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Dans son Dictionnaire historique, Dom Chandon dit qu'Innocent VIII refusa de mettre à exécution le conseil d'un médecin juif, qui prétendait le guérir en lui faisant boire le sang de trois enfants. Michaud et Bouillet ne parlent pas de ce fait.

Alexandre VI ne devait pas trouver grâce devant M. Martin: ainsi (page 265), il en fera un empoisonneur: (page 341) un incestueux; (page 341) un Tibère et un Caligula. Aujourd'hui la vérité s'est faite sur ce Pape, beaucoup trop noirci. Les lecteurs désireux de s'instruire à ce sujet n'ont qu'à lire la biographie d'Alexandre VI dans l'Histoire populaire des Papes, de M. Chantrel.

M. Martin à écrit ces lignes: L'aimable et séduisant Léon X, avec ses mæurs faciles, savait toutefois reprendre au besoin la tradition de ses devanciers; il coupa court à des complots qui l'inquiétaient dans le sacré collége en faisant étrangler le cardinal Petrucci (Tome VII).

Voilà pourtant comment l'on écrit l'histoire! Petrucci voulut successivement poignarder et empoisonner Léon X; il avoua son crime; il dénonça tous ses complices: il fut condamné à mort, à la suite d'une procédure régulière, et on l'étrangla en prison, afin d'épargner à un cardinal la bonte d'une exécution publique. C'est là ce que disent Paul Jove et Guichardin.

Dans le volume suivant, M. Martin s'appuie sur l'opinion de Benvenuto Cellini pour attaquer la probité de Pie IV. « Mais, comme le dit fort bien M. Tamizey de Larroque, tout le monde sait que si Cellini fut le plus habile des artistes, il fut aussi le plus hardi des menteurs. »

Enfin M. Henri Martin (tome X) prétend que Félix Peretti (Sixte-Quint) avait gardé les troupeaux dans son enfance.

J'en appelle à un rédacteur du Siècle mieux informé ; voici la note que M. Émile de la Bédolière insérait dans le Siècle il y a quelques années :

« On a dit que Sixte-Quint enfant avait gardé les pourceaux; c'est une erreur : la famille du futur Pontife était noble. Chassée de Dalmatie par l'invasion d'Amurath II, elle s'était fixée à Montalte et y possédait des domaines considérables; elle les quitta pendant les guerres de Léon X et du duc d'Urbin, pour se réfugier aux villages des Grottes, où naquit Félix Peretti, le 13 décembre 1521, mais il n'y fut jamais porcher. Ces contes débités sur son enfance ont été imaginés par un certain Gregorio Letí, et victorieusement réfutés par le cordelier Tempesti, qui a écrit une Vie de Sixte-Quint en deux gros volumes. >>

Quant à la comédie de l'Ego sum Papa, dont M. Henri Martin régale ses lecteurs, elle a été réduite à néant dans l'excellent ouvrage de M. Ségretain, Sixte-Quint et Henri IV.

Étudions maintenant les inexactitudes de M. Henri Martin.

L'historien couronné prétend que la phase gauloise dans l'art chrétien

produit l'architecture ogivale (tome III, p. 410). « On a pu dire cela avant 1830, répond M. de Jubainville; mais il n'est plus guère permis d'ignorer ce que pensent de ces bizarres origines les hommes spéciaux qui ont consacré leur vie à cette étude. >>

M. Martin (tome II, p. 437) prétend qu'en 850, la crosse des évêques n'était pas en usage. Qu'il lise Thomassin et Van Espen.

Suivant le même, c'est l'inquisiteur Springer qui a invente le Rosaire (la machine à prier (sic) (VII, 534); comme si tout le monde ne savait pas que c'est saint Dominique qui a institué cette coutume.

