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rances des Polonais (1er décembre 1806). « L'amour de la patrie, <dit-il dans un de ses bulletins, et le sentiment national ont « été retrempés chez ce peuple par l'infortune. Sa principale passion est de redevenir une nation. Les riches sortent de ⚫ leurs châteaux pour venir m'en prier, et m'offrir leur influence, leurs richesses, leurs enfants. Spectacle touchant! déjà partout ils ont repris l'ancien costume, les anciens usages. »

La gloire de relever le royaume de Pologne sourit un moment à l'esprit de Napoléon; mais on n'y pouvait arriver sans blesser l'Autriche. L'homme qui détruisait partout les nationalités pouvait-il attacher un grand prix à réparer cette énorme iniquité? Mais il savait que les Polonais étaient de vaillants soldats, et il espérait d'eux une bonne armée pour s'en servir dans l'intérêt de sa gloire, ou pour opérer une puissante diversion en Russie. Une proclamation parut, au nom de Kosciusko; l'empereur convoqua à Posen une réunion d'officiers polonais, pour l'aider à insurger le pays. Dabrowski, ancien soldat de la Révolution, fit des proclamations pour annoncer ce libérateur, qui s'avançait à la tête de trois cent mille hommes pour écraser les oppresseurs de la Pologne. Napoléon lui-même flatta cet espoir si cher aux Polonais, en leur disant de combattre et de se montrer dignes d'être reconstitués en nation.

Au milieu de décembre, il emmena les soldats de la France et de l'Italie sous ces climats sans soleil, sans routes frayées, exposés à d'obscures souffrances, sans autres ennemis à combattre que la nature. Pour ranimer leur enthousiasme, Napoléon décréta l'érection de la Madeleine en un temple de la Gloire, en l'honneur de la grande armée; il accorda double solde, il prodigua les décorations. Mais la maladie atteignait de tous côtés les soldats, que fatiguaient de misérables engagements avec les Cosaques. Les maréchaux étaient soutenus par l'espoir de gagner un royaume, tout en voyant de mauvais œil l'empereur ne songer qu'à ses frères. Lannes, Ney, Murat, réussirent mal dans les expéditions qui leur furent confiées; les mouvements manquaient d'unité quand l'empereur n'était pas là. La bataille d'Eylau (8 février 1807) contre le général`

Benningsen, où il périt plus de trente mille hommes, ne fut qu'un massacre inutile sur la neige; puis les deux armées, lasses de carnage, se reposèrent tristement. Mais on voyait que Napoléon aussi pouvait être battu, et qu'une seule défaite suffirait pour entraîner sa ruine.

L'empereur, qui s'était enfoncé à cinq cents lieues de sa capitale, demanda de nouvelles levées. Pour assurer ses communications, il fit attaquer Dantzick par le maréchal Lefebvre, qu'il créa duc, quoiqu'il fût de la plus basse naissance et dépourvu de toute éducation.

La bataille d'Heilsberg resta aussi sans résultat ; mais quatre jours après, les Russes furent battus à Friedland (10 juin 1807), à grand renfort d'artillerie, avec une prodigieuse effusion de sang. Le général Victor, qui eut l'honneur de la journée, fut promu à la dignité de maréchal; mais plus de trente mille blessés gémissaient dans les hôpitaux, et Napoléon, comprenant qu'il n'avait plus affaire à des Autrichiens et à des Prussiens, se dé cida à entrer en arrangements. Napoléon et Alexandre, l'un âgé de trente-huit ans, l'autre de vingt-neuf, comblés de puissance, et faits pour s'estimer mutuellement parce que tous deux régnaient despotiquement, eurent une conférence à Tilsitt (23 juin). Les deux empereurs y remanièrent le monde à leur gré. Napoléon ne s'inquiéta point de la Porte, qu'il avait mise en avant, et laissa Alexandre se consolider dans la Moldavie et la Valachie. En échange, le czar sacrifia la Suède, qui lui était restée fidèle, et laissa Napoléon disposer de la Pomeranie suédoise, à la condition qu'il ne s'opposerait pas à la conquête de la Finlande par la Russie. Alexandre domina ainsi sur la mer Noire, la Baltique et le Danube; acquisitions réelles, en retour desquelles il reconnut les titres de Napoléon et ceux des autres princes ses satellites; il entra dans tous les projets du conquérant sur la formation d'un grand empire d'Oecident, tandis que l'Orient serait abandonné à Alexandre, et que l'Allemagne demeurerait comme vassale entre eux deux.

Le roi de Prusse s'humilia devant son vainqueur; son béroïque épouse aussi tenta de le fléchir. Napoléon se complut

dans ce triomphe de son orgueil, ce qui fit dire au prince de Hardenberg: Il est implacable vis-à-vis de l'infortune; il ne saura pas supporter le malheur avec dignité.

Après avoir tenu quelque temps les suppliants dans l'incertitude, Napoléon déclara qu'il rendait au roi de Prusse la moitié de ses États, mais seulement en considération d'Alexandre; comme si la nation et le roi avaient cessé d'exister, et que la propriété légitime fût inhérente à la conquête.

