ses devoirs. Trop faible pour tirer par ses seuls efforts la loi morale de sa raison, trop fier pour la recevoir de ses semblables, il a cru à une intervention de Dieu et s'est incliné devant elle. Cicéron l'a bien dit : « Les dieux sont partout, à la racine des mœurs et à la • racine des sociétés. » De plus, on trouve dans toutes les religions « un fonds commun de vérités sur Dieu, sur la vie future, qui est « dans la vie présente le lien de Dieu et de l'âme humaine. Ce fonds

(1) Quatrième conférence,

« commun apparaît surtout à l'origine dans les monuments les plus anciens de l'Orient. A cette origine on retrouve mieux la religion « universelle, fragment admirable de la révélation que Dieu avait « fait briller sur le berceau de notre race. » C'est ce fonds de vérité, partout présent, qui a sauvé la morale, et la morale partout subit la fortune des religions.

« Voyez Rome, par exemple, avec ses vertus incomplètes, trop « souvent souillées, mais dans leur généralité réelles et grandes : « Rome avec la chasteté de ses matrones, l'héroïsme de ses soldats, « la sagesse de son vieux Sénat, le désintéressement de ses consuls << et de ses dictateurs, quittant l'épée pour la charrue. Cui, elle fut << grande, mais parce qu'elle croyait à Dieu : la victoire triomphante «< s'inclinait aux pieds de Jupiter tonnant, la liberté au forum levait « les mains vers le ciel, et chacun des foyers de ces fortes familles « était habité par les dieux. Un jour les Romains cessèrent de croire. « Mais ce fut l'heure où Jules César s'écriait au Sénat : Nous sommes « dans la boue de Romulus; l'heure (elle s'approchait du moins) où << ses matrones ne s'appelaient plus Valérie, Cornélie, Lucrèce, mais << Messaline et Poppée; où les maîtres du monde ne seraient plus << Cincinnatus ou Scipion, mais Tibère et Néron. Quand la révélation « a été présente, fût-ce même la Révélation entamée, fragmentaire, << elle a produit des vertus admirables, l'ordre moral, et, par une << glorieuse conséquence, l'ordre social. » Au contraire, le scepticisme étant entré dans l'intelligence, la corruption a pénétré dans les masses, et à cette société sans principe et sans loi il a fallu des despotes pour la régir.

Même spectacle dans le monde moderne; il est aisé d'y constater la stérilité de la morale séparée : elle a pris à l'Évangile des mots qu'elle a dénaturés; et, quand elle a essayé d'innover contre le Christianisme, elle n'a fait que remettre au jour d'antiques erreurs : elle a réhabilité le suicide, amnistié le duel, attaqué la propriété, une des bases de l'ordre social, et le mariage, base sacrée de la famille. Bien différent est le sort de la morale au sein de la Révélation et dans ce grand Christianisme qui commence avec le premier homme, se continue avec le mosaïsme et se consomme dans le catholicisme! Par une loi qu'atteste l'histoire, les trois grands progrès de la morale se rattachent aux trois grands progrès de la Révélation. A la révélation en Adam se rattache la morale de la famille, fondée sur la loi de l'unité et de l'indissolubilité conjugale; à la révelation

en Moïse, la morale de la cité, fondée sur le Décalogue extériorisé et descendu dans les faits et les institutions civiles; à la révélation en Jésus-Christ se rattache la morale de l'humanité : elle repose sur la loi de charité, destinée à sauver les âmes pour la vie éternelle, mais aussi à réaliser la parfaite organisation du genre humain dans sa vie

terrestre.

La loi morale n'est donc vraiment et complétement connue que par le Christianisme. Réduit à ses seules forces et à ses seules énergies, l'homme n'est pas plus capable de la pratiquer qu'il ne l'est de la découvrir (1). Il a beau en effet la connaître sa liberté, demeurée entière, n'en reste pas moins en lutte contre cette loi, dont le caractère restrictif éveille dans l'homme, et surtout dans l'homme déchu, une révolte qui est un fait aussi triste qu'incontestable; révolte activée par des passions puissantes, l'orgueil, la volupté, la vengeance, l'intérêt. Où trouver le remède à cette hostilité de la liberté et de la loi? qui opèrera leur nécessaire réconciliation? L'homme lui-même, dit la Morale indépendante. Non, répliquent la religion et l'expérience car il est déchu et tombé au-dessous de lui-même, capable encore de quelque bien, mais non de tout le bien que la loi exige de lui. Qu'on n'allègue pas ici l'honnête homme comme une preuve de la possibilité d'arriver, par la seule raison et la seule force de la conscience à réaliser la loi morale! Et où est-il? Il ne s'est jamais rencontré dans les camps du rationalisme pur: ce que vous appelez de ce nom, c'est un homme qui a été baptisé, élevé dans une famille, une société chrétiennes; c'est un chrétien incomplet, inconséquent, « le fils d'une mère chrétienne qui se souvient de sa voix, qui en a gardé « une harmonie ; » c'est le fils de l'Église catholique, qui conserve, sinon l'intégrité, du moins l'empreinte de sa puissante action. Oui, l'honnête homme est un chrétien, « et, à son insu, malgré lui peut« être, il monte à son âme une sève divine qui pénètre ce misérable « sauvageon du rationalisme, tardivement et furtivement implanté « dans sa vie, et qui lui font porter des fruits qui ne sont pas les ⚫ siens. » Le remède à la maladie qui travaille l'homme doit donc lui venir du dehors. Les sages antiques, Aristote, Cicéron, les Stoïciens même, l'avaient pressenti: la vertu leur apparaissait, non comme un fruit de l'âme humaine, mais comme un don de Dieu. Vérité que le Christianisme a mise dans tout son jour, en nous enseignant que le

(1) Cinquième conférence.

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