La piété de saint Louis l'obsède. On comprend difficilement, dit-il (IV, 288), comment Louis IX trouvait, après avoir vaqué à ses pratiques religieuses, le temps suffisant pour veiller aux affaires du royaume. M. de Wailly, dans un examen critique de la vie de saint Louis, lui répond: «J'ai transmis la question à un ecclésiastique, et il résulte de son calcul que le chant des Heures de la sainte Vierge et des Heures canoniales, y compris Matines et Laudes, Vêpres et Complies, l'audition de deux Messes et la récitation de l'Office des Morts avec un chapelain, devaient occuper Louis IX tout au plus pendant quatre heures et demie. »

Sans parler du verbe venerari, qu'il a traduit par adorer, M. Martin fait dire au légat du Pape qu'« il y a trois Tout-Puissants. » Ici Abailard se charge de redresser son admirateur; voici son récit :

« Le légat répondit : « La croyance commune est et tout le monde proa fesse que les trois personnes sont toutes-puissantes. » (Voyez Labbe et Cossart).

Caletum (pays de Caux) signifie, pour M. Henri Martin, Calais (qui se disait Calescium.) Dans le tome IV, M. Henri Martin appelle Comte Jourdain de l'Ile, celui que (tom. V, 74) il appellera le Comte de l'Ile Jourdain.

Tom. II, p. 82, il prétend que Rigouthe se réfugia dans la cathédrale de Toulouse, tandis que Grégoire de Tours nous apprend que cette princesse alla chercher un asile dans la basilique de Sainte-Marie, dédiée à NotreDame de la Dorade, église différente de Saint-Sernin.

Que penser d'un livre couronné par l'Académie française dans lequel on trouve que le duc d'Épernon était pétri de vices et de travers, que notre vieille musique jeta quelques lueurs sous Henri IV; où l'on signale l'étrange et tumultueuse figure de Mirabeau, et où l'on raconte que le frère de Mazarin se déplut à Barcelone? Si nous voulions relever toutes les erreurs graves, nous aurions encore bien des pages à écrire, quand ce ne serait que pour rétablir la vérité sur Galilée et Marie Stuart; mais vraiment un pareil examen est fatigant, aussi bien pour le critique que pour le lecteur: aussi avons-nous hâte de conclure en remerciant les élèves de l'Ecole des Chartes qui nous

ont singulièrement facilité notre tâche, surtout MM. Henri de l'Épinois et M. Tamizey de Larroque.

En résumé, que faut-il penser d'un homme qui a écrit notre histoire nationale d'une si étrange façon ? méritait-il d'obtenir les couronnes de l'lastitut? Non mille fois. Qu'a produit cette histoire? quel bien a-t-elle fait aux âmes? S'il en est encore temps, réagissons contre « l'organisation du rationalisme, qui, suivant l'expression de Monseigneur de Poitiers, est le fait le plus patent, le plus formidable de notre époque. » Pour réagir avec succès, il faut démasquer la tactique de cette démocratie anti-religieuse. Voilà pourquoi nous nous sommes occupés de l'Histoire de France de M. Henri Martin.

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LA BIGOLANTE

HISTOIRE VÉNITIENNE

I

La vie, à Venise, est poétique jusqu'en ses moindres détails, grâce à la position singulière de cette ville incomparable. Tout s'y fait avec aisance et sans bruit, par suite de l'absence totale de voitures: jamais cheval n'a paru dans la ville aquatique des Doges, et le peuple, dans son ignorance, appelle cet animal fabuleux un bœuf sans cornes, bue senza corni. Aussi, à l'époque où j'habitais le Grand-Canal, les Vénitiens riaient sous cape en apprenant que l'Autriche leur envoyait, pour gouverneur, un général de cavalerie. Tout le monde navigue à Venise, et circule d'une manière paisible et gracieuse à travers les innombrables canaux qui sont les rues liquides de cette cité. La gondole est le moyen de transport universel: on va par eau à ses affaires, en visite, à la promenade, au théâtre, à l'église et au cimitière ; des barques chargées de fruits, de légumes, d'herbes et de fleurs, passent sous vos fenêtres pour se rendre au marché, et laissent des traces parfumées de leur passage sur les flots silencieux. Un jour, j'aperçus une barque qui faisait force de rames pour m'aborder; elle contenait un homme, deux femmes et une douzaine d'enfants; quand tout ce monde fut à ma portée, il me tendit les mains, en chantant un cantique à la Madone: c'étaient un mendiant et sa famille, qui venaient me demander l'aumône en gondole.

