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rait la religion et la liberté. Il excita si bien le fanatisme dans Londres, que l'association protestante demanda le retrait de la loi favorable aux catholiques. Une foule immense, partagée en quatre corps avec des noeuds blancs, s'achemina vers les chambres, portant la pétition, couverte de cent vingt mille signatures. Il était facile de prévoir un tumulte : en effet, pendant la discussion de la proposition, et plus encore lorsqu'elle eut été rejetée par cent quatre-vingt-neuf voix contre six, la multitude, irritée, se mit à renverser les chapelles catholiques, puis à saccager Londres, en se déchaînant surtout contre les papistes et leurs partisans. Elle ouvrit les prisons, mit le feu sur plusieurs points, et assaillit la Bourse. Il fallut proclamer la loi martiale, et appeler des troupes. Il y eut quatre cent cinquante-huit morts et blessés, sans compter ceux qui restèrent écrasés sous les maisons qu'ils démolissaient. Lorsque le tumulte fut étouffé, Gordon, poursuivi pour crime de haute trahison, fut absous par le jury; d'autres chefs subirent un châtiment rigoureux. On calma les esprits en enlevant aux papistes le droit d'enseigner. C'est ainsi que des haines religieuses jetaient le peuple anglais dans tous les anciens excès de la tyrannie, et que le gouvernement était contraint d'y céder, quoique Fox s'écriât qu'il était honteux de se faire l'instrument des passions populaires.

L'effet de ces haines se faisait sentir davantage dans la malheureuse Irlande, comme on le verra ailleurs.

L'état prospère du pays disposait les esprits en faveur de la constitution et du roi, et les rendant plus accommodants, accrut dans le parlement l'influence de la couronne. Ce fut à ce moment que l'on songea à une réforme électorale, qui devait rendre la représentation nationale plus régulière. Pitt, bien que conservateur, la proposa; et si la Révolution française n'était venue, par les excès de la démocratie, inspirer l'effroi des innovations et donner le pouvoir aux torys, l'Angleterre aurait échappé aux longues guerres avec la France, si désastreuses pour toutes deux, et joui dès lors des avantages qu'elle n'obtint qu'en 1831.

La liberté de penser et d'écrire, permettant de tout expri

mer en politique et en religion, vulgarisait l'intelligence des intérêts communs. Cette liberté même empêchait que les idées sceptiques et subversives, que les rêves imprudemment généreux gagnassent trop de terrain; car l'attrait de la défense et de la persécution leur manquait; puis ils subissaient l'épreuve de la discussion et de la pratique, les Anglais n'étant pas dans l'habitude de croire sans examen. Les opinions n'ayant point à compter sur l'appui de la force, mais seulement sur les raisons, des adversaires énergiques se levaient pour repousser les attaques, surtout parmi le clergé, qui ne s'était pas déshonoré, comme en France, par la persécution janséniste. La vérité trouvait ainsi des armes égales, indépendamment de l'avantage dont jouit toujours une opinion ancienne. Ajoutez que l'on ne fait pas, chaque siècle, une grande révolution; et que celle dont les Anglais sortaient avait été si longue, si variée dans ses phases, et si féconde en résultats, qu'ils devaient redouter de les compromettre dans un nouveau bouleversement.

L'Angleterre ne cessait pas de cultiver sa littérature nationale, qui, de même que sa constitution, est une transaction entre des principes différents, un équilibre artificiel. Sa prédilection décidée pour le romantique et pour le Moyen Age, l'impatiente audace du génie poétique, qui franchit les limites de la vie ordinaire, avaient été tempérées par les exemples italiens et français, comme aussi par l'étude des Grees et des Latins. Il en sortit, sous la reine Anne, le siècle d'or de la littérature anglaise. Une philosophie qui se borne à l'homme, sans sonder les mystères intérieurs de la nature; le spectacle des passions, sans cesse en action à la tribune et dans les assemblées, concentrèrent l'attention sur certains points et sur des temps spéciaux : de là la patience et la force d'investigation qui s'y déploient, soit dans l'histoire, soit dans les romans, soit dans les essais.

La littérature la plus réelle de l'Angleterre se trouvait dans le parlement. Là se déployait cette éloquence d'action tout instantanée qui, s'inspirant des passions contemporaines, paraissait supérieure à tout ce qui avait précédé.

Dans un temps où la liberté de la presse était encore peu étendue, la tribune anglaise contribua à mettre en circulation

en Europe une foule d'idées politiques. Il ne faut donc pas s'étonner qu'il en soit résulté une sorte d'idolâtrie pour la constitution britannique.

