Sayfadaki görseller
PDF
ePub

nuit à l'endroit même, pour se trouver les premiers arrivés le lendemain. Law vendait jusqu'à 30,000 francs la lieue carrée de terres que personne n'avait vues; et les acheteurs y envoyaient des colons pour les défricher, en assignant à chaque famille deux cent vingt arpents. Comme il était plus commode d'avoir en poche des billets que de l'or pour négocier les actions, ils se soutinrent de préférence au numéraire. Le gouvernement n'avait autre chose à faire qu'à émettre de nouvelles actions; c'était une faveur que de les obtenir de première main, c'était de plus un moyen de se faire bien venir du pouvoir.

Le Régent et les plus grands seigneurs assistèrent à l'assemblée des actionnaires, qui reçurent, pour un seul semestre, sept et demi pour cent. Le duc d'Orléans, qui se flattait de l'idée de mettre la dette publique à la charge de la compagnie, la favorisa moins peut-être par illusion que par calcul; il ne tint aucun compte des remontrances du parlement, et nomma Law contrôleur général des finances. Il fut décidé que les billets de la banque seraient reçus comme argent comptant dans les caisses publiques; elle fut même déclarée banque royale, et il fallut bientôt la soutenir à coups d'ordonnances et de prohibitions 1. On ne garda plus de proportion entre l'émission des billets et le capital qui les garantissait : ces billets furent portés à 70, puis à 100 millions et jusqu'à un milliard. Le dividende s'éleva en 1720 à quarante pour cent, et les actions haussèrent jusqu'à la valeur de 18 et 20,000 livres.

Ce fut ainsi qu'une institution très-utile se corrompit. Ces rapports de la banque royale avec la compagnie des Indes introduisirent un agiotage effréné; le Régent voulut en faire une machine financière qui pût servir docilement à ses besoins, au lieu de lui laisser l'indépendance d'une institution commerciale. Law dut marcher d'accord avec le gouvernement dans une voie de concessions réciproques, de priviléges momentanés, d'expédients

'Law avait parcouru l'Allemagne et l'Italie, offrant le plan de sa banque à tous les gouvernements. Victor-Amédée, duc de Savoie, l'éconduisit, en lui disant : « Je ne suis pas assez puissant pour me ruiner. » (AM. R.)

ruineux, sans considérer l'avenir. La défense de faire des payements en argent au delà de 600 livres obligea tout le monde d'avoir des billets; la poste ne transporta plus de numéraire ; enfin il fut défendu d'avoir chez soi plus de 600 livres effectives, soit en or, soit en argent, les orfèvres exceptés. Ainsi une banque instituée pour activer la circulation du numéraire finit par interdire l'or et l'argent, et par altérer les monnaies. Elle devait favoriser la liberté, et chaque maison fut remplie d'espions pour dénoncer quiconque gardait de l'argent comptant; au lieu du génie de l'industrie, on n'invoqua plus que le démon de l'agiotage.

Law, qui avait proclamé que le crédit n'existe qu'à la condition d'être libre, ne cessait de solliciter des ordres pour le rendre obligatoire. Il avait trop compté sur la mode, toute-puissante en France, mais qui passe vite; il avait compté sur l'association universelle sous un gouvernement gangrené par l'égoïsme, et qui ne voyait que son propre gain où Law ne considérait que le bien public. Alors commença une série d'édits désastreux, qui ruinèrent de plus en plus le crédit. Déjà les billets avaient perdu quatre-vingt-cinq pour cent. Vingt mille familles se trouvèrent réduites à la misère pour enrichir un petit nombre de fripons; et le peuple ne pouvait se procurer du pain, les mains pleines de ces symboles menteurs d'une richesse anéantie. Ce songe si brillant était suivi d'un déplorable réveil.

