Sayfadaki görseller
PDF
ePub

venait à mourir sans enfants, ses successeurs désignés étaient Joseph, puis Louis, mais non Lucien ni Jérôme, qui avaient épousé des plébéiennes. La confédération du Rhin rappela la ligue du Rhin, imaginée par Richelieu; il y eut un pacte de famille, comme sous Louis XIV; la Légion d'honneur ressuscita les ordres chevaleresques, et Napoléon l'envoya avec une prodigalité solennelle aux rois et aux princes, qui lui décernèrent en retour leurs décorations; des familles historiques sollicitèrent des pensions et des titres de l'homme du peuple. Dans ce brusque passage de la république à l'empire, les sansculottes de la veille se trouvèrent des altesses, des monseigneurs, des connétables, des grands électeurs, des archichanceliers, des maréchaux ; des couronnes ducales surmontèrent des noms régicides; des conventionnels portèrent la clef de chambellan; le peuple s'empara de tous les hochets arrachés à l'aristocratie.

Le nouveau pouvoir cependant no rejeta aucune des formalités propres à le faire respecter. Un registre ouvert dans toutes les communes, et où l'absence devait être considérée comme une adhésion tacite, donna à Napoléon la sanction du suffrage populaire. Il voulut avoir celle de la religion; et Pie VII, consentant à couronner le guerrier qui venait de s'incliner devant le Christ, heureux d'exercer ainsi une dictature morale, reconnue par le génie le plus vigoureux de l'époque, se mit en route à l'âge de soixante-deux ans, non, comme son prédécesseur Pie VI, pour subir à Vienne les outrages d'une antique dynastie, mais pour en consacrer une nouvelle.

Le pontife fut traité avec des égards et des respects à travers lesquels perçait l'orgueil. On remarqua que Napoléon, qui se porta à sa rencontre, monta dans le carrosse le premier, y précédant, lui homme d'hier, le pontife de tous les siècles. Fonctionnaires, citoyens de tous rangs vinrent s'incliner devant lui, aussi facilement qu'ils avaient, le jour d'avant, renié Jésus-Christ et son vicaire. Pie VII gagnait les cœurs par sa mansuétude. Comme il donnait un jour la bénédiction au peuple agenouillé, il vit un jeune homme resté debout, le chapeau sur la tête : Mon ami. lui dit-il, si vous ne croyez pas à l'efficacité de la bénedic

tion du pontife, croyez du moins que celle d'un vieillard ne saurait porter malheur.

La solennité du couronnement fut pleine de pompe; mais elle put paraître étrange à ceux de ces grands dignitaires qui se rappelaient leur rôle de la veille. Napoléon prit la couronne des mains du pape, et se la posa sur la tête (2 décembre); il couronna ensuite Joséphine, qui, le jour précédent, avait reçu la bénédiction nuptiale. Les journaux anglais ne manquèrent pas de jeter le ridicule à pleines mains sur cette solennité, qu'ils appelèrent une mascarade; et Napoléon eut le déplaisir de s'y voir comparé lui-même à Dessalines, qui venait aussi de se faire couronner empereur.

Les Bourbons protestèrent contre ce couronnement, et tinrent une réunion à Calmar, où furent jetées les bases d'un système représentatif à donner à la France lors de la chute de Napoléon. Ainsi la vieille dynastie songeait à fonder les libertés publiques, alors que la nouvelle les démolissait. Mais leur parti au dedans diminuait chaque jour la Vendée et la Bretagne étaient domptées ou divisées, et il s'y faisait de grandes améliorations; la police surveillait les menées d'un petit nombre de gentilshommes, et elle en tenait les fils, toute prête à frapper quand il serait nécessaire de faire quelque exemple.

Le serment prêté par Napoléon consacrait, d'autre part, les conquêtes immortelles de la Révolution l'égalité civile, le concours de la nation dans la confection des lois, la libre admission de tous les citoyens aux emplois et aux dignités.

