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nous, vu sous ce jour des contrastes, semble être encore, par excellence, la religionde l'amitié. Ce sentiment se fortifie autant par les oppositions que par les ressemblances. Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s'attirer et se repousser sans cesse par quelqu'endroit : il faut qu'ils aient des génics d'une même force, mais d'un genre différent; des opinions opposées, des principes semblables; des haines et des amours diverses, mais au fond la même dose de sensibilité; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils; en un mot, de grands contrastes de caractères, et de grandes harmonies de cœur.

Cette douce chaleur, que la charité répand dans les passions vertueuses, leur donne un caractère divin. Chez les hommes de l'antiquité, l'avenir des sentimens ne passoit pas le tombeau, où il venoit faire naufrage. Deux amis, deux amans, se quittoient aux portes de la mort, et sentoient que leur séparation étoit éternelle; le comble de leur félicité se réduisoit à mêler leurs cendres ensemble: mais combien elle devoit être douloureuse, une urne qui ne contenoit que des souvenirs ! Le polythéisme avoit établi l'homme dans les régions du passé; le christianisme l'a placé dans les

champs de l'espérance. La jouissance des sentimens honnêtes sur la terre, n'est que l'avant - goût des délices dont nous serons comblés le principe de nos amitiés n'est point dans ce monde. Deux êtres qui s'aiment ici-bas sont seulement dans la route du Ciel, où ils arriveront ensemble, si la vertu les dirige. De manière que cette forte expression des poëtes, exhaler son ame dans celle de son ami, est littéralement vraie pour deux chrétiens. En quittant leurs corps, ils ne font que se dégager d'un obstacle qui s'opposoit à leur union intime, et leurs ames, en s'échappant ensemble, vont se confondre dans le sein de l'Eternel.

Tel est l'effet de la charité dans les passions vertueuses; considérons l'orgueil dans les sentimens vicieux.

Si le poëte, dans l'antiquité, étoit obligé de représenter la haine, il ne pouvoit lui supposer qu'un de ces trois motifs : ou une antipathie naturelle, ou un intérêt d'ambition ou de fortune, ou une jalousie d'amour. On voit par-là, qu'il n'étoit qu'au premier degré de la connoissance de cette passion, puisqu'il ignoroit que l'amour-propre, autrement l'orgueil, est au fond de l'antipathie naturelle, de l'ambition, de la cupidité, et de la jalousie.

Nous donc, qui savons cette grande vérité, nous expliquerons parfaitement la haine, ou tel autre vice, et nous en varierons la peinture, selon le rang, la fortune, l'âge et la nation de l'homme qui en sera attaqué.

Mais toutefois, le christianisme, en nous découvrant les bases sur lesquelles reposent les passions des hommes, n'a pas désenchanté la vie; et c'est en cela qu'il diffère essentiellement de la philosophie, qui, cherche trop à pénétrer la nature de l'homme, et à trouver le fond par-tout. La religion chrétienne n'a soulevé des plis du voile que ce qui est nécessaire pour que nous puissions voir notre route; mais sur les choses inutiles à nos fins, elle a laissé le doute et les ombres. Ainsi elle a charmé l'esprit par un rayon de lumière, sans détruire la partie poétique de l'ame, en lui ôtant le champ des découvertes et des desirs. Chaque chose a une nature qui lui est propre on ne sauroit trop analyser la pensée; il n'en est pas ainsi des sentimens : vouloir les approfondir, n'est pas preuve de savoir, mais d'ignorance; il ne faut pas toujours laisser tomber la sonde dans les abîmes du cœur les vérités qu'il contient sont du nombre de celles qui demandent le demi-jour et la perspective. C'est une

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grande imprudence que d'appliquer sans cesse son jugement à la partie sensible de son être, de porter l'esprit raisonneur dans les passions cette curiosité conduit peu-à-peu à douter de toutes les choses généreuses; elle dessèche les sentimens, et tue, pour ainsi dire, l'ame : les mystères du cœur sont comme ceux de l'an

tique Egypte, tout profane qui cherche à les découvrir, sans y être initié par la religion, est subitement frappé de mort.

CHAPITRE I I.

AMOUR PASSIONNÉ.

Didon.

CB E que nous appelons proprement amour parmi nous, est un sentiment dont la haute antiquité a ignoré jusqu'au nom. Ce n'est que dans les siècles modernes qu'on a vu se former ce mélange des sens et de l'ame, cette espèce d'amour, dont l'amitié est la partie morale. C'est encore au christianisme que l'on doit ce sentiment perfectionné; c'est Ini, qui tendant sans cesse à épurer le cœur, est parvenu à jeter de la spiritualité jusques dans le penchant qui en paroissoit le moins

susceptible. Voilà donc un nouveau moyen de situations poétiques, que cette religion si dénigrée a fourni aux auteurs même qui l'insultent; on peut voir dans une foule de romans, les beautés que cette passion demi

chrétienne a fait naître. Le caractère de Clémentine, par exemple, est un chef-d'œuvre, dont l'antiquité n'offre point de modèle. Mais pénétrons dans ce sujet, considérons d'abord l'amour passionné, nous verrons ensuite l'amour champêtre.

Cette sorte d'amour n'est ni aussi saint que la piété conjugale, ni aussi gracieux que le sentiment des bergers; mais plus poignant que l'un et l'autre, il dévaste les ames où il règne. Ne s'appuyant point 'sur la gravité du mariage, ou sur l'innocence des mœurs champêtres, et ne mêlant aucun autre prestige au sien, il est à soi-même sa propre illusion, sa propre folie, sa propre substance. Ignorée de l'artisan trop occupé, et du laboureur trop simple, cette passion n'existe que dans ces rangs de la société, où l'oisiveté nous laisse surchargés de tout le poids de notre cœur, avec son immense amour - propre, et ses éternelles inquiétudes.

Cette grande maladie de l'ame, chez les riches de la terre, se déclare avec fureur,

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