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veiller à la sûreté de la convention. Bonaparte fit tirer à mitraille, du haut des marches de Saint-Roch, sur les sectionnaires avec une résolution inflexible, comme s'il avait devant lui des bataillons autrichiens, et en laissa trois ou quatre cents morts ou blessés ( 13 vendémiaire). Dans cette première bataille régulière qu'elle eut à soutenir contre la révolte, la convention recouvra sa force, et n'en abusa pas.

La convention, voulant finir par la clémence, déclara que la peine de mort serait abolie à la paix générale, et qu'une amnistie proclamerait alors l'oubli du passé. Elle changea le nom de la place de la Révolution, qui fut appelée de la Concorde, et elle se sépara le 26 octobre 1795. Elle avait décrété, le 5 fructidor, que le nouveau corps législatif se composerait des deux tiers de la convention.

La convention avait eu non-seulement à fonder la liberté, mais encore à la défendre au milieu de circonstances périlleuses: elle rendit, pendant les trois ans un mois et quatre jours qu'elle siégea, onze mille deux cents décrets.

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La domination exclusive et passionnée des théories, ainsi que le fanatisme antireligieux commencaient à tomber; le sentiment de la réalité, de la vie pratique, reprenait son empire; on renonçait enfin à appliquer le Contrat social, pour essayer de fonder un système politique qui tient compte du temps et des faits. La nouvelle constitution était une espèce d'accord entre l'élection populaire et l'unité. Le génie classique s'y déployait pompeusement dans les costumes romains, dans les chaises curules, dans la prétexte, dans la pourpre, dans la main de justice. Les églises de Paris se convertirent en temples du Génie, de la Concorde, de l'Agriculture, de la Reconnaissance : véritable religion de programme.

A la tête de l'État se trouvèrent placés des légistes et des philosophes, à qui l'armée portait ombrage: Rewbell, avocat alsacien, organe des hommes médiocres et envieux; LarevellièreLépeaux, avocat angevin, qui, penchant vers les girondins,

en

réprouvait, au nom de la loi naturelle, les institutions politiques et religieuses; le vicomte de Barras, Provençal, homme d'action qui avait servi la convention dans des circonstances difficiles; Carnot, qui déploya alors une modération inattendue, quoi il fut secondé par Letourneur, patriote estimé. Sieyes, ré-puté le grand penseur du temps, mais inhabile dans la pratique, avait refusé. Les directeurs étaient pris dans les diverses factions, tous régicides, pour rassurer contre une restauration qu'on redoutait; ils jurèrent haine à la monarchie, et instituèrent une fête au 21 janvier, jour anniversaire de la mort de Louis XVI.

La Révolution ayant abattu les sommités, aucun de ces directeurs n'avait le génie nécessaire pour ramener l'ordre au dedans, pour assurer les succès au dehors. Soixante journaux, presque tous hostiles au gouvernement, tenaient lieu de tribune; les vétérans de la littérature y rompaient des lances, sans intelligence du dedans ni du dehors. Pichegru trahissait; la Vendée se relevait; tous les partis méditaient leur réaction. La compassion donnait à l'aristocratie écrasée un lustre qui lui : avait manqué dans ses beaux jours. Elle n'était pas entièrement detruite, et dans différentes provinces, comme le Bourbonnais, la Limagne, la Guienne, le Poitou, la Bretagne, le peuple, qui aimait les seigneurs, avait respecté leurs châteaux : ceux qui n'avaient point émigré conservaient leurs propriétés; mais de vainqueurs, devenus vaincus, ils étaient surveillés par les acquéreurs de biens nationaux. Deux sortes de propriétaires etaient donc en lutte, de même que deux clergés. L'un d'eux, assermenté, prétendait, avec Grégoire, être la véritable Église, et conserver la religion; mais le peuple n'avait point foi en lui; et si les autels de la Raison étaient très-peu fréquentés, ceux que desservaient les prêtres assermentés restaient déserts. Ces derniers haïssaient donc les prêtres réfractaires, sanctifiés par la persécution, qui se cachaient pour officier dans quelque lieu isolé, où parfois survenaient les soldats, qui brisaient les calices et les ornements. Le Directoire les poursuivit avec plus d'acharnement encore.

Le reste de la faction des jacobins voyait avec dépit se re

soudre en simples réformes ce renouvellement intégral qu'ils avaient espéré voir se réaliser dans le système social. Rousseau faisait reposer la société sur un pacte, qu'elle pouvait toujours changer à son gré. Mirabeau et les premiers législateurs en avaient conclu que la propriété étant une pure invention sociale, sans base dans la nature même, la société avait un droit illimité sur elle. Robespierre voulut faire supprimer le droit de tester, et rendre la propriété viagère; il demanda l'impôt progressif, la taxe des pauvres, et le droit au travail. Toutes ces questions sociales s'agitaient déjà sous la terreur. Un commissaire écrivait de Saint-Malo à Robespierre : « Partout j'invite les sociétés populaires à se défier des négociants, des élégants, des riches, genre d'aristocratie qui a remplacé celle des nobles et des prêtres. Partout je m'applique à rehausser le peuple, à montrer que la Révolution est faite pour lui. Le même écrivait à Saint-Just : << Bordeaux est le centre du négociantisme et de l'égoïsme. Là où il y a beaucoup de négociants, il y a beaucoup de fripons; et la liberté, qui a pour base la vertu, ne peut s'établir. » Un autre écrivait encore à Robespierre, au commencement de 1794: « Il faut tuer l'aristocratie mercantile, comme on a tué celle des prêtres et des nobles. La nation seule, au moyen d'un comité de subsistance et de commerce, doit se charger de tout le négoce. »

