Sayfadaki görseller
PDF
ePub

frappé des phénomènes, comme peut l'être un sensualiste, il ne voit que mobilité et caprice dans la marche du monde; il soumet tout à de petites causes, et fait la satire de la Providence: il serait difficile d'énumérer ses erreurs historiques. Pour lui les Égyptiens sont de misérables maçons, alors que leurs merveilleux édifices commençaient à s'élever; pour lui, qui nie l'antiquité de la Bible, le plus ancien des livres sacrés est l'Ézour-Védam, catéchisme composé en indien par un jésuite; le Zend-Avesta rivalise d'antiquité avec ce livre; de même le Sadder, qu'il prit pour le nom d'un auteur, tandis que c'est un commentaire fait il y a trois cents ans ; pour lui, si hostile envers la foi de son pays, le Christ fut condamné justement, parce que celui qui s'élève contre la religion de sa patrie mérite la mort; pour lui, qui reproche à l'inquisition ses bûchers, toute tolé

exactement à ces charlatans qui amusent le peuple sur les places des grandes villes. Arrivés à ce point, il nous sera facile de montrer qu'un homme adroit, entreprenant, ayant acquis dans ses voyages des notions de physique, de jonglerie, même de magnétisme, choisit, pour exploiter la crédulité publique, une contrée lointaine, une population ignare, séparée de la civilisation romaine par son langage et ses mœurs, entichée d'une attente superstitieuse; que, s'appliquant quelques passages des visionnaires juifs nommés prophètes, il réussit à tromper la foule, à passer pour le Messie, ce qui signifie un envoyé, un homme chargé d'une mission. Les rieurs mis de notre bord, il y aura beau jeu à houspiller les bons apôtres, les douze faquins, surtout les écrivailleurs Marc, Jean, Luc, Matthieu; à éplucher leur Évangile, et à lui donner des nasardes. En toute assurance, nous pourrions insinuer que le culte chrétien, comme tous les autres, est l'œuvre plus ou moins imparfaite des hommes, passionnés, menteurs, aveugles; que s'il était de Dieu, naturellement il élèverait la dignité morale au-dessus des craintes superstitieuses de la conscience; mais qu'en réalité, au lieu d'être fait à l'image de Dieu, l'homme a plutôt fait Dieu à sa propre ressemblance, le gratifiant des défauts et des vices dont il fourmille lui-même. Quand on aura répété toutes ces choses, notre temps sera venu. Mais comme seul, parmi toutes les religions, le christianisme offre une suite imposante de récits et de faits, c'est cette succession continue qu'il faut rompre, c'est cette antiquité vénérable qu'il importe de démolir. » VOLTAIRE, Bible expliquée, Esprit du judaisme,

rence envers les vaincus est une lâcheté. Il cite à faux; il répond à un raisonnement qu'on lui oppose, à une erreur qu'on lui signale, par une argutie ou par une invective. Pinto, Juif de Bordeaux, se plaint des insultes continuelles qu'il lançait contre sa nation Voltaire convient qu'il a raison, et n'en poursuit pas moins le cours de ses injures.

Ce fut alors que l'abbé Guénée, successeur de Rollin, bon écrivain, versé dans la connaissance des langues anciennes et modernes, et qui avait traduit de l'anglais plusieurs apologistes, entreprit de combattre ce génie moqueur à l'aide de l'érudition, sans négliger l'esprit et le goût'. Par égard pour ce siècle intolérant, il n'ose manifester ouvertement ses croyances; mais il développe fort bien la législation mosaïque, et met en évidence les beautés poétiques des Livres saints. Rude jouteur, il se sert contre Voltaire de son arme habituelle, l'ironie; et avec une admirable flexibilité de ton et de formes, avec une modéra tion accablante, il lui signale des milliers d'erreurs et d'ignorances inexcusables, son intolérance surtout, pire que celle d'un inquisiteur. Voltaire ne lui répondit que par des moqueuses trivialités : au milieu de ses escarmouches d'esprit, il se donna des airs de triomphe, sans se laver d'un seul reproche, ni réfuter un seul raisonnement. Le siècle n'en continua pas moins de lire celui qui s'était fait son flatteur.