Nous avons dit comment s'étaient établies les lois en Angleterre, et combien le peuple y tenait opiniâtrément à sa nationalité, au point de repousser toute innovation qui le rapprocherait des autres. Tandis que le droit britannique dictait les décisions des tribunaux, on étudiait dans les écoles le droit canonique et le droit romain, qui n'avaient aucune actualité sociale. Le dernier faisait partie de l'éducation littéraire, le premier était abandonné aux gens d'affaires : distinction nuisible, surtout dans un pays où la constitution appelle tant de citoyens à participer à la législation et aux affaires publiques. C'est à quoi voulut remédier Blakstone. Après sept années d'études opiniâtres pour débrouiller le chaos des lois de sa patrie, il entreprit un cours de droit à Oxford (1759); et la jeunesse, à qui il ouvrait un horizon tout à fait nouveau, l'accueillit avec enthousiasme. C'est alors que l'on reconnut l'utilité d'une chaire de droit national; et Blackstone, qui y fut appelé, publia ses leçons sous le titre de Commentaires sur les lois anglaises. Les Anglais y apprirent à se connaître eux-mêmes; l'admiration que l'on éprouvait déjà pour la constitution anglaise s'accrut chez les étrangers, et l'on cessa d'y voir seulement un monument formé de pratiques et de coutumes. Blackstone n'examine pas les améliorations possibles; il accepte ce qui est, montre les rapports civils et politiques tels qu'ils sont, en indique les origines et les commente, mais sans prétendre les réformer. Son livre est donc un monument d'érudition, un manuel précieux, mais non pas un essai de philosophie légale. C'est ce qu'il déclare ouvertement : « On a disputé longuement, dit-il, et sans conclure, sur l'origine des différentes formes de gouvernements; << mais tel n'est pas mon but: de quelque manière qu'ils aient commencé, quel que soit le droit en vertu duquel ils existent, il y a et il doit y avoir dans tous une autorité suprême, incontestée, absolue, dans laquelle résident les droits de la soua veraineté. »

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Quelle différence avec les idées des encyclopédistes, au

nom desquelles il fallait tout remettre en doute, tout régler, non pas d'après le fait, mais en vertu d'abstractions philosophiques!

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Louis XIV avait constitué l'unité de son gouvernement, mais sans lui donner d'autre base que la volonté arbitraire du souverain, après avoir détruit tout ce que les anciennes institutions auraient pu y apporter d'obstacles. Rien n'assurait donc cette centralisation ni contre une réaction légitime, ni contre l'action du temps, qui sapèrent ce pompeux édifice; et il en résulta une époque sans dignité, où l'intrigue et la faveur dirigèrent tout, roi, ministres, généraux, gouvernement, et où la politique changea avec les maîtresses et les confesseurs.

Louis XIV laissait un petit-fils, âgé de cinq ans et demi, sous la tutelle de Philippe, duc d'Orléans, chargé de protéger ce berceau resté au milieu de tant de cercueils. Le parlement, désireux de protester contre l'anéantissement auquel le roi défunt l'avait réduit, cassa le testament par lequel Louis XIV posait des limites à l'autorité du Régent. Caressé par ce prince, il se hâta de profiter de l'occasion d'un règne nouveau et mal assis pour recouvrer le droit de remontrances, que lui avait enlevé le grand roi. Il rappela ceux qui avaient été bannis pour opinions religieuses, et songea à rétablir aussi les protestants dans leurs droits; puis il rabaissa les princes légitimés, en les déclarant inhabiles à succéder. Le Régent, de son côté, paraissait vouloir agir en tout à l'opposé de Louis XIV. Ces actes, inspirés par la haine ou par la politique, furent applaudis par aversion pour le feu roi. C'est ainsi qu'on enseignait à la nation la désobéissance, et qu'on la rendait incrédule à l'infaillibilité des rois.

Philippe d'Orléans, né d'un père que Louis XIV avait éloigné des affaires, possédait une vaste intelligence, une bonté et une justice instinctives; il était doué, par la nature, des plus heureuses qualités pour faire le bien. Quarante années, passées sans chance probable de régner, l'avaient mis à même de connaître les hommes et les choses plus qu'il n'est donné d'ordinaire aux princes nés sur le trône. Il parlait avec grâce, avec

abondance; sa mémoire lui fournissait toujours à propos des histoires et des anecdotes qui faisaient l'agrément des conversations; juste et exact dans les choses positives, il n'avait ni prétention ni arrogance; son désir eût été plutôt de commander les armées que de gouverner l'État. Il lisait avec rapidité, et retenait ce qu'il avait lu; mais il lui était impossible de s'arrêter longtemps sur une même chose, et il avait plus d'aptitude à deviner les affaires qu'à les étudier. Malheureusement il avait été élevé par l'abbé Dubois, qui lui enseigna à considérer la morale comme un préjugé vulgaire, et la religion comme une invention humaine. Il se jeta, en haine de l'austérité de la vieille cour, dans un libertinage effronté, et il embrassa systématiquement ce que la corruption d'alors avait de pire. Entouré d'une bande de débauchés de qualité, il renouvelait avec eux tout ce que les satires de l'antiquité dévoilent de plus monstrueux. Des femmes belles et spirituelles prenaient part à des orgies où tout sentiment de religion et de piété domestique était foulé aux pieds. Là, Philippe, pour mieux oublier son rang de prince, oubliait sa dignité d'homme. Il voulait encore plus faire parade de débauches que s'y livrer; ce qui lui en faisait inventer d'extravagantes. Les jours les plus saints étaient ceux qu'il choisissait pour faire les parties les plus scandaleuses, et pour y réunir les personnes les plus diffamées. Le Régent et la duchesse de Berry, sa fille, poussèrent l'oubli de toute pudeur au point d'éveiller des soupçons d'inceste..

Dans sa manie de nouveautés, le duc d'Orléans se prit de goût pour tous les arts; il y travaillait lui-même, et faisait des collections précieuses. D'autres fois il se livrait à la chimie, dont il s'ingéniait à surprendre les secrets. Après avoir cherché à se persuader, par ses lectures et par ses discours, que Dieu n'existe pas, il lui prit fantaisie de voir le diable, et de le faire parler; et il passait des nuits entières dans des souterrains à faire des évocations; il interrogeait l'avenir dans un verre : tout cela par amour des nouveautés.

Dubois, le complice de ces excès, montait en faveur; payé à la fois par la France et par ses ennemis, il accumulait les emplois et les pensions. Cynique, méprisé, de manières repous

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