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Lorsque Louis XIV voulut citer devant lui deux évêques qui résistaient à ses prétentions : Que le ciel vous en garde ! lui dit Bossuet. Craignez qu'on ne voie la route qu'ils auront à traverser couverte d'un peuple immense, agenouillé pour implorer leur bénédiction. C'est ce qui arriva pour Pie VII, qui, forcé brutalement de partir, eut pour consolation les hommages que partout lui rendirent les populations. Les violences ont cela de dangereux, qu'il faut, une fois commencées, les pousser à l'extrême. Le pape fut traité à Savone comme un prisonnier ordinaire; on lui assigna cinq paoli (2 fr. 75 c. ) par jour; il fut séparé de ses conseillers, et surveillé jusqu'à l'outrage, sous le prétexte que les Anglais cherchaient à l'enlever.

Pie VII se disposa à la résistance passive: il refusa l'institution aux évêques, ce qui laissa les églises veuves; il ne reconnut pas le mariage de l'empereur, et l'excommunia. L'archevêché de Paris étant venu à vaquer, le cardinal Fesch déclara qu'il ne le recevrait que du pape. Le cardinal Maury, dévoué à Napoléon, l'accepta sans l'institution pontificale, et le chapitre se réunit pour savoir si l'on devait lui confier l'administration du diocèse le plus grand nombre fut pour l'affirmative; quelques-uns crurent l'autorisation du pape indispensable. Les brefs circulèrent, malgré les défenses et les persécutions de la police. Afin d'y remédier, et pour briser la résistance du pontife, Napoléon eut recours à divers expédients. Il fit répondre par tous les évêques de l'empire à la déclaration du chapitre de Paris; ceux d'Italie, endoctrinés par le vice roi, se montrèrent encore plus serviles ils déclarèrent que le corps des évêques en activité représentait l'Église; que l'institution humaine était tout à fait étrangère à la hiérarchie ecclésiastique dans le gouvernement de l'Église, et qu'il n'y avait anciennement ni institution canonique, ni serment de fidélité. Enfin l'empereur convoqua un concile de tous les prélats de l'empire et de la confédération du Rhin, à l'effet de résoudre les difficultés nées dans le sein de l'Église : parade d'un nouveau genre, nouvelle imitation de Constantin et de Charlemagne.

Dans le comité ecclésiastique qui prépara les discussions, Napoléon débattit avec les prélats l'autorité temporelle du

pape; et l'abbé Eymery, vieillard octogénaire, lui démontra, par un argument ad hominem, que Bossuet lui-même avait affirmé la nécessité de ce pouvoir. Cela pouvait étre vrai alors, répondit l'empereur, quand l'Europe reconnaissail différents maitres: il n'eût pas été séant que le pape fût soumis à l'un d'eux en particulier. Mais il n'en peut être ainsi aujourd'hui, que l'Europe entière ne reconnait d'autre maitre que moi.

L'assemblée fut ensuite consultée sur les points suivants : « Le pape peut-il, pour des affaires temporelles, refuser son intervention dans les matières spirituelles?

«Ne conviendrait-il pas que le consistoire du pape fût composé de prélats de toutes les nations?

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Si le gouvernement français n'a pas violé le concordat, le pape peut-il arbitrairement refuser l'institution aux évêques nommés, et ruiner la religion en France comme il l'a ruinée en Allemagne, où, depuis dix ans, il n'y a point d'évêques ?

« La bulle d'excommunication a été affichée et répandue clandestinement comment empêcher les papes de se porter à des excès qui sont si contraires à la charité chrétienne et à l'indépendance des trônes? »

Mais avant ces questions il y en avait une qui se présentait d'abord à la conscience des évêques : « Avaient-ils le droit de se réunir sans la permission du pontife? » Si individuellement ils se montraient soumis à Napoléon, si dans les adresses particulières ils approuvaient le chapitre de Paris, en corps ils n'osèrent se considérer comme une assemblée religieuse. Ils éludèrent les questions, entretinrent une correspondance secrète avec Savone, et envoyèrent au pape leur soumission. Ainsi le clergé se retrempa dans les tempêtes qu'il eut à traverser; et si ce concile ne laissa pas de nouveaux et savants décrets, il donna un =exemple de courage d'autant plus admirable que tous les fronts

étaient courbés devant le grand homme, et que le clergé luimême croyait devoir son dévouement au Cyrus qui avait relevé Jérusalem.

Pie VII repoussa les propositions insidieuses de l'empereur, en disant Laissez-moi mourir digne des maux que j'ai

soufferts. Napoléon s'irrita, le maltraita, fit tracasser aussi par la police ceux qui lui étaient fidèles: on força les uns à se démettre, on jeta les autres en prison; s'ils cherchaient leur bré viaire, on leur donnaît un volume de Voltaire. Il fut fait défense au pape, au nom de Napoléon ( 14 janvier 1811), « de « communiquer avec aucune église de l'empire, avec aucun « sujet de l'empereur, sous peine de désobéissance de sa part «<et de la leur. On lui signifia que celui qui prêchait la rébellion, « et dont l'âme n'était que fiel, devait cesser d'être l'organe de « l'Église ; et que, rien ne pouvant le rendre sage, il verrait que « l'empereur était assez puissant pour faire ce qu'avaient fait d'autres monarques ses prédécesseurs, et pour déposer un pape.. Mais la force se trouve bientôt déconcertée quand elle se met en lutte avec une idée morale. Napoléon disait à Fontanes : Alexandre a pu se dire fils de Jupiter sans que personne le contredit; je trouve un prêtre plus puissant que moi, parce qu'il règne sur les esprits, et moi seulement sur la matière.

