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mes qui emploient la parole pour les nobles et saintes causes! Il est doux et glorieux de penser que les armes ne sont pas le seul rempart des sociétés humaines, et que la parole livre et gagne aussi des batailles pour la défense de l'ordre public. Aussi, tout le monde le sentait à cette époque, les victoires remportées par de tels discours n'étaient pas de vains triomphes oratoires : c'était la victoire même de la société; c'était au profit de tout l'ordre européen que le principe révolutionnaire était vaincu à la tribune de l'Assemblée nationale, comme il l'avait été à Rome par nos soldats. Et voilà pourquoi ces triomphes retentissaient dans Paris, dans la France, dans le monde entier. Tous les honnêtes gens triomphaient. Je m'en souviens encore on se félicitait en sortant de l'assemblée; on se parlait sans se connaître, ou plutôt on se reconnaissait, on se rencontrait dans le sentiment commun de l'admiration, du bonheur, de la confiance; on se sentait une force nouvelle; on entrevoyait des jours meilleurs pour l'avenir; les âmes se dilataient dans l'espérance.

Et c'était avec raison, car la France venait de faire de grandes choses: elle avait parlé, elle avait agi glorieusement dans le monde; elle s'était montrée courageusement fidèle à toute son histoire, à ses antiques traditions, à sa destinée providentielle; et par ses mains, qui n'avaient pas vieilli, une nouvelle et magnifique page s'était ajoutée aux Gesta Dei per Francos. Une fois de plus, comme le disait Shakspeare, définissant la glorieuse mission de la France, une fois de plus la Providence et la Conscience lui avaient

ceint son armure.

C'est la Providence, en effet, les chrétiens ne le sauraient oublier, qui choisit ici-bas les plus nobles d'entre les peuples pour leur confier l'exécution des grands con

seils divins; ou plutôt, c'est la Providence qui fait les nobles peuples, les grandes races, et qui les prépare aux grandes missions qu'elle veut leur confier sur la terre. « Le Fils <«< de Dieu, aux ordres duquel obéit tout l'univers, disait <«< un Pape, a constitué les différents empires après « la division des langues et des races, il a institué les di« vers peuples, afin de les employer à l'exécution des « ordres du ciel. Et comme autrefois la vaillante tribu « de Juda avait reçu de Dieu une bénédiction spéciale, de « même la nation française a été décorée d'une préro« gative d'honneur au-dessus de toutes les nations de la « terre1. »

Mais quelle prérogative, quelle, mission a donc reçue la France? Toute la terre le sait. La France a eu pour mission dans le monde, et elle n'y avait jamais encore failli, d'être pour l'Église, et par là même pour la civilisation chrétienne, comme une épée et un bouclier.

Dès le VIIIe siècle, les Papes reconnaissaient et signalaient aux rois francs cette grande élection de la Providence:

« Considérez, ô mon fils! écrivait le pape Étienne à « Pépin le Bref, considérez et réfléchissez avec attention, je vous en conjure au nom du Dieu vivant : songez «< qu'après Dieu et le prince de ses apôtres, notre ave

1

« Dei Filius, cujus imperiis totus orbis obsequitur, cujus beneplacitis cœlestis exercitus agmina famulantur, secundum divisiones « linguarum et gentium signum divinæ potentiæ diversa regna conestituit, diversa populorum regimina in ministerium mandatorum « cœlestium ordinavit : inter quæ sicut tribus Juda inter ceteros filios « patriarchæ ad specialis benedictionis dona suscipitur, sic regnum a Franciæ ceteris terrarum populis a Domino prærogativa honoris et « gratiæ insignitur. »

« nir et l'avenir de tout le peuple romain dépendent princia palement de vous, que la Providence a tant protégé, et de « la nation française. »

Les triomphes de Pépin ne tardèrent pas à justifier les espérances du Pontife; et bientôt après, ramené glorieusement par les Francs dans la ville éternelle, Étienne II ċerivait de nouveau à son libérateur :

<< Notre langue, ô fils chéri! ne saurait dire la consola«tion que nous donnent vos actes et votre courage. « Nous avons vu, en effet, de nos jours, la toute-puissance «< divine opérer par vous des miracles, et l'Église romaine « délivrée. Qu'il nous soit permis de nous écrier avec les « anges du Seigneur Gloire à Dieu au plus haut des « cieux, et paix sur a volonté !