Law fut destitué, et on mit des gardes près de lui pour le défendre contre la fureur populaire et protéger sa fuite. Les opinions sur lui sont encore divisées. Il se trompa en croyant que l'accroissement indéfini des espèces, qui représentent les richesses réelles, accroîtrait indéfiniment la richesse publique, et que le papier-monnaie, signe conventionnel, sans valeur hors de l'État, pourrait remplacer les espèces métalliques acceptées de toutes les nations; mais ses intentions étaient grandes et généreuses. Voici les bons côtés de sa tentative : les classes et les partis se mêlèrent sur le terrain de l'agiotage; l'inégalité de castes disparut dans l'égalité de l'imprudence et de l'avidité; la prodigieuse mobilité des fortunes détruisit l'éclat attaché aux noms aristocratiques; on prodigua à Law, plébéien étranger, les

flatteries, les adulations, comme à un roi. Ainsi se trouva diminuée la distance entre les rangs, et beaucoup de préjugés féodaux n'y survécurent pas. La richesse se détacha de la terre pour entrer dans l'industrie, au grand profit des manufactures, qui prospérèrent aussi de l'incroyable luxe des nouveaux enrichis; la propriété commença à se morceler, et les nouveaux maîtres du sol le cultivèrent avec plus d'ardeur, et avec la facilité que leur procurèrent les capitaux.

L'esprit d'entreprise profita de ce premier essai de l'association. Ces résultats se firent particulièrement sentir dans les provinces de l'intérieur de la France, où la civilisation était en retard, où l'argent était auparavant sans valeur, les produits du sol sans débouchés, le commerce nul, la perception des impôts difficile. C'étaient des fruits que le temps devait mûrir : en attendant, la dette de la France se trouvait portée à 2,400,000,000 effectifs; le mécontentement s'accrut, et la position du Régent en devint plus difficile. Il s'attacha davantage à l'alliance de l'Angleterre, au grand détriment de la marine française.

LOUIS XV.

Louis XV grandissait sous la direction sévère de l'évêque Fleury, en qui il avait mis toute son affection. Lorsqu'il eut été déclaré majeur, le duc d'Orléans quitta le pouvoir, pour se livrer tout entier aux plaisirs; Dubois garda le ministère jusqu'à sa mort. Il faut convenir que, malgré ses scandales, son administration ne fut pas sans bienfaits pour le pays. Il projeta d'établir l'égalité de l'impôt, et, sous prétexte de routes et de ponts, il s'occupa de faire mesurer et estimer les terres. Il rétablit la paix avec le saint-siége, et réussit à faire accepter en France la bulle Unigenitus. L'acharnement avec lequel il poursuivit ceux que la banque avait enrichis fit peut-être exagérer ses vices. On ne lui fit point d'oraison funèbre; mais la baisse extraordinaire des actions de la compagnie des Indes montra combien il inspirait de confiance.

Le duc d'Orléans reprit après lui le fardeau des affaires; mais lui-même inourut bientôt dans les bras de sa maîtresse, laissant

la direction de l'État au duc de Bourbon, aussi dépourvu de talents qu'avide et vindicatif, entouré de favoris et de femmes, mené surtout par madame de Prie, qui s'était donnée à lui par des motifs moins excusables que l'amour et l'ambition '.

Enfin parut un ministre plus honnête et plus désintéressé, le cardinal Fleury, de mœurs pures, maître de ses passions, religieux sans hypocrisie, économe sans grandeur, administrant le royaume comme une famille, et ménageant, comme dit SaintSimon, jusqu'aux bouts de chandelle. Ce cardinal-ministre, prudent, mais sans génie, ennemi de tout luxe, même de celui de l'esprit, ne peut être mis à côté ui de Richelieu ni de Mazarin. Son ministère peut se comparer à l'assoupissement qu'un

'L'acte le plus important de ce ministre médiocre et déprédateur fut la rupture du mariage de Louis XV avec une fille du roi d'Espagne fiancée au jeune roi, et qui avait été envoyée en France. Le duc de Bourbon, poussé par une politique capricieuse et égoïste, renvoya l'infante, et maria le prince à Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi de Pologne, qui venait d'être détrôné. (AM. R.)

