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de le traiter avec autant de sagesse et de modération que de zèle, mais aussi avec liberté, puisque les pauvres ne m'entendent pas. Dans ma première partie, j'établirai le devoir indispensable de l'aumône, et j'en marquerai les limites; dans la seconde, je réfuterai les objections et les prétextes que l'infidélité du siècle et la cupidité opposent à ce devoir. Puisse le Seigneur éclairer mon esprit, et mettre la persuasion sur mes lèvres, afin qu'il me soit donné de faire bien connaître, et surtout de faire aimer la plus douce des obligations du christianisme, celle de soulager l'indigence et l'infortune! Ave, Maria.

PREMIER POINT.

Dans l'oubli presque général où sont tombés aujourd'hui et les maximes de la morale chrétienne, et les véritables principes de la loi naturelle, il est vraisemblable, mes Frères, que si j'interrogeais sur le devoir de l'aumône un de ces honnêtes mondains qui passent encore pour religieux et timorés, il me tiendrait à peu près ce langage: Il est beau d'être charitable, mais il n'y a d'obligation que d'être juste; faire du bien aux infortunés, c'est se rendre digne d'éloge et de récompense, mais

personne suffit

ne faire tort à pour être exempt de reproche; autant il m'est défendu de ravir ce qui appartient à autrui, autant m'est-il permis d'user comme il me plaît de ce qui m'appartient; si j'en emploie une partie au soulagement des malheureux, c'est parce que j'ai le cœur sensible, et que j'aime à m'attirer les bénédictions du pauvre; mais en cela je crois suivre une inclination généreuse, et non accomplir un précepte, et je prescris les bornes que je veux à ma compassion et à mes largesses. Ainsi, l'homme osera dire comme Dieu : Je fais miséricorde, ou je la refuse à mon gré, et je ne dois compte qu'à moi-même de la libéralité que j'exerce : Miserebor cui voluero, et clemens ero in quem mihi placuerit (1).

Ecoutez en quels termes saint Basile-le-Grand réfute cette doctrine : « Ce sont vos biens, s'écrie ce Père, et en conséquence vous en disposez selon votre bon plaisir. Ils sont à vous, j'en conviens; mais d'où, de qui les avez-vous reçus? Undè accepta hæc... invexisti? Les avez-vous apportés dans ce monde en naissant? Si vous répondez que vous les tenez du hasard, vous êtes impie Si à casu dixeris, impius es. Si vous avouez qu'ils sont un présent de la bonté du Créateur, à quel dessein vous a-t-il donné

(1) Exod. xxxIII, 19.

ce qu'il refuse à tant d'autres? N'a-t-il obéi qu'à un injuste et aveugle caprice, dans cette inégale répartition des choses nécessaires à la vie? Non enim injustus est Deus, qui ea quæ sunt ad victum inæqualiter nobis diviserit. Puisqu'on ne peut douter ni de sa justice ni de sa sagesse, n'est-il pas évident que vous n'êtes riche, et que d'autres ne sont pauvres, qu'afin que vous pratiquiez la charité, et eux la patience; qu'ils soient redevables de leur subsistance à vos bienfaits, et que vous deviez votre salut à leurs prières? Profectò non aliam ob causam, nisi ut tu benignitatis.... mercedem accipias, ille verò patientiæ... præmiis hono

retur. »

Et en effet, mes chers Auditeurs, comment pourrions-nous justifier la providence de Dieu, s'il eût donné pour partage aux uns l'opulence, aux autres la misère, sans obliger ceux à qui tout abonde, de subvenir aux nécessités de ceux à qui tout manque? Eh quoi! tous les hommes ne sont-ils pas l'ouvrage de ses mains ? ne sont-ils pas tous faits à son image? tous frères ? tous issus d'un même père commun formant ensemble une seule grande famille qui est le genre humain, appelés à posséder un même héritage éternel? Et toutes les jouissances seraient ici-bas pour les uns, toutes les privations pour les autres? Ceux-là auraient de quoi sa

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tisfaire non-seulement leurs besoins, mais leurs caprices, mais leurs passions, mais toute l'avidité des désirs les plus effrénés; tandis que ceuxci n'auraient ni pain, ni vêtement, ni asile! Et ces heureux aînés, unique objet des soins et des complaisances du Créateur, ne devraient rien à leurs frères infortunés, que le Ciel et la terre abandonneraient ainsi à toute l'horreur de leur sort! Un tel plan pour le gouvernement de l'univers, n'aurait-il pas, je vous le demande, quelque chose de révoltant et de monstrueux, si l'on pouvait un seul instant l'attribuer à la divine Providence? Mère à l'égard d'une partie du genre humain, marâtre envers tout le reste, quel moyen nous laisserait-elle de la défendre contre les reproches de ceux qu'une partialité si choquante exciterait au blasphème? Quel plan digne d'elle, au contraire, que d'avoir choisi quelques hommes, pour être les dépositaires de ses trésors, et pour les répandre sur la multitude de leurs semblables! et, de même qu'elle a fait les génies supérieurs pour être comme le flambeau des esprits vulgaires, les hommes forts et courageux pour être la ressource et l'appui des faibles et des timides, d'avoir fait aussi les riches pour être les bienfaiteurs, les économes, les tuteurs des pauvres !

O vous donc qui possédez les dons de la

fortune, parlons mieux, les dons du Père céleste, c'est de vous qu'il dépend de faire honorer et bénir, ou maudire et outrager sa provi dence adorable. Si vous êtes les dispensateurs fidèles des biens qu'elle vous a confiés, on verra, dans votre sollicitude et votre bienfaisance, un gage et comme une preuve vivante de sa sagesse et de sa bonté; on trouvera qu'elle a assez pourvu aux besoins des malheureux, en vous élevant au-dessus d'eux pour les secourir; et, comme on la loue tous les jours d'avoir placé si haut, et environné de tant d'éclat ces astres bienfaisans qui nous échauffent et nous éclairent, d'avoir porté jusqu'au-dessus des nuées la cime de ces montagnes d'où jaillissent les sources intarissables qui arrosent et fécondent les plaines; ainsi, on la bénira de vous avoir donné la grandeur, les dignités, l'opulence, pour le soulagement et le bonheur de l'humanité entière. Mais si vous vouliez jouir seuls de ce qui était destiné à faire la prospérité commune; si, vous concentrant en vous-mêmes ou dans vos familles particulières, vous oublîiez la grande famille dont vous deviez être l'ornement et le soutien, ce serait comme si le soleil renfermait en lui-même sa lumière, comme si les hautes montagnes retenaient dans leurs flancs les eaux qui doivent fertiliser la terre; le monde se croirait abandonné de son auteur; la plus nom

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