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calculs d'autrui : sans quoi on ne fait rien; les scrupules ne servent qu'à préparer les remords, et de peur de mal servir la vérité, on finit par ne la plus servir du tout.

Je voudrais bien, au surplus, en ce qui me concerne, qu'on m'apprît de quel parti, sans m'en douter, j'ai fait les affaires. Plein de respect pour les opinions sincères, je demeure étranger aux partis, et, tout entier aux intérêts religieux et à la gloire de mon pays, je ne connais et ne veux servir que Dieu, l'Église, et la France.

Il s'agit bien, en vérité, d'un parti! Il s'agit de la clef de voûte de la société chrétienne, et de la plus grosse pièce de tout l'édifice européen, la Papauté.

Je viens de relire toute l'histoire de la souveraineté pontificale je ne crois pas que depuis le VIIIe siècle plus formidable attaque ait été tentée contre le Saint-Siége. Je ne parle pas seulement des usurpations et des violences, je parle des principes qui sont invoqués contre lui, et de la nouvelle et redoutable manière dont on pose la question. Elle n'a jamais été posée comme aujourd'hui dans l'histoire. Qu'on réfléchisse aux doctrines qui sont mises en avant; qu'on prête attention au langage des feuilles révolutionnaires de France et d'Italie, et à celui de la plupart des feuilles anglaises, et on verra quelle est la portée du débat qui s'agite. Dans cette grande

entreprise contre le pouvoir temporel du Pape se cache, à l'insu des uns et à la joie des autres, une attaque profonde contre l'Église. Oui, le moment est grave, l'heure solennelle.

Ma conviction est que c'est un abîme qui se

creuse.

Un abîme non-seulement pour l'Église, mais pour l'Europe: la papauté jetée autrefois à Avignon en fut un; tout le XIV et le XVe siècle l'ont senti: l'Europe dut à ce fatal événement des scandales sans nombre et des maux sans fin.

Aujourd'hui ces questions vitales pour l'Église et pour la paix européenne sont livrées en pâture aux journalistes, et tranchées avec une légèreté que rien n'égale, sinon la gravité des périls; et pendant que la presse irréligieuse les agite violemment, les forbans révolutionnaires marchent et les faits se pressent avec une effrayante rapidité. On est bien forcé dès lors de se mettre, bon gré, mal gré, au pas de la polémique, et de faire courir sa plume au train des événements; on est forcé tout à la fois et de se plier aux mesures qui entravent la parole des évêques beaucoup plus que les articles des journalistes, et de parler à la hâte, à coups d'écrits rapides, à l'aide d'arguments sommaires. Mais ce n'est là évidemment que la moitié de la tâche imposée par ces graves circonstances; il faut à un aussi important

sujet de plus amples développements et des démonstrations plus complètes.

C'est pourquoi, après avoir fait des brochures, j'ai voulu écrire un livre; après avoir lancé des traits, j'ai tenté, si je le pouvais, d'élever un rempart.

Si j'étais homme de parti, je me serais contenté des coups de plume que j'ai pu donner au milieu du débat avec plus ou moins d'à-propos; mais, parce que je suis homme de conviction, j'ai voulu fournir mes preuves et appuyer mes affirmations. Ce livre aura du moins un mérite, il sera un témoignage de la profonde sincérité de mes précédents efforts.

Bien des raisons, d'ailleurs, me dissuadaient de l'entreprendre.

Il m'arrachait à un travail plus doux, que j'avais commencé sur les catéchismes, et pour les enfants, avec lesquels je voudrais finir ma vie.

Quitter les enfants pour les hommes, et pour les hommes en querelle, c'était s'interrompre bien tris

tement.

Et puis, il y avait aussi le salut de ces âmes qui me sont confiées, auxquelles je dois la parole de vie, que nul intérêt, si élevé qu'il soit, ne peut effacer de mon souvenir et de mon cœur, et dont il faut m'occuper à tout prix. Væ mihi si non evangelizavero!

Il fallait d'ailleurs pour un ouvrage comme celui

que j'entreprends à cette heure, regarder de nouveau au fond de la doctrine, et de plus s'engager dans de longues recherches historiques au milieu desquelles mes yeux plus que fatigués craignaient de s'égarer; il fallait étudier de nouveau dix-huit siècles à ce point de vue, et plus particulièrement les quinze dernières années, l'Italie, la France, le Piémont, l'Angleterre.

Puis, à la traverse de ce labeur, des combats inattendus, des brèches à réparer, plus pressantes que l'édifice dont j'essayais la construction : j'écrivais en combattant; je bâtissais d'une main l'édifice laborieux de ce livre, et de l'autre j'étais réduit à repousser des assaillants nombreux, des attaques sans cesse renouvelées.

:

Je le dirai de plus les années qui se pressent dans ma vie, les travaux qui se pressent dans ces années, et tout qui finira bientôt pour moi sur la terre avant que j'aie rien fini de sérieux pour le salut des âmes; puis ce besoin indéfini et inépuisable de tranquillité et de paix qui est au fond de toutes les vies trop occupées; puis aussi mes profondes tristesses à la vue du mal qui croît sans mesure, des aveuglements et des injustices des hommes, d'autres tristesses encore des divisions malheureuses là où il ne devrait pas y en avoir; de funestes malentendus dans le passé, et, ce qu'il y a de plus triste encore,

с

l'impuissance à les guérir après le regret de ne les avoir pu prévenir tout enfin m'aurait volontiers persuadé que c'était assez pour moi, et pour acquitter ma dette, des labeurs de chaque jour, et des luttes inévitables de l'heure présente.

Mais, avec une réflexion plus profonde, je sentis qu'une si grande cause ne devait pas être défendue seulement par les protestations de la foi alarmée, et par les cris même les plus énergiques de la conscience; que c'était trop peu pour elle que des paroles qui passent ou des écrits fugitifs qui ne restent point; à ces grandes et capitales questions, qu'un jour n'épuise pas, j'ai compris qu'il fallait donner un travail plus grave, plus approfondi, un livre enfin qui puisse, s'il plaît à Dieu, demeurer et parler toujours.

Je puis donc le dire comme saint Hilaire : C'est parce que j'y étais obligé que j'ai écrit: Coactus hæc scripsi; et c'est la conviction la plus profonde de mon âme que j'ai exprimée dans mes paroles: Et quæ ipse credebam locutus sum.

Je me suis souvenu, comme ce grand docteur, qu'un Évêque n'est pas seulement le disciple de la vérité, qu'il en doit être aussi le témoin : Discipulus veritatis, testis quoque veritatis.

C'est parce que mon devoir m'y obligeait, j'en avais la conscience, que j'ai dû faire cette campagne pour l'Église.

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