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lui fournissaient ses collaborateurs officiels. Il voulut introduire avec l'indépendance une philanthropie nouvelle, qui n'était ni l'ancienne charité chrétienne ni le nouvel égoïsme, si bien qu'il déplut aux uns et aux autres. Aucun auteur, dit M. de Barante, n'avait jusqu'alors manqué à ce point de raison dans les idées et de mesure dans leur expression. Délirant dans ses opinions et ridiculement emphatique dans ses termes, Raynal fait pompe de principes opposés au bon ordre, dans quelque société que ce soit. Cependant, lorsque la Révolution arriva, il en désapprouva les excès; car les illusions que l'auteur nourrissait dans son cabinet cédèrent vite aux rudes leçons de l'expérience.

L'école historique anglaise suivit, en partie, le mot d'ordre de la philosophie française. Robertson (1721-1793), excellent homme, dévoué à tous les devoirs de la famille, prêchait des gens convaincus; se bornant à exposer une bonne morale, il siguale les maux qui désolaient le monde à la naissance du christianisme, et les remèdes salutaires qu'il y apporta: ses opinions sont conformes au gouvernement de son pays, et son style est celui des écrivains de son temps. Mais ce judicieux esprit nous paraît trop calme dans le récit de l'une des périodes les plus agitées de l'Europe, l'Histoire de Charles-Quint; il est trop impassible pour bien comprendre le choc animé des passions et des partis. Quoiqu'il n'ait pas le rire sardonique de l'école voltairienne, il en a la froideur; et ses réflexions, suggérées par le temps où il écrivait, sont en désaccord avec l'esprit des événements qu'il raconte. En traitant un sujet très-heureux, il analyse, décom

'Le plus laborieux parmi eux fut Pechmeja, que nous ne citons que pour rappeler son amitié pour le médecin Dubreuil. On disait à Fechmeja : Vous n'éles pas riche. — Non, répondait-il, mais Dubreuil l'est. Ce dernier, atteint d'une maladie grave, fait appeler Pechmeja, et lui dit: Ami, mon mal est contagieux, je ne puis permettre qu'à toi de m'assister; fais retirer tout le monde. Il ne tarda pas à mourir, et Pechmeja ne lui survécut que peu de jours.

* Il dit en parlant de Voltaire : « Il m'indiqua, non-seulement les faits sur lesquels il importait que je m'arrêtasse, mais encore les conséquences qu'il fallait en tirer. »

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pose, dessine partie par partie, sans vigueur synthétique pour saisir l'ensemble, comme sans imagination pour donner de la vie à ce qui ne lui est pas offert par la sensation. A force de chercher la vérité avec ostentation, il perd le sentiment; et, après l'avoir lu, on ne connaît pas, ou, ce qui est pire, on connaît mal Charles-Quint, Léon X, et surtout Luther.

L'Histoire d'Amérique était une partie intégrante de celle de Charles-Quint; mais il la considéra comme un épisode, et, le trouvant trop long, il en fit un ouvrage à part. Encore ne crut-il pas bon de faire entrer, dans le cadre académique qu'il avait emprunté, tout ce que cette histoire avait de saillant et de particulier, c'est-à-dire les traits caractéristiques de la barbarie ou de la conquête; aussi les relégua-t-il dans les notes.

Les mêmes défauts reviennent chez Hume (1717-1776), Écossais comme Robertson; mal vu dans sa patrie pour le scepticisme dont il s'était fait un système, il alla chercher en France des leçons et des applaudissements. Il fit de l'histoire philosophi que en sacrifiant tout aux idées en vogue, la vérité et l'amour de la liberté à l'envie de se faire applaudir. Il ne comprit rien au développement lent et laborieux de la constitution de son pays, et la crut accomplie et parfaite dès son origine. Il se plaît à assigner aux événements de petites causes; il ne souffre ni ne jouit avec l'humanité. Méprisant la religion, il ne comprend pas ce qu'elle a d'influence sur la société et sur les révolutions, ni l'appui qu'elle prête aux libertés politiques. Il n'approfondit point le mouvement historique de son pays; et quatorze volumes de la correspondance de Jacques II, ainsi que les relations des ambassadeurs français à Londres, lui ayant été offerts à Paris, il ne les crut pas dignes d'examen. Quand on a si peu le sentiment du devoir de l'historien, on ne fait que des généralités, on ne consolide que des préjugés. Rhéteur perpétuel, il n'a jamais de chaleur pour conserver l'impression vraie d'un