La Prusse perdit donc tout ce qui se trouve entre le Rhin et I'Elbe avec toute la partie polonaise, indépendamment de lourdes contributions et de l'obligation de fermer ses ports aux Anglais. Napoléon était bien le maître d'imposer à Alexandre la réintégration de la Pologne, et de la négocier avec l'Autriche, qui aurait gagné à l'échange de la Gallicie contre la Silésie; mais il se contenta du territoire dont se composait la Pologne en 1772; il en forma le duché de Varsovie, qui fut donné héréditairement au roi de Saxe et aux siens. Un statut, rédigé par une commission de Polonais, décida qu'il y aurait un sénat composé de six évêques, de six palatins et de six châtelains; une chambre où siégeraient soixante nonces nommés par les diétines des nobles, et quarante membres élus par les villes : ce qui laissait dominer l'aristocratie. Le servage fut aboli, l'égalité des droits proclamée, et les personnes mises sous la protection des tribunaux.

Napoléon tira aussi de ce démembrement de la Prusse et des autres pays germaniques le royaume de Westphalie, qu'il érigea pour son frère Jérôme. Le servage et les priviléges y furent abolis; on y conserva pourtant la noblesse, mais sans attribuer aucun droit particulier aux titres ou aux dignités. Les états furent admis au vote de l'impôt; le nouveau royaume reçut, comme d'usage, le code ainsi que le système administratif français.

Ainsi tous les États intermédiaires furent sacrifiés aux deux grandes puissances qui s'étaient attribué l'une le nord, l'autre le midi: mais Alexandre s'agrandira par l'acquisition de la Finlande; Napoléon devra sa chute à la guerre d'Espagne, et à son dissentiment avec Alexandre sur le partage de

l'empire ottoman, dont il fut alors question pour la première fois '.

1 « Dans cet aveugle panégyrique de Napoléon et de la force, que publie M. Thiers sous le titre d'Histoire du Consulat et de l'Empire, on lit « Dans l'enivrement produit par la prodigieuse campagne de « 1805, changer arbitrairement la face de l'Europe, et, au lieu de se « borner à modifier le passé (ce qui est le plus grand triomphe accorde à la main de l'homme), vouloir le détruire; au lieu de continuer à notre « profit la vieille rivalité de la Prusse et de l'Autriche par des avantages « accordés à l'une sur l'autre, arracher le sceptre germanique à l'Au« triche, sans le donner à la Prusse; convertir leur antagonisme en une << haine commune contre la France; créer sous le titre de confédération « du Rhin une prétendue Allemagne française, composée de princes << allemands peu reconnaissants de nos bienfaits; et, après avoir rendu, « par cet injuste déplacement de la limite du Rhin, la guerre avec la « Prusse inévitable, guerre aussi impolitique que glorieuse, se laisser << entraîner, par le torrent de la victoire, jusqu'aux bords de la Vis« tule; arrivé là, essayer la restauration de la Pologne, en ayant sur « ses derrières la Prusse vaincue mais frémissante, l'Autriche secrète«ment implacable; tout cela, admirable comme œuvre militaire, «< était, comme œuvre politique, imprudent, excessif, chimérique. » Fin du livre XXVII. (Note de l'auteur.)

Cette note montre une fois de plus combien M. César Cantu sympathise peu avec les historiens français, et particulièrement avec M. Thiers. Il serait inutile d'insister sur ce qu'il y a d'exagéré dans le dur reproche que M. Cantu lui adresse: on dirait que le passage même qui vient d'être cité a été choisi à plaisir pour réfuter son assertion. M. Thiers a pu puiser souvent dans son admiration pour l'empereur de savants et ingénieux motifs pour atténuer les premières fautes de sa politique; mais il en a marqué tous les grands écarts; son panégyrique en tout cas n'est point aveugle, et l'on vient de voir que la sévérité de l'historien y parle assez haut. (AM. R.)

DESPOTISME IMPERIAL

BLOCUS CONTINENTAL.

GUERRE D'ESPAGNE.

Napoléon disait à l'un de ses aides de camp, en traversant les Alpes: Vous croyez donc que c'est quelque chose de bien grand d'être empereur des Français et roi d'Italie? Je ne me fais pas d'illusion, je suis l'instrument de la Providence, qui me conservera tant qu'elle aura besoin de moi cela passé, elle me brisera comme un verre '.

Que ne se souvint-il de ces paroles, et que n'agit-il en conséquence! Mais sa grandeur le fascina; il s'abandonna à son orgueilleuse ivresse : il ne parla plus des peuples, il n'entendit plus la voix de la raison; l'obéissance à ses côtés avait cessé de raisonner. Il éloigna Talleyrand, qui inclinait pour la paix maritime, et qui, trop pénétrant pour ne pas apercevoir le but où tendait Napoléon, voilait à peine sous la raillerie ce que d'autres dissimulaient. Il supprima le tribunat, effaça sur les monnaies et sur les formules le titre de république française, et répara Saint-Denis pour y installer les sépultures impériales. Il commandait la moralité comme un cérémonial, et le cérémonial comme un devoir. La cour se trouvait embarrassée de ces pompeur uniformes, de ces cérémonies aux règles invariables, de ces réceptions du matin à l'ancienne manière; et le bon sens n'y trouvait pas moins à redire que l'ancienne noblesse. Napoléon représentait mal en Louis XIV; il n'était bien qu'au milieu d'un état-major. La France pouvait désirer un souverain, mais non ce faste par lequel il semblait renier son origine.

La réaction la plus déclarée contre les grands changements de 89 fut la création de majorats et de fiefs. Les territoires cédés à Napoléon par l'Autriche et par la Prusse en firent les frais; les douze pairs de Philippe-Auguste et les chevaliers de la

1 Mémoires du colonel de Baudus.

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