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nité vendue en blanc pour les méfaits à commettre. La Levantine, qui osa se soulever (1755), en fut punie par des exécutions sévères et par la perte de ses priviléges. Dans la Valteline, tout délit pouvait être racheté à prix d'argent, sauf le meurtre qualifié. Mais comme les procès rapportaient beaucoup, les podestats, ne trouvant pas suffisant de découvrir les délits, s'arrangeaient pour en faire commettre: ils s'entendaient avec de malheureuses créatures pour séduire quelque galant, et l'accuser ensuite; ils excitaient des soulèvements, qui donnaient prétexte à des confiscations '.

Le pays était donc rempli de mécontents; il n'y avait aucun esprit public, aucune grandeur d'intentions, aucun patriotisme. On considérait comme étranger non-seulement quiconque vivait en dehors des limites du canton, mais le paysan lui-même, et une portion des habitants de la ville.

Voici de quelles couleurs Zimmermann a peint les petites cités aristocratiques de la Suisse : « Les têtes y sont souvent aussi vides que les rues... Un horrible ennui est le partage de tous les gens de condition, qui croient leur compagnie trop honorable pour les bourgeois... Dans aucun lieu une tyrannie plus odicuse ne pèse sur l'esprit que dans ces petites républiques, où non-seulement un citoyen s'érige en maître sur ses concitoyens, mais où l'horizon intellectuel même de ce misé rable despote devient celui de toute la ville. Le tout-puissant et prétentieux magistrat tranche du dictateur envers tous, envers sa cité. Dans sa bicoque, c'est le plus grand homme du monde. Le citoyen honnête se présente avec crainte et tout tremblant devant cette redoutable majesté, parce qu'elle pourrait lui nuire dans le premier procès. La colère d'un sénateur est plus terrible que la foudre, attendu que celle-ci frappe et passe, tandis que l'autre reste toujours. Les femmes des conseillers se gonflent, affectent la gravité, gouvernent, or

comme

'On peut consulter le livre IX de l'Histoire du diocèse de Cóme, par M. César Cantu, où se trouve rapportée une lettre de Bonstetten, encore vivant alors, dans laquelle il retrace d'une manière pittoresque la tyrannie de ces baillis.

donnent, blâment, injurient à tort et à travers. De leurs bonnes grâces ou de leur défaveur dépendent la réputation, le crédit, le bonheur... Les mots leur manquent pour exprimer leur dédain pour celui qu'on leur montre du doigt comme ayant fait un livre... Le jeune homme qui aspire à la gloire n'est encouragé, connu, compris dans aucun cercle; on le considère comme un fou, un extravagant qui, au lieu de chercher à se rendre agréable aux grands de son pays, de vivre comme tout le monde, aime mieux lire et griffonner chez lui... Lors donc qu'il voit l'ignorance et la stupidité orgueilleuse obtenir beaucoup plus d'es time que n'en obtient la saine raison, et l'opinion se laisser diriger par les bavardages de l'homme le plus inepte; lorsqu'il voit la philosophie traitée de misérable délire, et la liberté d'esprit de révolte; lorsqu'il n'est possible de se pousser que par une complaisance servile et une basse soumission, que reste-t-il à faire à un jeune homme honnête, sinon de se réfugier dans la solitude? »

Le reste de l'Europe avait changé son système militaire, que la Suisse s'en tenait encore à l'ancien. Maintes fois il avait été proposé de renouveler le pacte fédéral, en vue de le restreindre. Partout il s'était établi des loges de francs-maçons, surtout à Genève, à Soleure, et dans le pays de Vaud. Ce fut l'origine de la Société helvétique, dont les séances annuelles se tenaient aux bains de Schinznact (1761): son but avéré était de s'opposer à l'individualisme cantonal. Hirzel de Zurich, Urso de Lucerne, Zellweger d'Appenzell, cherchaient à répandre les idées de conciliation; mais ces réunions portaient ombrage à des gouvernements qui n'avaient que trop à redou

ter la censure.

La Suisse se trouvait donc bien peu préparée aux mouvements qui allaient éclater, aux agitations produites par l'exemple de la France, et à la guerre européenne qui devait en sortir. La Révolution vint réveiller toutes ces discordes intérieures; il y eut des mouvements à Bâle, à Zurich, à Genève; l'esprit démocratique se répandait dans tous les cantons où l'on parlait français. Berne se prononçait pour le parti contraire, et laissait le champ libre aux émigrés français qu'elle avait accueillis. Le

pays de Vaud, que le duc de Savoie avait cédé en 1565, sous la garantie de la France, porta ses plaintes au Directoire, en lui représentant la tyrannie dont il avait à souffrir. La France, qui désirait introduire aussi dans les montagnes de l'Helvétie la république une et démocratique, prit les Vaudois sous sa pro tection, et envoya le général Ménard camper près de Genève, et Schauenbourg dans les environs de Bâle.

Aussitôt les Vaudois se soulevèrent (1798): ils chassérent leurs baillis, plantèrent l'arbre de la liberté, et proclamèrent la république du Lêman. La France occupa leur territoire, et en garantit l'indépendance. Ochs, qui avait fomenté cette insurrection, rédigea une constitution sur le modèle de la constitu tion française, et elle fut répandue au loin dans les montagnes.