1 << Hume avait tant de haine pour la religion, qu'il haït la liberté pour avoir été l'alliée de la religion, et soutint la cause de la tyrannie avec toute l'habileté d'un avocat, en affectant l'impartialité d'un juge.» MACAULAY, sur Milton.

frit ou d'une idée. Il n'est pas jusqu'à la langue où il n'introduise des tours et des expressions françaises.

Gibbon est de beaucoup au-dessus des précédents historiens. Tout jeune encore, la lecture des Variations de Bossuet le rendit catholique. Son père mécontent l'envoya à Lausanne, où, peu disposé au martyre, il se soumit, et revint à sa première foi. Élu au parlement à l'époque de l'insurrection américaine, il ne se sentit pas ébranlé par ces grands débats où s'agitait la cause de l'humanité; et, sans jamais prononcer un mot, il vota avec le ministère, « silencieux sur son banc, sain et sauf, mais sans gloire, » et ne considérant ces discussions que comme - des distractions d'affaires interposées aux études. »

Gibbon est idolâtre de la force et de l'autorité; Rome l'instire comme elle avait inspiré Polybe et Villani: mais il ne voit que Rome païenne; et, « le 15 octobre 1764, rêvant qu'il était assis sur les ruines du Capitole, à l'heure où les franciscains déchaux chantaient vêpres dans le temple de Jupiter, il eut tout a coup la pensée de décrire la décadence et la chute de cette cité. Voilà son inspiration et son défaut. Rien ne lui paraît grand que Rome, et même que Rome impériale. Le christianisme, qui bouleversait cette organisation admirable, rébellion; le martyre, qui devait en révéler le despotisme sanguinaire, mensonge; les Pères, qui prêchent une morale et des dogmes différents, folie; les Germains, qui osent, avec leur sauvage liberté, se ruer sur ce bel ordre tyrannique, où la nation n'avait qu'à se soumettre, corps et âme, aux ordres impériaux et à l'édit du préteur, les Germains sont des barbares. En conséquence, il ne fait aucun cas de tout ce qui est moderne, du parlement de sa patrie comme des capucins de Rome, de saint Athanase comme de Scanderbeg, des ariens comme des concitoyens de Washington. Sa critique frivole et railleuse ne croit ni à la générosité ni à la liberté; et il se met toujours du côté de celui qui persécute. Il ne déploie la fastueuse élégance de son style que pour décrire les triomphes de la force brutale.

Bien supérieur en savoir aux encyclopédistes, ce fut pour sacrifier à la mode du temps qu'il se fit leur disciple, lui qui pouvait s'ériger en maître et en censeur; il immola son propre

génie sur l'autel de la raillerie et de l'incrédulité. Si l'on considère l'immense érudition de cet auteur, l'art avec lequel il puise aux sources les plus diverses, sa patience à compulser des volumes qui lasseraient des bénédictins; si on compare tout cela au malheureux résultat qu'il en a tiré, on reconnaîtra combien la matière est stérile, lorsqu'elle est dénuée de l'esprit et de l'enthousiasme '.

Nous trouvons, dans les Memoirs of the life of sir S. Romilly (1841), une lettre de Mirabeau, du 15 mars 1785, où il juge Gibbon comme on nous a reproché de l'avoir fait sept ans avant la publication de cette lettre.

