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a conquête facile des États du Pape, et alors le Pallium « est à nous, et la scène est finie. Aucun des polentats « de l'Europe ne voulant reconnaître un vicaire du Christ « soumis à un autre souverain, tous sc créeront un pa«< triarche, chacun pour son propre État..... Peu à peu cha« cun s'éloignera de l'unité de l'Église, et finira par avoir « dans son royaume une religion, ainsi qu'une langue à « part. »

Les prédictions de Frédéric le Grand me troublent peu le philosophe couronné de Berlin n'est pas le premier faux prophète de sa secte; et quoi qu'il dise, je demeure tranquille sur la durée immortelle de l'Église ici-bas, et de la Papauté, qui en est inséparable. Toutefois, ces rêves impies n'en contiennent pas moins un grand enseignement pour nous car le moyen qu'ils indiquent pour ruiner l'Église en Europe serait, humainement parlant, infaillible, si Dieu n'était pas là, ou s'il lâchait tout à fait la bride aux passions révolutionnaires, et faisait tomber enfin le poids d'une malédiction irrévocable sur les sociétés européennes.

Il y en a d'autres qui sacrifient la souveraineté temporelle du Pape, comme toutes les souverainetés et les nationalités de la péninsule, à l'utopie de la grande unité italienne. Ils sentent que le Pape ne pourrait rester comme sujet dans les lieux où il fut souverain; ils pensent que sa souveraineté, fixée là, au centre de l'Italie, est un obstacle à l'accomplissement de leurs desseins, et ils proclament que la Papauté doit se confiner au Vatican, et mieux encore s'exiler de l'Italie et de l'Europe même, où sa place est impossible, et aller... où ira-t-elle? Ils n'en sont pas embarrassés; ces grands génies politiques y ont pourvu la Papauté ira chercher un dernier asile là où

fut son berceau, en Syrie, à Jérusalem, ou sur les bords du lac de Génésareth; ou, si l'Orient et le monde ancien n'en veulent pas, dans les libres républiques du nouveau monde, dans les déserts, dont nul ne viendra lui disputer la possession du moins tant qu'elle ne les aura pas peuplés, civilisés, éclairés.

Plusieurs de mes lecteurs s'étonnent peut-être ici, mais à tort. Je ne dis rien là qui n'ait été dit, écrit et publié. Ces belles idées se sont produites au grand jour : on les a jetées au public; des journaux français, belges, espagnols, en ont disserté; et qui sait à combien de grands esprits elles ont paru la solution ingénieuse, et en tout cas pacifique de la question italienne?

Le Pape exilé de Rome et de l'Italie! Le Pape à Jérusalem, en Amérique, ou dans l'Océanie! Ah! sans doute, il serait toujours le Chef de l'Église, le souverain spirituel des âmes, le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre! Et si les Romains, ce peuple si cher à saint Pierre et à saint Paul; si les Romains, souvent tombés déjà, ou plutôt précipités dans l'anarchie, car ils sont presque toujours plus faibles que coupables; si les Romains venaient jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, à tomber aussi dans l'infidélité, le successeur de saint Pierre, devenu évêque de Rome in partibus infidelium, resterait toujours, en quelque endroit du globe que la tempête l'eût jeté, le Père commun des fidèles. Il pourrait traverser les mers, et la croix et l'Évangile d'une main, les constitutions de l'Eglise de l'autre, transporter ses pénates sacrés dans une ville ou dans un désert du nouveau monde : l'Église voyage. rait, aborderait, s'arrêterait avec lui, et nous dirions toujours avec saint Ambroise: Ubi Petrus, ibi Ecclesia. Comme le soleil, immobile au firmament, cet homme

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pourrait paraître changer de place sur la terre; mais, immuable sur sa base divine, il rayonnerait toujours sur le monde entier de tous les points de la Catholicité, les âmes ne cesseraient de se tourner vers lui, et il pourrait dire

avec le plus impérissable droit, en donnant à une grande parole un sens plus grand encore :

Rome n'est plus dans Rome : elle est toute où je suis.

Nous aurions pourtant à voir alors ce que serait Rome, ce que serait l'Italie, ce que serait l'Europe, sans lui. Il faudra bien traiter ces questions, dont la gravité est si étrangement méconnue, dont l'intérêt social et religieux est si stoïquement sacrifié, même par des esprits qui se croient religieux.