Le pittoresque, comme on dit, relève ici les plus humbles fonctions du ménage de chaque jour : ainsi, au lieu de ces prosaïques Auvergnats, barbouillés de noir, quis'attellent à leurs tonneaux roulants pour abreuver Paris, Venise a des porteuses d'eau qui sont les plus charmantes filles du monde. On les appelle des Bigolante en dialecte vénitien. Ce sont, en général, des paysannes du Frioul et du Tyrol qui descendent de leurs montagnes pour venir exercer ce métier dans la ville. Elles sont, pour la plupart, jeunes et jolies; leur costume consiste en un grand jupon de drap qui leur monte jusque sous les bras, et dans une chemise de grosse toile, plissée à la poitrine et dont les manches sont très-courtes; elles sont coiffées d'un

Tome XV.

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chapeau d'homme en feutre noir surmonté d'un bouquet de fleurs; leurs pieds et leurs jambes sont nus, et elles vont ainsi, d'un pas gymnastique, en tenant en équilibre sur l'épaule deux seaux de cuivre rouge. Le rendezvous général des bigolantes est dans la cour du palais ducal, une des merveilles de Venise. Là, en face de l'escalier des Géants, s'élèvent deux superbes citernes de bronze, ciselées comme des autels, chefs-d'œuvre de Nicolo de Conti et de Francesco Alberghetti: ces deux artistes y ont sculpté, avec un goût exquis, des griffons, des sirènes et différents sujets aquatiques tirés de l'Écriture. On trouve la meilleure eau de Venise dans ces citernes aussi sont-elles très-fréquentées, et j'allais souvent y étudier cette classe intéressante des porteuses d'eau, qui se réunissent là, matin et soir, pour causer et remplir leurs seaux, au bord du puits, comme autrefois les filles des patriarches. J'y vis un jour une petite bigolante d'environ dix à douze ans : elle était délicate et charmante; le hâle n'avait pas encore fait disparaître sur son teint la neige de ses montagnes; elle boitait, par suite de quelque accident arrivé à son pied droit. Elle se mit à puiser de l'eau pour ne pas perdre de temps, tout en relevant par derrière son pied malade, qu'une de ses compagnes examinait avec sollicitude. Ces deux femmes avaient une pose si gracieuse, qu'elle aurait tenté le pinceau d'un peintre ou le ciseau d'un sculpteur.

Venise est une ville tout orientale: les conteurs y abondent, et leurs récits merveilleux semblent des reflets du clair de lune des Mille et une Nuits. Un soir, en prenant une glace avec moi dans un des cafés de la place Saint-Marc, un vieux Vénitien m'a raconté cette histoire d'une bigolante des temps passés.

II

C'était au commencement du dix-septième siècle, sous le dogat de Marino Grimani, quand la sérénissime République était encore dans toute sa splendeur, et inscrivait sur son livre d'or la maison de Bourbon dans la personne de son chef Henri IV. Il y avait alors une petite porteuse d'eau qui s'appelait Orséola: fille d'une bigolante, elle continuait le métier de sa mère, qu'elle avait perdue, ainsi que son père. La pauvre orpheline vivait de son travail avec simplicité et dignité, et avait de bonnes pratiques son air naïf, sa grâce et sa beauté plaisaient à tout le monde. Ses cheveux, d'un blond roux, tordus et nattés derrière la tête, étaient traversés par une longue aiguille d'argent; de grosses et lourdes boucles d'oreilles, seul héritage de sa mère, tintaient comme des clochettes autour de sa tête; elle portait une jupe de drap bleu, un corset rouge, et son petit chapeau de feutre noir était égayé, l'été par une rose moins fraîche qu'elle, l'hiver par une plume de perroquet. Nulle ne courait plus légèrement, pieds nus, en balançant la tête et en portant sur l'épaule ses deux larges seaux de cuivre poli, sur les

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