2 La probité du cardinal Fleury est un fait non contestable; mais son désintéressement est au moins douteux. « Il cachait sous les appa«rences d'une vieillesse tranquille une ambition qu'une longue attente ⚫ n'avait pas refroidie. Il compromit l'éducation de Louis XV ; il s'inquié. ⚫ta peu de communiquer à son élève, qui était doué de beaucoup d'in⚫telligence, les lumières et les qualités propres au gouvernement de ⚫ l'État. Il travailla moins à former un souverain qu'un disciple qui ne • pût penser qu'avec l'assistance de son maître, qui ne pût rien voir

que par ses yeux. Il mettait toute son adresse à entretenir Louis XV ⚫ dans sa timidité et sa paresse, à l'éloigner des affaires, à ne lui lais⚫ ser voir ni ses troupes, ni ses places de guerre, ni ses provinces. - Fleury conserva toute sa vie, jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans, ⚫ cette faveur sans borne et ce pouvoir vers lequel il s'était acheminé si ⚫ doucement et si tard. Dans cette extrême vieillesse, l'ancien précepteur du roi fut un de ceux qui tendirent les premiers piéges à sa ⚫ faiblesse, et qui furent coupables des désordres où il tomba. L'ambi⚫tieux vieillard, qui voulut garder jusqu'au bout pour lui seul le gou, ⚫ vernement tout entier, prêta les mains à ses séductions, qui lui ⚫ semblaient une bonne diversion pour retenir Louis XV loin de toute ⚫ occupation sérieuse.» Am. Renée, art. Louis XV, Encycl. des Gens du monde.

médecin procure à un malade en danger, afin de réparer ses forces et de le mettre en état de soutenir une nouvelle crise. Il aimait le pouvoir comme l'avare aime l'or, sans en rechercher les avantages extérieurs et les jouissances. Il sut obtenir beaucoup avec des ressources restreintes, et conserva la paix par économie. Il diminua l'armée, et accrut cependant l'influence française. I éloigna les intrigants, quoiqu'il ne sût pas se mettre en garde contre la délation ni contre ses préventions. Enfin il tenait du courtisan, en ce qu'il ignorait la reconnaissance. Lors de la guerre où il fut entraîné pour la succession de Pologne, il acquit à la France la Lorraine, qui lui était devenue nécessaire depuis la conquête de l'Alsace, et qui mettait Paris à couvert d'une surprise.

Une autre conquête vint plus tard s'ajouter à celle-là: la France s'empara de la Corse, qui plus tard devait lui donner un maître. Les Corses avaient de tout temps subi impatiemment le joug de Gênes, et plusieurs fois ils s'étaient soulevés contre cette république. Nation sauvage et livrée à l'oisiveté, au point qu'il fallait que l'Italie et la Sardaigne lui fournissent des cultivateurs. Cet instinct de haine et de vengeance privée qui poussait les Corses à s'entre-tuer était encore plus vio

'Une partie de l'Europe prit les armes en 1734. Le roi de Pologne Auguste de Saxe étant mort, Stanislas, le beau-père de Louis XV, voulut remonter sur le trône dont il était tombé. Il obtint dans la diète la majorité des suffrages; mais il eut le sort qu'avait éprouvé dans le siècle précédent le prince de Conti, et ne se trouva pas assez fort pour faire triompher ses droits. L'Empereur et la Russie prirent parti contre lui, l'assiégèrent dans les murs de Dantzick; et la France, après quelques hésitations, fut entraînée à soutenir le beau-père de son roi. Mais sa cause était déjà perdue, et Louis XV en intervenant trop tard ne put atteindre le but pour lequel il s'était armé. Cette guerre fut glorieuse cependant, et eut pour la France, d'un autre côté, des résultats solides. (AM. R.)

Ce ne fut qu'après la guerre de la succession d'Autriche et la guerre de sept ans, et vers la fin du règne de Louis XV, que la France entreprit, sous le ministère du duc de Choiseul, de soumettre la Corse.

(AM. R.)

« ÖncekiDevam »