Charlemagne avait été roi d'Italie : ce titre devait aussi tenter Napoléon; il l'avait une seconde fois conquise; il s'agissait de l'organiser de nouveau. Les patriotes italiens se flattaient que Napoléon, volonté inébranlable, organisateur puissant, réunirait cette Italie que la nature avait faite une, que les conventions politiques seules ont morcelée. Mais déjà le Piémont se considérait comme attaché de fait à la France. La Toscane avait été érigée en royaume d'Etrurie pour un infant d'Espagne. Il fallait concéder un domaine temporel au pape, avec qui l'on était réconcilié. La volonté de la Russie protégeait le royaume de Naples ; la possession de Venise avait été confirmée à l'Autriche. Les Italiens se

voyaient donc arracher encore une fois l'espérance de l'unité et de la liberté de leur patrie, qu'ils attendaient de l'épée victorieuse et de la volonté de fer d'un héros issu de leur sang. Il ne restait de disponible que Milan et la Lombardie, belle et forte contrée toutefois, qui avait cinq millions d'habitants, soixantedix à quatre-vingt millions de revenu, et quarante milie hommes capables de porter les armes. Talleyrand proposait d'en faire, au lieu d'une république, un royaume pour quelque prince autrichien, comme compensation et gage de paix; mais Bonaparte, qui avait un faible pour sa première conquête, et qui savait que le vœu des Italiens était de n'appartenir ni aux Français ni aux Allemands, résolut de conserver l'indépendance de cette province. De bonnes fortifications devaient la défendre contre les Autrichiens postés au delà de l'Adige, et en garder toujours l'entrée ouverte à la France, qui, en conservant le protectorat, serait à portée de faire passer de là ses ordres dans les contrées du midi, jusqu'à ce que le hasard des événements la mit à la tête d'une confédération italienne.

Pour arrêter les bases d'une constitution, il convoqua (janvier 1802) à Lyon, à moitié route de Paris et de Milan, une assemblée de quatre cent cinquante représentants cisalpins. Le premier consul s'y rendit en personne, avec l'intention d'y passer solennellement en revue les vingt-deux mille soldats revenus d'Égypte sur la flotte anglaise. Cette constitution créait trois colleges électoraux permanents et à vie, qui se complétaient eux-mêmes; savoir, trois cents grands propriétaires, deux cents gros négociants, autant d'hommes de lettres, de savants et d'ecelésiastiques. Ils avaient à choisir dans leur sein une commission de censure de vingt et un membres, chargés d'élire tous les corps de l'État; plus, huit consulteurs pour veiller au maintien de la constitution et délibérer sur les traités; ils devaient nommer enfin le président de la république. Un conseil législatif de dix membres était appelé à préparer les lois et les règlements, et à soutenir les projets devant le corps législatif, composé de soixante-quinze membres, dont quinze, désignés comme orateurs, devaient discuter les lois soumises au vote de l'assemblée.

&

Telle était la constitution que les représentants cisalpins ne firent qu'accepter; puis, s'humiliant jusqu'à l'aveu de leur impuissance, ils déclarèrent qu'ils ne connaissaient personne plus digne d'être président de la république que Napoléon Bonaparte (26 janvier). Il leur adressa ces paroles: « La république cisalpine, née du traité de Campo-Formio, a subi de nom« breuses vicissitudes, et les efforts faits pour la soutenir ont été « vains. Envahie récemment, elle semblait perdue, quand, pour la seconde fois, le peuple français est venu vous venger et vous ⚫ rendre l'indépendance. Depuis lors, que n'a-t-on pas tenté « pour vous démembrer? Mais la France vous a protégés; vous « avez été de nouveau reconnus à Lunéville; votre territoire « s'est accru d'un cinquième; vous existez avec plus de force « et d'espérance. En vous donnant des magistrats, je n'ai songé « ni aux lieux, ni aux factions, mais seulement à vos intérêts. « Je n'ai trouvé parmi vous, pour les fonctions éminentes de a président, personne d'assez accrédité, assez libre de préjugés, « ni qui ait assez mérité du pays par ses services. J'adhère au ■ vœu qui m'a été exprimé, et je conserverai, tant qu'il sera ⚫ nécessaire, la grande pensée de vos affaires. »

