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maître; et les genres comme les espèces ne lui paraissent se diversifier que par la quantié de matière, de forme, et de cause efficiente (1). Ce qui est le renversement définitif et complet du péripatétisme. Sans s'en apercevoir et par suite des idées du temps, sous l'influence de l'école alexandrine, ce sont les idées de Philon qn'Alexandre applique à l'interprétation d'Aristote; et, par cette interprétation malheureuse, il supprime ce qui faisait précisément la gloire du grand philosophe, à savoir; la doctrine de l'entéléchie, et la distinction de l'un et du plusieurs.

IV

On imaginera difficilement que la doctrine d'Aristote pût ensuite se relever sans peine de cet effroyable coup de bas qui vient de lui être porté; et en effet il fallut du temps et d'autres hommes. Il en fallut d'autant plus que cette interprétation vicieuse d'Alexandre d'Aphrodise n'était pas la dernière; il restait à la doctrine péripatéticienne à passer par les mains des Arabes.

Un obstacle cependant aurait pu se dreser devant ces erreurs. Les médecins, moins avancés dans la philosophie que dans la pratique de leur art, bien que le Vieillard de Cos eût dit: Medicus sit philosophus; les médecins avaient conservé une tradition vague constatant l'unité de l'être. Hippocrate, qui vivait au temps de Platon, lorsque celui-ci avait admis comme trois âmes (2), ne s'est nulle part expliqué d'une manière expresse sur ce point; la question n'avait pas encore été posée comme elle le fut peu après par Aristote. Cependant, par ses doctines générales, il se rattachait à l'idée d'un principe igné, et incessamment il parle de la nature comme d'une force qui meut, fait vivre, fait penser. Hippocrate, si dévoué aux anciennes traditions, et Platon également, devaient recueillir l'idée bien ancienne assurément de l'existence de l'âme ; et j'ai de la tendance à croire qu'il ne

(1) Voici un texte qui ne laisse aucun doute : « Cæterum præler commemoratas causas, aliæ causæ ; aliaque princípia sunt quæ quidem sunt formæ substantiarum aliorum tamen, ut docuimus, aliæ. Quando quidem hominum aliæ sunt, quam, equorum formæ. Neque vero tantum diversorum generum causæ diversæ sunt, sed eorum etiam quæ similem speciem sortiuntur sunt diversæ, sed numero duntaxat. Numero nam alia est tua materia, alia mea. Btque item forma et efficiens, universa ratione eædem. Quatenus omnes causæ ad materiam, formam, privationem et efficiens, refergntur, causæ omnium eædum sunt. Diversæ autem, qua mei causæ à tui discrepant. Comment., de Prima philosoph. lib. VII, text. 16.

(2) M. Bouillier a soutenu que Platon n'admettait qu'une seule âme en essence divisible par ses actes: Du Principe vital et de l'âme pensante. Paris, 1862, p. 67 et suivantes. Son argumentation est très-solide, et ses preuves me paraissent avoir une graude valeur: mais la traditon qui atribue cette erreur à Platon est très-vivace.

Tome XV. 127a livraison.

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leur est pas même venu à la pensée qu'on pût supposer et discuter la multiplicité de l'âme dans l'être. Les idées simples sont toujours les premières, et l'on ne commença d'admetre deux ou trois âmes qu'à des époques de décadence. Nous l'avons montré par l'histoire. ce n'est qu'à la fin de l'école de Théophraste que cette idée fut vraiment posée et soutenue.