Ainsi les idées communistes qui travaillent en ce moment l'Europe s'étaient montrées au temps de la terreur; elles étaient tombées avec les jacobins, mais elles trouvèrent un nouvel apôtre dans Gracchus Babeuf, qui après l'amnistie fonda, avec le Florentin Buonarrotti et d'autres, qu'il avait connus dans les prisons, la société du Panthéon, ou des Égaux. Il prêchait la communauté absolue des biens, « l'égalité, premier vœu de la nature, premier besoin de l'homme, nœud principal de toute association légitime. » La Révolution, selon lui, n'avait fait qu'en devancer une autre bien plus grandiose et plus solennelle, qui serait la dernière... Plus de propriété individuelle des terres, dont

Buonarrotti, qui fut ensuite l'un des chefs des carbonari, et vécut jusqu'à un âge très-avancé, a exposé la théorie de Babeuf.

les fruits appartiennent à tous! Assez longtemps moins d'un million d'individus a disposé de ce qui appartient à vingt millions de leurs semblables. Plus de ces odieuses distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et d'esclaves, de gouvernants et de gouvernés ! Voici le moment de fonder la république des égaux, grand hospice ouvert à tous. Familles gémissantes, venez vous asseoir à la table commune, servie par la nature à tous ses enfants! Peuple français, reconnais et proclame la république des Égaux ! »

Ainsi Babeuf et ses adeptes voulaient réduire la vie à la simplicité primitive; il ne devait plus y avoir ni cités, ni luxe, ni tribune, ni chaire; il suffisait d'enseigner au peuple à servir et à défendre la patrie. Ils n'admettaient aucune supériorité intellectuelle ou morale, et ils entendaient que la presse se renfermât dans les principes proclamés par la société.

Afin de réaliser ce paradis, ils ourdirent une conspiration qui avait pour but d'égorger les directeurs, de proclamer la liberté, l'égalité, la constitution de 1793, la félicité universelle : ils appuyaient le tout de larges promesses en fait de subsistances, appât puissant sur un peuple affamé; mais la conjuration ayant été découverte, ils furent arrêtés, et envoyés au supplice. Cet acte de vigueur consolida le Directoire, qui rencontra pendant quelque temps une docilité sans bornes.

La multitude sentait le besoin de la paix. Les bourgeois, qui avaient fait la Révolution, avaient été un moment opprimés par les prolétaires; mais, ayant repris le dessus, ils craignaient le retour de la terreur, le renversement de toutes les idées d'économie, d'industrie, de commerce, et observaient d'un œil attentif le parti qui avait succombé. Les gens subitement enrichis, et ceux qui avaient échappé au danger, aspiraient à jouir. Les munitionnaires, véritable puissance de l'époque, s'engraissaient rapidement des misères de l'armée. L'agiotage ramenait le temps de Law, et l'argent, gagné à la hâte, se dépensait avec rapidité. On vit donc renaître les plaisirs et l'enjouement de la vie parisienne, en même temps que les imitations classiques. Les femmes, vêtues avec la simplicité de la statuaire et toute l'immodestie grecque, employaient la séduction pour faire réussir la

clémence. On revenait aux grandes réunions, au luxe, aux solennités pompeuses. Comme chaque phase de la Révolution avait vu le règne de quelques femmes, ce fut le tour alors de madame de Staël, fille de Necker, et femme du ministre de Suède à Paris. Elle avait acquis dans sa famille la connaissance des affaires. Initiée, pendant son exil, à la littérature romantique de l'Allemagne, elle se distinguait des gens de lettres du dixhuitième siècle et de leurs habitudes académiques. Rentrée en France, elle réunit dans ses salons tout ce qu'il y avait alors de plus distingué : là, elle mettait en discussion les questions politiques à l'ordre du jour, et voulait bien la république, mais à condition que ses amis en seraient les chefs.

L'agriculture aussi commençait à se ranimer les paysans avaient amélioré leur position; les propriétaires vivaient avec économie, et réparaient leurs pertes en vendant les matériaux des châteaux qu'ils démolissaient, ou les arbres des champs qu'ils avaient achetés de la nation.

Lorsque les directeurs s'installèrent au Luxembourg, il fallut que le concierge leur prêtât une table et un cahier de papier. Il n'y avait pas un sou dans les coffres, et les vingt milliards d'assignats s'accrurent peu à peu jusqu'à quarante-cinq. Les approvisionnements de Paris n'étaient pas assurés; personne ne voulait plus servir le gouvernement; le service de la poste était interrompu. Il n'y avait plus d'argent, et le papier perdait à tel point, que l'on échangeait vingt-huit mille francs d'assignats contre un louis en numéraire. Un repas de huit personnes coûtait soixante mille francs en papier. Les acquisitions se faisaient souvent par échanges, et l'on voyait circuler les meubles, les joyaux, les médailles, les tableaux. Le gouvernement décréta un emprunt forcé de six cent millions. On eut recours à des mesures ignorantes, par cela même vexatoires et infructueuses. Puis on en vint à la banqueroute la plus énorme, en réduisant les assignats à la valeur réelle qu'ils avaient en ce moment.

Dans les deux conseils, l'opposition, qui considérait la Révolution comme un état transitoire, allait gagnant du terrain, et les opinions inclinaient peu à peu vers la monarchie. Au dehors, les émigrés étaient accueillis ou repoussés, selon les craintes

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