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Joséphine, femme de Bonaparte, prodigue, frivole, généreuse, intrigante, liée avec l'ancienne noblesse, ennemie des jacobins, contribua immensément à la grandeur de son mari par ses relations; mais l'éclat de la gloire ne paraît pas avoir suffi pour fixer ses affections. Des deux enfants qu'elle avait eus de son premier mari, Eugène, vaillant soldat, était cher à Bonaparte, qui l'avait emmené avec lui en Égypte; Hortense, élevée par madame Campan, la confidente de Marie-Antoinette', épousa, plus tard, Louis Bonaparte. Autour de ces personnages, qui seront bientôt des princes, se déployait une cour d'aides de camp, créatures de Bonaparte et passionnés pour sa personne. Bientôt s'ouvrirent aux Tuileries des réunions de fonctionnaires, d'officiers, de savants, au milieu desquels brillait le premier consul. Les femmes de ces courtisans nouveaux, sorties de la petite bourgeoisie et du peuple, manquaient pour la plupart d'éducation; il en résultait un mélange bizarre et des disparates singulières entre les manières, le langage et les parures éclatantes, tout ce riche butin « que leur mari ou leur amant avaient enlevé aux femmes des vaincus. >>

La société tout entière soupirait après le retour de l'ordre. Le temps de combattre et de mourir une fois passé, on recommença à jouir de la vie. Les hommes, génération nouvelle qui succédait à l'ancienne génération immolée, se trouvaient affranchis de l'autorité paternelle, du droit d'aînesse, des liens de famille. Les divorces étaient d'une extrême facilité; le mariage même ne consistait qu'en une simple déclaration. Le désordre des mœurs allait au rebours de l'ordre politique renaissant. Dans les danses, dans les promenades, on vit des femmes à la mode se montrer dans la nudité antique. On protestait, par ce voluptueux cynisme, contre le cynisme puritain de la convention. Le jeu s'affichait hardiment, et des dépenses

exor

'Madame Campan, l'une des femmes de chambre de Marie-Antoi nette, a laissé des Mémoires dont l'exactitude a été bien compromise par d'importants écrits qui ont paru depuis. Beaucoup de ces prétendues confidences de la reine ressemblent fort à des commérages d'antichambre que madame Campan se trouvait à portée de recueillir. (AM. R.

bitantes annonçaient des gens qui s'enrichissaient sans peine. Le théâtre reprit ses allures romaines; l'opéra-comique et les chansons joyeuses attestèrent qu'on était las de souffrir; et les peintures champêtres charmèrent ce peuple, qui la veille se délectait aux scènes sanglantes de la guillotine. En un mot, les idées et les mœurs des premiers républicains avaient péri.

Les jacobins les plus résolus étaient morts; quelques-uns, parmi les survivants, rêvaient soulèvements et poignards; mais le plus grand nombre mettait son habileté au service d'un dietateur dont l'énergie était en rapport avec leurs idées. Les royalistes voyaient la monarchie revenir, et se flattaient d'un retour des Bourbons par l'intermédiaire de Bonaparte; d'autres, sentant qu'il avait frappé la Révolution, espéraient qu'il tomberait comme tous ceux qui avaient voulu s'élever contre elle. Les gentilshommes des provinces se tenaient prêts. La basse Normandie, l'Anjou, la Vendée, reprirent courage, et la chouannerie s'y réveilla; les royalistes y nouèrent des intelligences avec ceux du Languedoc et de la Provence pour désorganiser le pays. Mais Fouché veillait à tout; il était informé, et laissait faire. Bonaparte exhortait tous les partis à se réunir dans un seul sentiment, l'amour de la patrie. Il voulait que les prêtres prêchassent la réconciliation et la concorde dans les temples qui se rouvraient pour eux. Il chargea le général Brune de réprimer les mouvements séditieux; mais, se fiant surtout dans la corruption et dans la clémence, il cherchait à diviser les chefs, à exciter des jalousies entre eux ; il offrait des grades dans l'armée aux chefs royalistes convertis. Ces chefs, en effet, déposèrent les armes l'un après l'autre, ou se les virent arracher. George Cadoudal lui-même, le redoutable chouan, vint aux Tuileries; mais il ne se laissa pas séduire, comme tant d'autres, par le guerrier pacificateur. Il abandonna sa patrie rendue à la tranquillité, et partit pour l'Angleterre. Afin de rassurer toutefois les républicains, qui craignaient que Bonaparte ne songeât à jouer le rôle de Monk, on fusilla quelques royalistes.

Il était difficile, en effet, de rétablir l'ancienne monarchie. Les Bourbons auraient eu des vengeances à satisfaire; les d'Orléans pouvaient convenir à la noblesse par leur écusson, et au

peuple pour la part qu'ils avaient prise à la Révolution; mais Louis-Philippe avait abandonné les républicains après avoir combattu avec eux, et, riche d'intelligence, il n'avait pas assez d'audace pour saisir la couronne, qui ne devait lui échoir qu'après un long circuit. Un prétendant doit se taire, ou monter à cheval; et il n'y avait plus de supériorité possible que la victoire tous les partis avaient recouru à la force et à l'insurrection, il n'y avait que les baïonnettes qui pussent refaire la royauté. Bonaparte l'avait compris, et il s'achemina au trône en passant par de nouveaux champs de bataille.

SECONDE COALITION.

CAMPAGNE D'HIVER.

PAIX DE LUNÉVILLE.