L'idée d'un principe de vie dans l'être subsista donc dans les successeurs plus ou moins lointains d'Hippocrate; et l'on aurait pu croire qu'elle se serait maintenue. Malheureusement les médecins adhérèrent aux diverses écoles de philosophie qui se succédèrent, et perdirent plus ou moius leurs propres traditions. Lorsque Galien parut pour reprendre l'enseignement hippocratique délaissé depuis cinq cents ans, il ne trouva plus que des interprétations variées, altérées par toutes les écoles dont nous avons parlé. Les stoïciens tenaient encore pour l'unité de l'âme, mais ils étaient alliés à une école médicale qu'on nommait l'école des pneumatistes, et de plus ils faisaient profession de ne se pas rattacher aux maîtres. Or Galien avait la prétention, et une prétention très-vaniteuse, d'être de la bonne école en philosophie, comme de la bonne école en médecine, Il voulait non-seulement relever la gloire ancienne d'Hippocrate, fort déchue à ce moment, mais aussi relever celle de Platon. Cependant, avec une belle intelligence et beaucoup d'érudition, il manquait de netteté dans l'esprit et de décision dans le jugement; de sorte qu'il ne put jamais arriver à savoir ce qu'il pensait lui-même, d'une seule âme, ou de deux ou trois âmes. Il nous donne toutes les raisons diverses de chacune des opinions, mais il ne sait que conclure (1). Toutefois, dans la pratique, il parle toujours de la nature de l'homme comme d'un principe un et non multiple.

Les Arabes, qui recueillirent avant nous autres occidentaux toutes ces traditions, s'en emparèrent au point de vue de la médécine. Aristote, Galien, et tous les autres classiques anciens passèrent dans les mains des médecins arabes, qui n'étaient eux-mêmes que des Juifs cachant leur nationalité et leur religion. C'est un fait que j'ai déjà démontré dans la critique du livre de M. Renan sur Averrhoës. (2) Je n'ai pas à revenir sur cette étude, mais je dois rappeller brièvement des points

(1) De Placitis Hippocratis et Platonis, 6 et 7; et de Facultatibus, lib, I. cap. 1. Jai cité les passages dans le Traité d'Anthropologie, p. 172.

(2) Averrhoës et l'averrhoisme de M. Renan; dans la Revue du Monde Catholique, du 10 juin et 10 juillet 1864.

qui y ont été établis et qui sont ici nécessaires. Les philosophes arabes n'ont été qu'un groupe particulier d'individus d'un caractère distinct de la race arabe proprement dite, s'occupant de questions qui étaient d'abord tout à fait en dehors des discussions théologiques sur le Coran; se mêlant tous de philosophie au nom de la médecine qu'ils cultivaient, et d'idées religieuses qui se rattachent au Talmud et à la Kabbale. Tout fait penser que c'étaient des médecins juifs, profitant de leur art pour cacher ce qu'ils étaient, ce qu'ils croyaient, et se livrant aux doctrines que leur coreligionnaire Philon leur avait inoculées à Alexandrie.

Les traductions faites d'abord par les Honain furent sans doute très-défectueuses; et si l'on ajoute qu'avec le texte d'Aristote arrivèrent en même temps les élucubrations de Philon, les commentaires d'Alexandre d'Aphrodise, et les incertitudes de Galien, on comprend aisément dans quelle voie se développa cette philosophie prétendue arabe. Averrhoës, qui la résuma dans son apogée, suivit à peu près Alexandre d'Aphrodise. Pour lui l'intelligence divine est la lumière intelletuelle de tous les êtres; il imagine que c'est là l'intellect actif d'Aristote; et il admet dans l'âme un intellect passif qui tend à s'unir à cet intellect actif de plus en plus jusqu'à disparaître en se fondant dans cet océan lumineux universel. C'est, en un mot, la doctrine de Philon et d'Alexandre qui, par Averrhoës, se transmit à Moïse-Ben-Maïmoun, aux Juifs de la Narbonnaise et aux Juifs d'Italie au treizième siècle.