:

la terre aux hommes de bonne

<«< Car il y a un an, à cette époque, enveloppé que nous « étions de tous côtés par nos ennemis, nous gémissions << dans la tristesse, nous étions le but de tous leurs atten<«<tats aujourd'hui, grâce à votre invincible secours, arra<«< ché à tous les dangers qui nous menaçaient, nous éprou<«<vons une joie immense; nous bénissons le Seigneur; «< nous nous écrions avec le psalmiste: C'est la main du « Très-Haut qui a fait cette merveille'. »

Pie IX lui-même, après notre victorieuse expédition de 1849, redisait au général Oudinot ces belles paroles d'Étienne II à Pépin le Bref; et certes il était glorieux pour notre pays, dix siècles après Pépin et Charlemagne, d'entendre le successeur d'Étienne II rappeler ces antiques et illustres souvenirs, et tenir au chef de notre vaillante armée le même langage:

1 Lettre VI du Pape Étienne à Pépin le Bref. (SS. Concil. Coll., t. XII.)

« Les enfants de la France sont une génération bénie; « aussi jamais nous ne cesserons de faire entendre les << louanges de votre nom dans tout l'univers. Quelle re<«< connaissance pouvons-nous exprimer à votre armée ! Il << nous est impossible de faire rien qui soit digne de vous; << mais il existe au ciel un juste juge, le Seigneur notre « Dieu, qui vous récompensera suivant vos œuvres Oui, « vous avez élevé le nom de votre nation au-dessus du nom « et de la gloire de bien des peuples; et l'honneur du royaume « des Francs brille de la plus éclatante lumière aux yeux du « Seigneur. »

C'est ainsi que pour louer, pour remercier la France, Pie IX n'avait qu'à lui rappeler sa gloire, et qu'à emprunter lui-même le langage reconnaissant de ses prédécesseurs, protégés et délivrés comme lui par la France. Semblable à Léon III parlant à Charlemagne, Pie IX ajoutait enfin ces paroles, à la louange éternelle du nom français : « Il est dans les cieux un Dieu qui sonde les cœurs « et les reins, et qui sait quel amour nous vous portons << je suis heureux de pouvoir vous exprimer les sentiments « de cette affection paternelle, et de vous dire les vœux « que j'adresse sans cesse au Seigneur pour l'armée, pour « le gouvernement de la France, et pour la France entière. « Car le triomphe de l'armée française a été remporté «< sur les ennemis de la société humaine, et pour cette rai<< son il devra exciter à jamais les sentiments de gratitude « dans le cœur de tout homme honnête, en Europe et dans << tout l'univers. >>

P'uisse la France ne mettre jamais en oubli ces grands souvenirs de son passé, qui lui dictent si noblement ses d'e

voirs pour le présent et pour l'avenir ! En sortant de ces glorieuses voies, elle n'échapperait pas aux sévérités que l'histoire tient en réserve pour les peuples infidèles à leur mission. En demeurant toujours elle-même, elle conservera intact le plus illustre dépôt de gloire, et le plus pur honneur dont un peuple ait jamais été couronné.

CHAPITRE XV

1849-1859,

Pourquoi y a-t-il encore une question romaine?

Certes, bien qu'il soit pénible de descendre de ces hauteurs, il le faut, et après tout ce que nous venons de dire, nous avons le droit, et c'est aussi pour nous un devoir de le demander ici: Pourquoi y a-t-il encore une question romaine? Pourquoi agite-t-on encore parmi nous, à l'heure qu'il est, la question de la souveraineté temporelle du Saint-Siége? Pourquoi et comment 1859 a-t-il soulevé de nouveau un débat que 1849 avait décidé aux applaudissements de toute la France?

Certes, en 1849, nous venons de le voir et de le sentir, ce fut bien le cœur de la France qui battit, ce fut bien sa voix qui se fit entendre, comme le disait il y a peu de jours Mgr l'évêque d'Arras. Est-ce que la France aurait changé de cœur depuis ce temps?

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