Car ce n'est pas seulement la haine, le préjugé impie, la passion politique, la cupidité ambitieuse, qui se tournent aujourd'hui contre le pouvoir temporel du Saint-Siége; on voit encore avec surprise quelquesuns de ceux qui en devraient être les défenseurs naturels, l'abandonner, ou prendre du moins, avec une résignation singulière, leur parti de sa destruction totale, ou de sa honteuse diminution, c'est-à-dire, de sa dégradation sociale. Il ne s'agit que des Romagnes, dit-on, ce n'est qu'une province de plus ou de moins. Sur tout cela, on entend la témérité, la faiblesse, la plus effrayante irréflexion, propager misérablement les paroles les plus étranges.

D'honnêtes gens s'en affligent pieusement, en gémissent peut-être avec tristesse, mais les écoutent toutefois sans trop de scandale. De grands esprits, qui

ont tout prévu, et qui ne s'étonnent de rien, qui ont rêvé, d'ailleurs, dans un beau zèle pour l'avenir, des progrès inconnus au Christianisme passé, voient dans les malheurs et l'abaissement temporel de la Papauté un horizon magnifique s'ouvrant aux transformations sociales de l'Europe et du monde; et si de telles révolutions semblent en apparence menacer l'Église, ils savent, eux, ils croient savoir que ce progrès tournerait infailliblement à la plus grande gloire de Dieu et au très-grand bien des âmes. Chevaleresques aventuriers de la foi, ils consentent bravement à laisser anéantir la souveraineté temporelle du Pape. Ils verraient dans son anéantissement un rajeunissement de l'Église. Un culte dépouillé, des calices de verre, des prêtres à la mendicité, le Vicaire de JésusChrist n'ayant pas où abriter sa tête et rentrant dans l'antique nuit des catacombes, toutes ces choses leur paraissent magnifiques et font vibrer la joie dans ces âmes sublimes. Eh bien! moi, dans mon sens vulgaire, je me refuse à rêver pour la Papauté toutes ces belles aventures, et quoique je proclame avec joie que c'est une Croix de bois qui a sauvé et qui sauvera toujours le monde, je crois beaucoup moins expédient pour les Chrétiens de reculer de quinze siècles, et pour l'Église de revenir sur ses pas, et de recommencer à naître : j'aime mieux lui voir suivre, dans la voie où Dieu l'a lancée, la marche que sa main lui trace, et se servir des conquêtes temporelles que la Providence lui a faites, pour continuer ses conquêtes spirituelles. Je crois enfin que, dans les œuvres de Dieu, il est plus sage d'étudier sa conduite et ses desseins pour s'y conformer humblement, que de lui faire une règle de nos rêveries, si brillantes qu'elles soient, et de façonner sa sagesse au gré de notre génie.

C'est surtout quand il s'agit des intérêts de l'Église qu'il faut se garder du péril des illusions romanesques; qu'il est bon de revenir aux origines et de s'attacher aux faits; de les considérer profondément, d'en saisir la lumière et la force, et de les comprendre enfin dans leurs sérieux et vivants enseignements. A quoi peuvent servir la raison, l'expérience, si elles ne servent pas à mettre les réalités à la place des utopies ? Et voilà pourquoi aussi je crois tout à la fois utile de rappeler ici les principes vrais sur la question de la Souveraineté Pontificale, et, malgré les émotions religieuses et politiques du temps, d'étudier avec mes lecteurs quel fut le dessein de Dieu et la marche de sa Providence dans l'établissement du gouvernement temporel du Saint-Siége.

C'est un admirable sujet : la matière en est immense, et s'est à peine ébauchée sous ma plume: j'y entre, décidé à mettre humblement toutes les forces de mon âme au service d'une cause si sainte, si grande et si indignement outragée.

Les lecteurs chrétiens ne refuseront pas de me suivre dans cette grande et religieuse étude. Et quant aux adversaires de la cause que je défends, après avoir fait retentir le monde entier de leurs plaidoyers contre elle, ils permettront sans doute qu'à notre tour nous soyons entendus.

Jamais, grâce à Dieu, notre foi dans les promesses divines faites à l'Église ne sera ébranlée par les événements humains. Jamais notre confiance en la barque de Pierre ne sera troublée par le mouvement des flots qui l'agitent : humbles passagers sur cette barque mystérieuse, notre croyance au pilote invisible, qui semble quelquefois dormir pendant la tempête, est immuable. C'est même en voyant

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