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bout la construction de notre édifice logique; nous l'apprécierons ensuite. Dans un système en mouvement, le temps et les longueurs parallèles à la direction du mouvement sont fonction de la vitesse du mobile. Sans entrer dans les calculs, nous pouvons comprendre que les équations de la mécanique qui relient entre eux le temps, la masse et l'accélération ne pourront se conserver qu'à la condition de faire subir à la masse des modifications convenables. Et ainsi l'on trouve qu'un corps en mouvement a deux masses: l'une transversale au mouvement; l'autre longitudinale, et que cette dernière tend à devenir infinie quand la vitesse tend à devenir égale à celle de la lumière. Or, cette loi de variation de la masse est précisément celle que suit l'inertie d'origine électromagnétique des projectiles cathodiques d'une ampoule de Crookes. Il faut pour leur communiquer les vitesses formidables d'environ 280 000 kmsec., qu'on est arrivé à leur donner, dépenser une énergie croissante, comme si ces grains d'électricité devenaient de plus en plus lourds à mesure que leur vitesse augmente.

Cette constatation étonnante ouvrait la voie à de magnifiques généralisations. La masse joue, en effet, deux rôles distincts en mécanique, elle n'est qu'un quotient, le rapport de la force appliquée à un point libre à l'accélération qu'elle lui communique; et c'est là son premier rôle. Mais comme ce rapport jusqu'ici avait paru constant, le physicien ou le philosophe s'étaient habitués à considérer la masse comme caractéristique principale de la quantité de matière; et c'était là son second rôle. Le principe de relativité montre qu'elle ne peut jouer ce second rôle puisqu'elle est susceptible de variations. Mais on peut prendre la chose sous un autre biais puisque la masse ou inertie d'un système dépend de son mouvement, puisque communiquer de la vitesse revient à augmenter la masse, on est conduit

à identifier celle-ci avec l'énergie. Et en lui conservant son rôle de caractéristique de la quantité de matière, on dira que toute matière est en fin de compte réductible à de l'énergie. Si l'on préfère, cela revient à matérialiser l'énergie; la doctrine classique de la conservation de la masse perd son sens : elle devient un cas particulier de la doctrine plus compréhensive de la conservation de l'énergie. Dans la voie ainsi ouverte, on s'est lancé hardiment, cherchant à mettre en évidence la convertibilité de la masse en énergie.

Si nos vues sont justes, un faisceau lumineux, qui n'est qu'un flux d'énergie, doit pouvoir produire des effets mécaniques. Et c'est ce que l'on vérifie expérimentalement on a construit des radiomètres spéciaux, sortes de tourniquets placés dans un vide très parfait et que la lumière solaire fait légèrement tourner. La lumière exerce donc une pression sur les obstacles qu'elle rencontre, un peu comme la pluie sur les vitres qu'elle fouette: on appelle cette pression du nom de Maxwell-Bartholi. C'est par elle encore que l'on explique ces queues des comètes qui, on le sait, vont toujours en s'éloignant du soleil et tournent autour du noyau comme une ombre à mesure que la comète avance sur sa trajectoire. Ce fait est dû à ce que les petites particules détachées du noyau sont atteintes par la lumière du soleil qui les repousse avec une force appréciable relativement à leur faible poids.

Enfin, et par là nous allons rectifier notre principe de la constance de la vitesse de la lumière, si la lumière se comporte comme une chose pesante, elle pourra subir l'action d'un champ de gravitation, en particulier être déviée par son passage au voisinage d'une masse attirante assez considérable : or, on a, lors d'une éclipse de soleil l'été dernier, vérifié une déviation de 083 pour un rayon lumineux stellaire passant au voisinage du soleil pour parvenir jusqu'à nous.

IIIe SÉRIE. T. XXIX.

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Si extraordinaires que soient ces conclusions, elles n'auraient cependant pas trop surpris Newton qui, lors de ses études sur la gravitation, se posa sérieusement la question de savoir si la lumière pourrait être déviée par le champ gravitationnel des planètes.

Si l'énergie est convertible en masse, la force est convertible en mouvement et réciproquement. Soit, en effet, un observateur cahoté dans un wagon en marche et sans moyen de communiquer avec l'extérieur; il a le choix entre les deux hypothèses suivantes ou bien le train est en marche et subit des accélérations brusques; ou bien le train est immobile et des forces attractives extérieures agissent à travers les parois. Il arrivera sans doute assez vite à lever son indétermination, mais on conçoit des cas où il pourra être pratiquement impossible de distinguer entre un champ de mouvement et un champ de forces. H. Poincaré l'a fait remarquer si la terre était entourée de nuages, nous ne saurions pas qu'elle tourne et nous pourrions attribuer la force centrifuge (par exemple, la force centrifuge composée qui fait tourner le pendule de Foucault) à un champ d'origine

extérieure.

