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CHAPITRE XIV

La France et le Saint-Siége en 1849.
Discours de M. de Montalembert.

Telles étaient alors les assemblées, telles étaient les luttes des orateurs. Mais le tumulte le plus effroyable, l'interruption la plus obstinée, ce fut M. de Montalembert qui les provoqua par les premières paroles de son fameux discours à la séance du 19 octobre; ce discours que toute l'Europe a lu, et qui restera comme un des plus illustres monuments de l'éloquence parlementaire, défendant la plus juste, la plus grande, la plus sainte des causes.

M. de Montalembert répondait à M. Victor Hugo, qui avait, il faut le dire, dépassé, dans ses attaques contre le Pape, toute mesure. Montant à la tribune sous le coup de ce discours, et cédant trop peut-être à son émotion, M. de Montalembert avait laissé tomber de ses lèvres une première parole d'indignation : « Messieurs, avait-il dit en « débutant, le discours que vous venez d'entendre a déjà « reçu le châtiment qu'il méritait dans les applaudissements qui l'ont accueilli. »

Je ne raconterai pas la scène de désordre qui éclata à ces paroles; la ferme tenue de M. Dupin ; le mot récompense substitué à celui de châtiment; les nouvelles exclamations de la Montagne, l'invincible résistance de M. de Montalembert. J'arriverai de suite au discours lui-même, à ces

accents d'une si forte raison, d'une si mâle éloquence, et à ces paroles, d'abord d'une tristesse sévère, d'une amertume douloureuse, qui furent peut-être un reproche trèspénétrant pour M. Hugo, mais non une injure. Aujourd'hui que M. Hugo est exilé, qu'il a essuyé ces mécomptes, ces orages, ces revers de la politique dont lui parlait alors avec plus d'émotion que de colère M. de Montalembert, ces paroles en sont devenues plus touchantes, et peut-être que M. Victor Hugo lui-même ne pourrait à cette heure les lire sans quelque regret, et sans tourner un regard apaisé vers cette Rome hospitalière, asile sacré de toutes les infor

tunes:

« Voici ce que je voulais dire de l'avenir que j'annonçais à « l'honorable préopinant. Je lui disais qu'un jour, peut-être, il irait lui-même à Rome, dans cette ville incomparable, il irait << y chercher le repos, le calme, la paix, la dignité dans la retraite, << tous ces biens assurés à cette ville éternelle, depuis tant de « siècles, par ce même gouvernement clérical qu'il a insulté tout « à l'heure à cette tribune. Il ira peut-être chercher un jour ces «bienfaits; il les trouvera, et alors il bénira le ciel d'avoir in« spiré aux nations chrétiennes la pensée de maintenir en Europe « un seul lieu, un seul asile pour ces biens si précieux, à l'abri « de ces orages, de ces calomnies, de ces mécomptes, de ces

violences de la vie politique, où son inexpérience semble au<< jourd'hui placer le bonheur suprême des peuples et des indi« vidus. Eh bien! là il se repentira d'avoir fait le discours qu'il « vient de prononcer, et ce repentir sera son châtiment. Je ne a lui en souhaite pas d'autres. (Rumeurs à gauche.)

« Il se repentira alors d'avoir lancé l'injure, et, ne me per« mettrez vous pas de dire? la calomnie, contre le chef vénéré de « l'Église, contre l'oracle vivant de nos cœurs, de nos con<< sciences et de nos âmes. Oui, la calomnie. C'est calomnier la France que de lui prêter les instincts et les pensées dont il

s'est fait l'organe à cette tribune. Et c'est surtout calomnier le Pape que de le supposer capable des violences qu'il lui re« proche. » (Approbation à droite. - Rumeurs à gauche.)

Les orateurs de la Montagne, comme aujourd'hui encore les journaux et les pamphlets révolutionnaires (car en France, aussi bien qu'en Italie, nous luttons toujours contre les mêmes hommes); les orateurs de la Montagne avaient eu le triste courage d'insulter Pie IX, après ses bienfaits; il y a plus, après ses malheurs, après tout ce que ce géné reux Pontife avait souffert pour avoir voulu donner aux princes italiens le signal des réformes utiles et régénérer sa patrie. Cette indignité révolta M. de Montalembert :

« Messieurs, s'écrie-t-il, Bossuet a parlé de ce je ne sais quoi d'achevé que le malheur ajoute à la vertu. Eh bien! « Pie IX a connu ce je ne sais quoi d'achevé; il a connu le malheur, mais il a connu en outre ce qu'il y a de plus poignant, « de plus cruel dans le malheur, l'ingratitude. Et cependant je « ne l'en plains pas, je l'en honore, j'oserai presque dire : je lui en porte envie. Ne fait pas des ingrats qui veut; pour faire des ingrats, il faut avoir fait du bien à ses semblables, il faut avoir « tenté de grandes choses pour l'humanité. Il n'est pas donné à tout le monde de faire des ingrats. Heureux donc ceux qui font des ingrats, mais malheur à ceux qui le sont, et malheur " à ceux qui se font les organes et les orateurs de l'ingratitude! (Vive approbation à droite.)