C'est que le siècle avait la manie de tout savoir sans avoir rien appris, et de parler des sciences, dont il savait à peine les elements. On eut donc aussi recours aux sciences pour combattre les croyances. Descartes avait régné en France jusqu'au jour où la gloire de Newton y fut proclamée par Maupertuis. Prétendant se poser entre les matérialistes et ceux qui voient partout les causes finales, Maupertuis soutient que la ruatière est capable de penser, mais pourtant que Dieu existe.

1 Lettres de quelques Juifs allemands, portuguis et polonais, à M. de Voltaire.

* Voltaire écrivait à d'Alembert : « Le secrétaire juif... est malın comme un singe; il vous mord de sang-froid, en feignant de vous embrasser. »8 decembre 1776 }

Le système de la nature le prouve, selon lui, dans son ensemble, tandis qu'il ne le pourrait faire dans ses détails. Après avoir réfuté plusieurs démonstrations de l'existence de Dieu, il prétend la faire reposer sur la loi d'économie, en vertu de laquelle la nature emploie toujours, pour atteindre son but, la moindre quantité de force, ce qui exclut l'idée du hasard; supposition fausse, dont la conséquence n'est pas nécessaire.

Maupertuis, du reste, était très-loin de la vivacité avec laquelle Voltaire exposa les nouvelles théories, en marchant sur ses traces; aussi est-ce à ce dernier que l'on attribua le mérite d'avoir fait connaître le premier le philosophe anglais. Mais tandis que Newton admirait le Créateur dans ses œuvres, Voltaire, homme de lutte, faisant arme de tout, partit de l'attraction pour déclarer qu'un Dieu était superflu, ou pour le considérer comme identique avec le monde, et pour supposer la matière éternelle, capable de penser et de vouloir. Il fouilla de même dans les récits des missionnaires pour parler de la Chine et de l'Inde; il voulut montrer dans la première le type d'une société bien ordonnée, et une chronologie qui démentît la Bible; dans les poëtes indiens, une morale plus pure que celle de Moïse et antérieure à sa loi, une série de siècles écoulés avant l'époque adamite: choses qu'il débitait avec d'autant plus de confiance qu'elles étaient moins généralement connues.

Buffon ne nie pas Dieu; mais il place son trône dans des profondeurs infinies. Cette nature, « système de lois établies par le Créateur pour l'existence des choses et pour la succession des êtres,» lui semblait se révéler assez par les deux phénomènes de la conservation et de la reproduction. Après avoir à peu près réduit les lois générales et nécessaires à ces deux-là, il laisse Dieu « exercer, du sein de son repos, les deux pouvoirs extrêmes de créer et de détruire, tandis que l'homme reste sous la main de la nature, dans laquelle consiste le bien et la convenance, à la condition que l'homme y concoure et s'y coordonne, en réagissant contre l'excès des forces motrices. » On conçoit combien dut plaire un roman qui substituait au bras de Dieu le choc indiscret d'une planète, pour créer ce bel ordre du monde. (1736-1793.) Bailly adopta la partie la plus faible de Buffon,

c'est-à-dire les hypothèses, le refroidissement progressif de la terre, la température élevée des pays septentrionaux; et pour rivaliser avec Voltaire, qui faisait dériver toute sagesse des brahmines, il alla en chercher l'origine dans une Atlantide, où l'homme se serait élevé de la condition de brute à l'état d'être raisonnable; puis, dispersé sur la terre lorsque cette île fut engloutie, il aurait porté sur tous les points du globe quelques parcelles des connaissances primitives.