De nombreux exemples peuvent être donnés pour confirmer cette difficulté de choisir entre force et mouvement. Soit une cage d'ascenseur tombant librement dans le vide cette cage est un « espace » où il n'y a pas de pesanteur. Tenez-y votre chapeau du bout des doigts et écartez ces doigts: le chapeau reste « suspendu» entre eux (nous disons qu'il tombe avec la même vitesse que la cage); lancez-le en l'air, il monte indéfiniment (nous disons qu'il tombe moins vite que la cage). Les habitants de cet espace peuvent se croire immobiles et dire que les glissières de l'ascenseur ont une accélération constante. Il peut donc y avoir une

équivalence entre la gravitation et une accélération, d'où la loi d'Einstein: un champ de forces peut toujours être remplacé par une accélération convenablement choisie des axes coordonnés auxquels on se réfère.

Si l'on peut remplacer ainsi la totalité d'un champ de gravitation par un mouvement convenable, il est clair qu'on peut aussi bien n'en remplacer qu'une partie; mais alors le partage exact entre ce qui revient au mouvement et ce qui revient aux forces est introuvable et les lois physiques dans lesquelles il est intervenu perdent leur valeur. En particulier les forces centrifuges ne se distinguent pas des forces gravifiques.

L'assimilation peut même être poussée plus loin : dans un laboratoire en mouvement uniformément accéléré plaçons une source lumineuse et un spectroscope. La source envoie de la lumière à une vitesse déterminée et constante; le spectroscope se meut et par suite la reçoit à une vitesse uniformément variable; il en résulte une variation continue de la longueur d'onde, un peu comme le mouvement d'une locomotive (effet Doppler-Fizeau) influe sur la hauteur du son qu'elle semble émettre en sifflant. En définitive, l'accélération, ou, comme on voudra, la pesanteur, a agi sur la lumière pour la modifier.

Bref, en poussant jusqu'au bout les principes qui découlent de la relativité, on arrive à établir un vaste système synthétisant l'espace, le temps, l'énergie, la force, la masse et la lumière. Cette synthèse n'a qu'un inconvénient, elle bouleverse toutes les idées reçues, tout le sens commun accrédité par la mécanique classique.

En face de ces données deux attitudes d'esprit sont possibles. On peut prendre au pied de la lettre les

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REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES

conclusions obtenues et sacrifier délibérément les préjugés héréditaires ». Le temps n'est plus, pour un observateur en mouvement, qu'un phénomène local; il se ralentit suivant une loi qui dépend de sa vitesse. L'espace aussi se contracte longitudinalement. La masse n'est plus constante; elle n'est plus une caractéristique de la quantité de matière, elle n'est pas la même longitudinalement et transversalement, elle varie avec la vitesse et semble d'origine électromagnétique. D'ailleurs il est impossible de distinguer entre force et accélération, entre masse et énergie. Dans ces conditions deux observateurs ne peuvent jamais réaliser s'ils sont en repos ou en mouvement absolu. La notion de mouvement et de repos absolu se dérobe comme inexistante, puisque, de plusieurs corps animés de mouvements relatifs, nous pouvons en choisir un arbitrairement et lui attribuer l'état que nous avions cru exprimer par les mots de repos absolu. Une petite fille saute à la corde dans un express en marche : le train saute par rapport à elle, la terre fuit par rapport au train, le soleil par rapport à la terre, la constellation d'Hercule par rapport au soleil; cette petite fille peut sans inconvénient se dire le centre du monde. Quant à nos idées habituelles sur l'espace, le temps et la masse absolus, elles manquent de généralité, tout simplement comme la géométrie qui n'admettrait que trois dimensions. C'est en vertu d'un tel état d'esprit que l'on voit, par exemple, un savant astronome d'aujourd'hui écrire : « Rien ne s'oppose à ce que, cessant de voir dans la gravitation une force effective, nous l'envisagions comme une propriété géométrique de l'espace à quatre dimensions (la quatrième étant le temps), où nous vivons, qui deviendrait non-cuclidien au voisinage des corps attirants, et cette propriété serait de même nature que la force centrifuge dans l'espace tournant ».

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