Il a trouvé l'ingratitude non-seulement à Rome, non-seule... ment en Italie, mais en Europe, mais ici! Car c'est être sou« verainement ingrat envers le Souverain Pontife que de mécon« naître à ce point ses vertus et ses services. C'est être ingrat envers lui que de répondre à sa conduite et à sa vie par les virulentes attaques du préopinant, et par des injures grossières dont la sévérité légitime de notre président a fait justice

« l'autre jour, mais que le Moniteur garde pour l'instruction de la postérité indignée. (Nouvelle approbation à droite.)

«Eh bien! à cette ingratitude, qui a trouvé ici, à cette tribune. même, un piedestal si déplorable, qu'il me soit permis d'op<< poser ici le tribut solennel de mon admiration, de ma recona naissance et de mon amour.» (A droite Très-bien! trèsbien!)

On avait ose parler, comme on l'ose encore aujourd'hui, comme un ministre piémontais a bien osé le faire lui-même, de supplices et de proscriptions; on doutait de l'amnistie de Pie IX. Mais qu'avait donc fait Pie IX? qu'avait-il fait le lendemain même de son élection?

« Vous le savez bien, répond M. de Montalembert, le Pape « pardonne toujours; il est obligé de pardonner. Vous l'avez « dit, vous le comprenez: il doit toujours pardonner, et c'est « pourquoi il est obligé, dans cette amnistie que vous avez inju« rieusement qualifiée de proscription, non pas de dévouer tels ou tels individus, qu'il en a exceptés, aux supplices, aux bourreaux, aux prisons même, mais simplement de les tenir éloi<< gnės du domaine que vous venez de reconquérir pour lui, afin <qu'ils ne recommencent pas à lui rendre son gouvernement impossible. Et il le fait par cela scul qu'il ne peut pas les punir « comme d'autres puissances peuvent le faire, comme on l'a fait « même en France. Il est obligé d'avoir recours au système préventif, parce que le système répressif lui est plus difficile et « plus impossible qu'à qui que ce soit 1. » (Approbation à droite.)

"

Le Pape pardonne toujours, il est obligé de pardonner. - Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher cette belle parole de cette autre non moins belle et non moins vraie du cardinal Consalvi, premier ministre de Pie VII: « Un état de mensonge est l'état habituel des « cours; mais un mensonge, à Rome, perdrait tout un règne sur-lechamp: IL FAUDRAIT UN AUTRE PApe.» (Artaud, Histoire de Léon XII, 1. 1. p. 167.)

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L'orateur aborde alors un point important du débat, la mesure des réformes possibles, des libertés accordées par le motu proprio qui était comme le programme de Pie IX. et cette partie de son discours est d'autant plus intéressante pour nous que c'est encore aujourd'hui le même prétexte qu'on allègue contre le Pape :

Cet acte, dit l'orateur, assure quatre principales garanties; d'abord la réforme de la législation civile; ensuite la réforme des tribunaux; en troisième lieu, de grandes libertés provin*ciales et municipales: libertés plus grandes, comme a semblé le dire hier M. le président du conseil, que celles que nous avons eues et que nous avons même en France; si grandes que vous n'osez pas, quant à présent, en faire jouir la ville de • Paris elle-mème, et vous avez bien raison. (Rire approbatif * à droite.)

Voilà pour les franchises provinciales et communales; le Pape ne fait aucune exception.

En quatrième lieu, le motu proprio garantit la sécularisation de l'administration, en ce sens qu'il n'y a pas exclusion des ecclésiastiques, mais admission des laïques. Il est bon de dire d'abord que cette admission des laïques est déjà aujourd'hui, sous le pontificat de Pie IX, tellement générale, que, d'après une statistique de tous les emplois de l'État pontifical, qui a été publiée dernièrement à Naples, d'après la statistique officielle de tous les emplois et charges dans l'ordre politique, judiciaire et administratif, et des traitements qui leur sont res<pectivement assignés, en 1848, il y a en tout 109 ecclésiastiques « seulement, et 5,059 laïques. Voilà quelle est la proportion ⚫ actuelle.

Un membre de la commission. Il y en a 243.

M. DE MONTALEMBERT. Oui; mais ce nombre comprend « 134 aumôniers des prisons.

Maintenant, il ne peut entrer dans la pensée de personne,

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