« J'ai lu l'élégante Histoire de M. Gibbon, et cela me suffit. Je dis son élégante et non pas son estimable Histoire, et voici pourquoi : jamais, à mon avis, la philosophie n'a mieux rassemblé les lumières que l'érudition peut donner sur les temps anciens, et ne les a disposées dans un ordre plus heureux et plus facile. Mais, soit que M. Gibbon ait été séduit, ou qu'il ait voulu le paraître, par la grandeur de l'empire romain, par le nombre de ses légions, par la magnificence de ses chemins et de ses cités, il a tracé un tableau odieusement faux de la félicité de cet empire, qui écrasait le monde et ne le rendait pas heureux. Ce tableau même, il l'a pris dans Gravina, au livre de Imperio romano. Gravina mérite de l'indulgence, parce qu'il était excusé par une de ces grandes idées dont le génie surtout est si facilement la dupe. Comme Leibniz, il était occupé du projet d'un empire universel, formé de la réunion de tous les peuples de l'Europe sous les mêmes lois et la même puissance, et il cherchait un exemple de cette monarchie universelle dans ce qu'avait été l'empire romain depuis Auguste. M. Gibbon peut nous dire qu'il a eu la même idée; mais encore lui répondrais-je qu'il écrivait une histoire, et qu'il ne faisait pas un système. D'ailleurs cela n'expliquerait point et surtout n'excuserait pas l'esprit général de son ouvrage, où se montrent à chaque instant l'amour et l'estime des richesses, le goût des voluptés, l'ignorance des vraies passions de l'homme, l'incrédulité surtout pour les vertus républicaines............. Je me suis toujours étonné que M. Gibbon fût Anglais. A chaque instant j'étais tenté de m'adresser à lui, et de lui dire l'ous, un Anglais! Non, vous ne l'étes point. Cette admiration pour un empire de plus de deux cen millions d'hommes, où il n'y a pas un seul homme qui ait le droit de se dire libre; celle philosophie ef féminée qui donne plus d'éloges au luxe et aux plaisirs qu'aux vertus; ce style toujours élégant et

Ses Mémoires montrent parfois qu'il aurait été capable de cet enthousiasme, s'il n'eût été entraîné par le courant, ou par la peur des philosophes, qui tenaient dans leurs mains sa renommée. Il écrivait : « A Lausanne, la nuit du 27 juin 1787, entre ⚫ onze heures et minuit, j'ai fini la dernière page de mon travail « dans un pavillon de mon jardin. Après avoir déposé la plume, • je parcourus deux ou trois fois une allée couverte d'acacias, • d'où l'on domine les champs, le lac, les montagnes; l'air était doux, le ciel serein; le disque argenté de la lune se reflétait ⚫ dans les eaux; la nature entière se taisait. Je ne dissimulerai « pas une première émotion de joie dans un moment qui me ⚫ rendait ma liberté, et devait peut-être établir ma réputation; ⚫ mais mon orgueil fut bientôt rabaissé, et une humble mélan⚫ colie s'empara de mon cœur en songeant que je prenais congé ⚫ de l'ancien et cher compagnon de ma vie, et que, si longue ⚫ que dût être la durée de mon ouvrage, les jours de l'historien ⚫ seraient désormais bien courts et bien précaires. »

Les autres écrivains de la même coterie recouraient aussi à l'histoire pour y trouver des armes contre la révélation, contre les gouvernements, et la faisaient dépositaire de leurs haines. Voltaire avait enseigné à affirmer sans examen: Mentez hardiment; il en restera toujours quelque chose. Il en resta, en effet, beaucoup; et les défenseurs de la vérité s'entendent encore jeter à la face les traits effrontés qu'il lançait chaque jour contre la Bible, contre la foi, contre l'antiquité 1. Uniquement

jamais énergique, annoncent tout au plus l'esclave d'un électeur de Hanovre. »

La Par les traditions des prophètes, et avant eux des patriarches, notre religion remonte à la naissance de la société. Cette antiquité est bien imposante : il faut absolument la discréditer, bafouer son berceau, ebranler ses colonnes, les livres de la Bible. Ayant rendu risibles les graves patriarches, convaincu Moïse d'ignorance et de cruauté, conspué la Genèse, ce sera pur divertissement de turlupiner les prophètes, d'affirmer que leur mission était un métier, que l'on s'y exerçait comme à tout autre art; qu'un prophète, à proprement parler, était un visionnaire qui assemblait le peuple et lui débilait ses rêveries; que c'était la plus vile espèce d'hommes qu'il y eût chez les Juifs : qu'ils ressemblaient

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