Les campagnes demandaient partout à jouir de droits égaux à ceux des villes. Pour opposer une digue à ces prétentions, le gouvernement de Berne convoqua la diête générale à Aarau, et réunit des troupes. Il fit répandre parmi les cantons allemands le bruit que la Suisse française méditait de se détacher de la confédération, et de substituer l'athéisme à la foi : il excita le fanatisme des montaguards de l'Oberland. Mais le peuple se souleva dans Aarau même, et la France prit les insurgés sous sa protection.

Les affranchissements volontaires ou forcés se multiplièrent alors. Berne ayant maltraité un envoyé diplomatique, la France lui déclara la guerre; et ces républicains qui combattaient pour les rois furent bientôt vaincus par des républicains régicides, qui entrèrent tout souillés de sang dans Berne, d'où s'échappa avec peine l'avocat Steiger, le chef de cette oligarchie. C'est ainsi que les républiques étaient renversées au nom de la liberté, et il en coûtait à Berne 42 millions.

Le reste de la Suisse était en proie à l'agitation. Le général Brune avait été chargé d'organiser la république du Rhône; mais les Suisses semblaient pencher, la majorité du moins, vers une seule république. Beaucoup cependant y répugnaient, surtout dans les cantons montagnards, où se répandait le bruit que la France voulait les réunir, pour les enrôler dans ses guerres avec l'Angleterre. Ils s'opposèrent donc à l'unité projetée, et Schauen.

bourg fut obligé de les réduire par la force. Il en fut de même dans le haut Valais. Au mois de mai 1798, le gouvernement helvétique, composé d'un directoire et de deux conseils comme en France, se réunit à Aarau. Mais là, ainsi qu'en France et partout, un parti une fois abattu, il fallait abattre celui qui lui avait succédé. La France s'empara de toutes les caisses, et déclara nuls les lois et les décrets du gouvernement en ce qu'ils auraient de contraire aux volontés de la France. Les libéraux eux-mêmes furent blessés d'un tel acte, et l'indignation se fit jour partout. Pourtant le mécontentement s'apaisa : les deux républiques firent alliance; Genève fut réunie à la France (19 août), et les bailliages italiens, qu'il avait été question de rattacher à la république cisalpine, constituèrent un nouveau canton helvétique.

EXPÉDITION D'ÉGYPTE

Bonaparte, depuis son retour à Paris, s'était retiré dans une habitation modeste, n'affichant nulle envie d'entrer dans le gouvernement. Cette simplicité le grandit encore. La rue où il demeurait s'appela bientôt la rue de la Victoire; les jourDaux relataient ses démarches, ses paroles, comme on le fait pour les rois. Il affectait les dehors les plus simples; et s'il se montrait dans les théâtres et les salons, c'était pour complaire à Joséphine sa femme, veuve du comte de Beauharnais, pour laquelle il se montrait plein d'amour et de reconnaissance. Nommé membre de l'Institut, il s'y rendait en costume de savant. Il recherchait l'entretien des hommes les plus distingués, ayant soin de diriger la conversation sur les matières dont chaeun s'occupait particulièrement : on s'étonnait qu'au milieu de tant de gloire il eût si peu d'ambition. C'est qu'en effet il n'avait point cette ambition étroite qui se complaît dans de petites intrigues; et ses regards portaient trop haut pour que le vulgaire put le pénétrer.

Le Directoire lui confia le commandement de l'armée des tinée à opérer contre l'Angleterre; mais un débarquement qui ne pouvait avoir pour but que de ravager le pays et d'irriter les populations lui souriait peu : il se sentait plutôt attiré vers l'Orient, « berceau de toutes les grandes choses. »

La possession de l'Égypte, cette route de l'Inde, semblait indispensable pour faire de la Méditerranée un lac français. Maitre de la marine de Venise et de son matériel naval, Bonaparte avait envoyé l'amiral Brueys dans le Levant, y prendre possession des îles vénitiennes, dont il connaissait l'importance, pour dominer dans ces parages, et s'assurer la route directe vers l'Orient, si l'ennemi venait à occuper le cap de Bonne-Espérance. Cette idée, dont il était travaillé, lui faisait désirer vivement une expédition de ce côté : ce qu'elle présentait d'inattendu et de romanesque était pour lui un attrait de plus.

Le Directoire hésitait à exposer aux hasards d'une bataille navale quarante mille hommes, et le général qui inspirait le plus de confiance aux soldats et le plus de terreur à l'ennemi; mais le vainqueur de l'Italie insista. Il obtint trois millions du trésor de Berne, et fit ses préparatifs en secret. Les généraux Desaix et Kléber voulurent le suivre, ainsi que d'autres déjà ilJustrés sous ses ordres. Aux munitions de guerre il ajouta une imprimerie orientale, enlevée à la Propagande de Rome; il recruta des savants et des dessinateurs; puis il s'embarqua emmenant avec lui l'élite des braves. La nation inquiète se demandait de quel côté il allait se diriger, et le mystère grandissait encore le jeune héros. L'Angleterre, effrayée, chargea Nelson de surveiller sa marche, en même temps qu'elle tint tous les potentats en haleine, par l'effroi de la propagande républicaine.

Bonaparte partit de Toulon, avec les vieilles troupes d'Italie, le 19 mai 1798. L'escadre, commandée par l'amiral Brueys, comprenait quinze vaisseaux de ligne, dont deux vénitiens de soixante-quatre canons, quatorze frégates, dont six vénitiennes, soixante-douze bâtiments plus petits, et quatre cents de trans port; en tout cinq cents voiles, quarante mille soldats, et dix mille marins.

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