Au dedans c'était donc le despotisme, au dehors la conquête : on était loin des théories de la constituante. Dans la diplomatie il n'était plus possible de compter sur la modération ni sur la parole de Napoléon. D'une ruine naissait une autre ruine, et les princes ne pouvaient plus se dire qu'il convenait d'agir de telle ou telle manière, puisque les règles de conduite les plus diverses aboutissaient à la même fin. Il avait manqué aux traités avec la famille royale d'Espagne, et, en la retenant prisonnière, il lui commandait d'applaudir à ses bienfaits. L'Autriche ne s'était sauvée qu'en lui donnant une archiduchesse; la Prusse frémissait dans un abaissement insupportable; les petits États d'Allemagne avaient compris que la neutralité n'était pas possible, et qu'elle les menait à leur perte. La Suisse, la Hollande, l'Italie, avaient été remaniées selon le gré du maître, et rien ne

'Le manuscrit de Sainte-Hélène dit qu'il y avait cinq cents prêtres arrêtés pour les différends avec Rome. D'autres mémoires dictés par Napoléon nient l'authenticité de ce chiffre, qu'ils réduisent à cinquantetrois, en ajoutant : «Ils l'ont été légitimement. » Notes sur le lure des quatre concordats.

les assurait qu'il ne leur assignerait pas le lendemain une autre destination. Le monde était semé de ruines, et le vœu commun appelait la chute de l'oppresseur commun. Dans l'abattement des princes, les peuples reprirent de l'énergie, et les sociétés secrètes s'étendirent alors avec le réveil des nationalités, qui allaient avoir aussi leur épopée. Le nom de libéraux, qui devait faire aussi le tour du monde, fut inventé en Espagne; les cortès décrétèrent la constitution la plus démocratique, et Mina la scella du sang de tous les Français qui tombèrent dans ses mains. En Italie, les carbonari travaillaient alors au retour des anciennes dynasties, avec des institutions tempérées. Les sociétés secrètes prirent surtout un grand développement en Allemagne, où elles cherchaient, les unes, à reconstruire l'unité germanique sous la suprématie de l'Autriche; les autres, à établir la division entre le nord et le sud, entre l'Autriche et la Prusse toutes réclamaient la liberté et les gouvernements en profitèrent pour réagir contre l'oppression française en invoquant la liberté, l'indépendance de la patrie, comme les révolutionnaires l'avaient fait vingt ans auparavant.

A l'intérieur, ce n'était pas assez de la conscription; des enfants de quatorze ans étaient enlevés à leur famille pour en faire des mousses. Des domaines étaient donnés et repris selon le caprice; d'autres étaient écrasés d'impôts, assis arbitrairement. Le commerce était mort; mais Napoléon exerçait le monopole, ou bien il accordait, moyennant finance, des licences pour l'introduction des denrées coloniales. Les sucres et les cafés confisqués étaient jetés à la mer, au moment où l'on en sentait si durement la privation; on brûlait les tissus, devant le peuple qui était nu. Force fut de remédier artificiellement au manque de travail de là de grandes constructions : les magasins de la Bastille, par exemple, pour employer les bras de ceux que n'enlevaient pas la conscription. Il en était de ce nouvel empire comme de l'ancienne Rome : il fallait fournir au peuple des spectacles et du pain. Mais la famine en 1811 se fit sentir, et il en résulta des émeutes. L'échafaud, le pilori, les travaux forcés, y mirent bon ordre; et le Moniteur ne tarda pas à annoncer que la tranquillité était rétablie.

La France s'était posée comme la bienfaitrice du genre humain les idées qu'elle avait répandues, soit par les livres, soit par la Révolution, lui avaient conquis partout la sympathie. Maintenant une domination orgueilleuse changeait cette affection en colère, et son nom ne représentait plus qu'arrogance et pillage. On avait vu naguère les rois obligés de pousser à la guerre les armées découragées; maintenant les peuples entrainaient les rois effrayés. Napoléon ne connaissait plus que la logique de la victoire, et ses ennemis attendaient le moment de lui opposer la même logique. Si, d'une part, l'invasion de l'Espagne faisait tout craindre de son ambition, elle montrait de l'autre comment on pouvait résister. Il s'était répandu dans le peuple d'étranges bruits d'une folie sanguinaire, dont on le disait atteint; l'excommunication lui avait enlevé le caractère de restaurateur de la religion; les âmes timorées s'enquéraient avec anxiété des nouvelles du pape. La voix d'un vicomte émigré, celles de deux tribuns éliminés, d'un gentilhomme de Chambéry voyageant en Russie, d'une femme exilée de Paris, se firent écouter dans ce silence de la peur. L'opinion publique, cette puissance qui se soustrait à tous les despotismes, même à celui de la gloire, grandit peu à peu. Une comète, qui se montra alors, fut interprétée par la superstition des peuples comme un indice extraordinaire de la chute de l'homme extraordinaire; mais les mots de patrie et d'indépendance, qui retentissaient partout, étaient aussi des indices qui devaient l'effrayer lui-même.

ÉPISODE DES AFFAIRES DE suède. —

LA LIBERTÉ REvendiquée conTRE L'EMPEREUR.

Après avoir réuni à ses États Rome et les pays situés sur la rive droite du Rhin, la Hollande et les villes hanséatiques (9 juillet 1810), l'Etrurie avec Parme et Plaisance, Napoléon rêva plus que jamais l'empire d'Occident.

L'expédition manquée de Walcheren avait fait tomber en

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