(1753-1820.) Volney lança des blasphèmes lyriques du fond des ruines de l'Orient, qu'il interrogea pour y chercher ce « juste equilibre de force et de sensibilité qui constitue la sagesse ; » et il leur demanda des témoignages d'une antiquité en opposition avec les traditions bibliques.

(1742-1809.) Dupuis crut « qu'il ne suffit pas d'analyser les fables sacrées, mais qu'il faut examiner le culte en lui-même. Le mal que les religions ont fait à la terre est infini ; une histoire philosophique des cultes et des cérémonies religieuses, du pouvoir sacerdotal sur les différentes sociétés, serait le tableau le plus epouvantable que l'homme pût avoir de ses malheurs et de son delire. En conséquence, il fait un pêle-mêle de l'astronomie et de l'érudition, pour rechercher l'origine des cultes dans les phases des astres, converties en légendes de héros. En conséquence, l'Ancien et le Nouveau Testament ne sont pour lui que des légendes calendaires, la religion qu'une imposture; et il en conclut que « l'homme, pour prendre son rang naturel, devrait se placer dans la classe des animaux, aux besoins desquels la nature pourvoit par des lois généreuses et invariables. » Laissezle aller, et bientôt il condamnera Robespierre, parce qu'il « voulut un Être suprême et des autels; parce que, dans ses derniers discours, il déclama contre la philosophie, et sentit le besoin de se rattacher à une religion'.

(1757-1808.) Le médecin Cabanis, tout occupé de lever les barrières qui séparent la médecine de la philosophie, prétendit réunir et confondre l'ordre matériel et l'ordre spirituel, expliquer l'imagination et l'esprit sans Dieu, et, dans les Rapports du

Abrégé de l'origine de tous les culles, c. 10.

physique et du moral, il montre que le tempérament, les maladies, la nourriture, décident de la vertu, du génie, ou de leurs contraires.

Bien d'autres cimentèrent cette alliance des lettres avec les sciences pour combattre la Divinité. Paris voulait des divertissements, de la variété, des sujets de conversation, et en même temps de la culture intellectuelle, mais à condition de l'acquérir à peu de frais. Les questions abstraites relatives à la nature de l'homme, aux mystères de la vie et du monde, réclament du temps, du sérieux, de la conscience. Les grands écrivains du siècle précédent, comme Pascal, Malebranche, Descartes, Huet, semblèrent des pédants tout hérissés de latin, qu'il fallait laisser au rebut comme les costumes de leur siècle. On voulait une philosophie commode qui expliquât tout, qui réunît tout, et qui n'exigeât aucun travail.

Condillac satisfit à ce besoin; et en adoptant la doctrine de Locke, qu'il appauvrit, il réduisit toute la philosophie à la sensation. Se rappeler, imaginer, c'est sentir. Galilée vit que la terre tournait; Kepler vit l'harmonie des astres. La métaphysique, dont l'ambition est de découvrir la nature des êtres qui échappent à nos sens, est une folie; toucher, voir, expérimenter, voilà en quoi consiste la philosophie. Condillac n'admet pas seulement que les connaissances s'acquièrent uniquement à l'aide des sens; il rejette aussi cette faible part que Locke avait faite à la spiritualité, en nommant l'attention. Locke avait supposé une table rase; Condillac ennoblit l'idée anglaise, et il en fait une statue on lui présente une rose, elle en sent l'odeur, elle l'aperçoit, puis elle se rappelle cette impression, la désire de nouveau, distingue cette impression, se plaint d'en être privée, et connaît la succession, le temps, le possible, l'impossible. Du parfum d'une rose, voilà que notre statue arrive aux théorèmes de l'astronomie.

C'était là un joli petit roman pour faire comprendre la succession des idées à une infante d'Espagne ou à quelque femmelette, qui ne réfléchit pas que, pour sentir, cette statue devait avoir certaine chose que n'ont pas les statues; qu'il l'appelle âme ou esprit, il faudrait que notre philosophe nous l'expli

« ÖncekiDevam »