Cet État, qui se composait, comme le disait Bonaparte, de dix nations différentes, reçut le nom de république italienne. Alors commença l'une des époques les plus calmes et les plus prospères dont ait joui ce pays. Le président était éloigné; Melzi, qui en remplissait les fonctions à sa place, était bienveillant et aimé. Le mérite et les talents furent bien traités, le commerce, l'armée dans un progrès croissant, les transactions faciles, les espérances pleines d'ardeur.

Mais, dès ce moment, les esprits prévoyants disaient que la république italienne était le prélude d'un royaume. En effet, quand Napoléon fut devenu empereur, le vice-président et tous les hommes influents lui demandèrent un roi qui ne relevât pas directement de la France, qui n'employât que des fonctionnaires

C'est la première fois que ces deux noms se trouvent réunis.

* Milanais, Mantouans, Bolonais, Navarrais, Valtelinois, Romagnols, Vénitiens subdivisés en Bergamasques, Brémasques et Brescians.

italiens, et sans armée française. Joseph Bonaparte fut désigné (1805); mais comme il refusa, Napoléon crut pouvoir disposer à son gré d'un État que lui-même avait créé, et mettre sur sa tête la couronne de fer. La création du royaume d'Italie faisait pressentir la ruine de ces autres républiques écloses au bruit du canon, de ces constitutions qui n'étaient basées ni sur les mœurs ni sur l'histoire; et l'on prévoyait que Napoléon, qui n'aimait pas les États faibles, arriverait à réunir l'Italie dans un grand corps. Il rassura les princes, en leur déclarant qu'il s'agissait uniquement d'un changement de titre, et que du reste il ne s'étendrait pas. Néanmoins, pour empêcher les débarquements des Anglais, il trouva que Gênes, Lucques et Livourne lui étaient nécessaires. Génes, dit-il, est destinée à former des matelots: elle doit avoir six mille hommes à bord des escadres, et j'ai besoin de vieux marins. Ce prétexte lui parut suffisant, bien qu'il eût promis au sénat français qu'il n'ajouterait pas une province à l'empire. Les patriciens génois, poussés par Saliceti, vinrent eux-mêmes s'offrir (juin); et il adoucit pour leur pays la perte de l'indépendance, en y envoyant pour l'organiser l'architrésorier Lebrun, homme conciliant et prudent '.

Napoléon avait promis à Paul Ier de restituer le Piémont à la maison de Savoie. Mais ce prince une fois mort, il s'embarrassa peu de sa promesse, et il garda ce pays comme division militaire, sous le commandement de Jourdan. Sa politique ne manqua pas d'y entretenir les rivalités et les intrigues, et il favorisa l'aristocratie piémontaise: après avoir restitué au royaume d'Italie les pays qui avaient appartenu anciennement à la Lombardie, il réunit le reste à l'empire français. Il faisait ainsi dépasser à la France ses limites naturelles ; il fondait une autre domination étrangère dans cette Italie, qu'il avait promis de délivrer du joug étranger.

* Il lui écrivit de Boulogne, le 11 août 1805 : « Je n'ai réuni Gènes que pour avoir des matelots. Avez-vous espéré gouverner des peuples sans les mécontenter d'abord? Vous savez bien qu'en fait de gouvernement, justice veut dire force comme vertu. Serais-je assez décrépit pour qu'on pût me faire peur du peuple de Gênes? La seule réponse à cette dépêche, c'est : Des matelots! des matelots! »

« ÖncekiDevam »