Une différence cependant sépare Averrhoës d'Alexandre d'Aphrodise. Pour Alexandre, l'âme n'est qu'une forme figurative, une ombre, une simple figure, qui résulte des qualités de l'être. Pour Averrhoës, l'âme est encore une sorte de principe qui, bien que passif, a une sorte d'activité, un appetitus ; car il lui attribue d'aspirer à l'intellect divin, comme la matière aspire à la forme. Aussi, pour Averrhoës, l'âme s'unit immédiatement et d'elle-même à l'intellect divin; pour Alexandre, il y a de plus un principe d'action, une cause efficiente. Mais il faut avouer que tout cela est vague et confus. Et on le comprit ainsi au moyen âge, puisque l'on a atribué à Alexande d'avoir admis un principe intermédiaire entre l'âme et le corps. Cette opinion que je n'ai pas trouvée dans ses Commentaires sur la Philosophie première, lui est positivement attribuée par le médecin Fernel au seizième siècle; (1) et on la cite également comme ayant été relevée, (1) Physiologia, lib. IV, cap. 11. in Institutiones Medica.

et partagée par Vincent de Beauvais au treizième siècle (1). Ces différences, fort subtiles d'ailleurs, entre Averrhoës et Alexandre, passionnèrent les esprits en Italie, où l'on se partageait en Averrhoïstes et Alexandristes; mais le sens général de la doctrine est le même; c'est dans les deux cas la négation d'une puissance intellectuelle propre à l'âme, la personnalité de l'âme à peu près détruite et reléguée à être un accident mortel, et la nécessité pour elle de s'unir et de se perdre dans l'océan d'une intelligence universelle et divine.

Il est sous-entendu que l'on ne se donnait nullement comme les inventeurs de ces doctrines, et qu'on les attribuait, sous le couvert de l'interprétation, au maître du péripatétisme. On faisait ainsi d'Aristote juste le contraire de ce qu'il avait été, comme nous l'avons vu; au lieu de l'âme entéléchie, et source de puissances diverses, de nutrition, de sensibilité, d'appétit, de locomotion, d'intelligence, on établissait une âme matérielle et une âme intelligente divine; au lieu de la distinction de l'Être premier en acte pur et des êtres secondaires en actes par puissance, au lieu de l'un et du plusieurs, on admettait que le plusieurs sort de l'un, et que l'être secondaire n'est qu'une émanation de l'Être premier.

C'est avec les conséquences de ces faux principes que les philosophes chrétiens eurent à débatre les questions ainsi soulevées; et nous verrons comment ils se trouvèrent par là conduits à repouser ces fausses doctrines, et à rectifier les principes de la psychologie.

Dr F. FRÉDAULT.

(1) Cf. Études sur Vincent de Beauvais, par M. l'abbé Beourgeat. Paris, 1856, p. 184.

UN AMOUR A DISTANCE

Je viens de retrouver une histoire dans mes vieux manuscrits. Elle réveille en ma mémoire mes souvenirs d'autrefois, et je me plais à l'imprimer ici telle que je l'écrivis jadis aux heures de ma jeunesse, à cette époque, déjà lointaine, où des idées moins graves qu'aujourd'hui préoccupaient mon esprit.

Le dîner touchait à sa fin ce soir-là dans la maison où je me trouvais. C'était chez M. le docteur Fenellaz. On s'était entretenu, durant le repas, des choses les plus diverses; on avait parlé de mariage et d'amour, et raconté de nombreuses histoires. Le général Durieu, habituellement fort causeur, avait écouté silencieusement et nous avions tous remarqué son attitude, un peu mélancolique, de personnage muet.

En ce moment je ne sais quel convive, M. de Linsac je crois, tira de tout ce qu'on venait de dire cette conclusion philosophique, qu'on peut aimer plusieurs fois dans la vie.

Sur ce mot le général Durieu sortit tout à coup de son silence:

- On n'aime bien qu'une fois, s'écria-t-il : c'est la première. Il en est pour lesquels ce souvenir remplit le cœur à jamais et le rend insensible à toute tendresse nouvelle; et ceux-là mêmes qui, après une première campagne ne se résignent pas à entrer aux Invalides, ne peuvent, sans faire étinceler des flammes, remuer dans leur souvenir les cendres du premier amour.

Il en est de l'amour, continua-t-il, comme de tout ce qui agit puissamment sur l'âme de l'homme. Napoléon a pris successivement plus de vingt capitales, avant de s'endormir pour toujours dans son manteau de guerre : mais il n'a jamais été plus grand ni plus heureux qu'en Italie, où la victoire lui dit ses premiers secrets et où il se

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