Quoi qu'en aient dit ses flatteurs, les armes françaises navaient pas attendu le retour de Bonaparte pour se relever. L'Autriche, jalouse des Russes, tâchait de les renvoyer de la Lombardie qu'ils venaient de lui rendre, et perdait du temps au lieu de frapper des coups décisifs. Le conseil aulique résolut (août 1799) de faire passer l'archiduc Charles de la Suisse sur le Rhin, et les Russes, de la Lombardie en Suisse, bien qu'ils fussent peu propres à la guerre de montagne, et qu'ils n'eussent point l'habitude du terrain. Masséna profita de ce dé placement téméraire : au moment où Souvarow s'avançait avec difficulté par le Saint-Gothard vers la vallée de la Reuss, pour faire sa jonction avec la division russe de Korsakow, il attaqua ce dernier (25 septembre), et, par une marche savante, le renferma dans Zurich.

Souvarow, harcelé par Lecourbe dans les gorges de la Reuss et au pont du Diable, arriva à Altorf: là, ne trouvant pas d'embarcations sur le lac, il fut obligé de défiler le long d'une vallée étroite, perdant beaucoup de monde; et à peine s'étendait-il dans les plaines de Zurich, que Masséna tomba sur lui, et le refoula avec vigueur. La neutralité suisse fut ainsi violée

de tous côtés, et les tranquilles vallées retentirent du bruit des armes. Plus de vingt mille Russes et cinq mille Autrichiens avaient péri dans une lutte de quinze jours. Les tristes débris de l'armée conquérante arrivèrent sur le Rhin dans un état déplorable. Souvarow, qui se prétendait sacrifié par ses alliés, refusa de combattre davantage, et s'en alla porter ses plaintes a Pétersbourg. Paul, qui, à la nouvelle des victoires de Souvarow, avait ordonné qu'on lui rendît les mêmes honneurs qu'à sa propre personne, en l'appelant le plus grand capitaine des temps passés et modernes, le déclara alors infâme, dégrada ses officiers, et ne s'inquiéta en rien de ceux qui étaient restés prisonniers. En même temps il se brouilla avec l'Autriche, qu'il accusa de trahison, lui reprochant de n'avoir eu en vue que la conquête de l'Italie, et de l'accaparer pour elle.

Masséna avait sauvé la France d'une invasion, et enseigné à l'Europe que les Russes pouvaient aussi être battus. Le prince Charles, entravé dans ses projets par les instructions qu'il recevait de Vienne, abandonna le commandement. En Hollande, les Anglo-Russes, resserrés par Brune, avaient été obligés de capituler; mais ils n'avaient pas rendu la flotte.

La seconde coalition avait été plus étendue que la première, et en cela beaucoup plus faible. Ses triomphes ne lui valurent que de la honte et des regrets : l'Angleterre et la Russie, pour leur malheureuse expédition de Hollande; l'Autriche et la Russie, pour Ancône et le Piémont : car l'Autriche, considérant le pape et le roi de Sardaigne comme déchus, voulait s'attribuer leurs États, à titre de conquête sur la république française'. L'alliance entre l'Autriche et la Russie, dit le prince Charles, fut rompue, comme la plupart des coalitions basées

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'Le comte de Cobentzel répondait, en novembre 1799, au comte Panin: « Comment pourrait-on exiger la cession des trois légations qui, par le traité de Tolentino, ont été annexées à la république cisalpine, que nous avons conquise? C'est une juste compensation des frais de la querre. Je ne doute pas que ma cour ne rende le Piémont au roi de Sardaigne; mais Alexandrie et Tortone ayant été détachées du Milanais par les armes, doivent de même revenir par les armes sous la domina tion autrichienne. »>

sur les calculs de puissances dont les forces s'équilibrent. L'idée d'un avantage commun, le prestige d'une confiance fondée sur les mêmes opinions, préparèrent les premiers rapprochements. Les divergences d'opinion quant aux moyens d'atteindre le but commun fit naître la mésintelligence, qui s'accrut à mesure que les événements, en changeant le point de vue, bouleversaient les objets et trompaient les espérances. Elle éclata enfin, quand des armées indépendantes devaient opérer de concert. Le désir naturel de jouer le premier rôle dans le succès et dans la gloire excita les passions rivales des chefs et des nations. L'orgueil et la jalousie, la ténacité et la présomption, naquirent du conflit des ambitions et des avis opposés. Les contradictions continuelles aigrirent de plus en plus les esprits; et c'est un heureux hasard quand une pareille union se dissout sans que les deux partis tournent leurs armes l'un contre l'autre 1. »

La révolution du 18 brumaire avait été vue de bon œil, comme un retour à l'ordre et à l'unité, par les puissances étrangères, qui ne voulaient plus traiter avec un gouvernement dont les chefs changeaient tous les trois mois. Déjà plusieurs avaient deviné dans Bonaparte le génie organisateur. Lorsqu'il adressa des propositions de paix à l'Angleterre, les whigs soutinrent qu'il convenait de les accepter; mais Pitt répondit, dans un admirable discours, qu'on ne pouvait pas se fier à une révolution qui, en dix ans, avait commis plus de crimes que la France n'en avait peut-être accumulé depuis qu'elle existait; pas plus qu'à un homme qui, n'ayant jamais respecté une promesse, avait violé les traités faits avec les rois étrangers, et ses serments envers son propre gouvernement. Malgré les répliques de Sheridan et une lettre très-modérée de Bonaparte, l'opinion de Pitt triompha. Il obtint un crédit de trente-neuf millions et demi de livres sterling pour faire la guerre contre ce consul, qui trouvait à peine dans les caisses publiques cent soixante mille livres d'argent comptant; et la guerre générale fut dé clarée. La Russie et l'Autriche s'apprêtèrent à y prendre part, et un vaste plan de campagne se prépara.

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