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pour ne pas grever les peuples quand on affichait tant de zèle pour leur cause, il fut arrêté que l'on ferait une estimation des frais de la campagne, pour en faire solder le total à la France.

Une seule chance de salut s'offrait à Napoléon : c'était d'oublier qu'il avait été empereur, pour se mettre à la tête d'une guerre nationale; réveiller l'enthousiasme en parcourant la France entière; entraîner ainsi dans le tourbillon les indifférents, les récalcitrants même, et déjouer par là tous les calculs de ses ennemis. Telle ne fut pas sa conduite; et, en portant la guerre au dehors, il se sépara encore de la nation.

A la tête de cent cinquante mille hommes, il s'élança vers la Belgique, et se jeta entre les Anglais et les Prussiens; il les battit séparément, et entra à Bruxelles. La Belgique se souleva en sa faveur ; il remporta à Ligny sur les Prussiens un succès qui rappelait ses anciennes victoires : la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg répondirent à son appel; il était encore le génie des batailles. Mais ses troupes ne brûlaient plus du même feu, ses lieutenants n'étaient plus les hommes d'autrefois; ils discutaient ses ordres, et laissaient échapper l'occasion. Quelques instants de repos que le soldat demandait, et qu'il eût refusés dans d'autres temps, permirent aux Prussiens d'opérer leur jonction avec les Anglais à Waterloo (18 juin). Napoléon y déploya les manœuvres hardies d'Austerlitz et de Wagram; mais Wellington lui opposa l'ancien système de résistance dans des positions avantageuses, système à l'aide duquel il avait vaincu à Torres-Vedras; il put tenir ferme ainsi jusqu'à l'arrivée de Blücher, qui lui amena un puissant renfort. La victoire resta aux alliés; l'armée française fut écrasée. Napoléon, réduit à fuir à travers les morts et les mourants, apporta lui-même à Paris la nouvelle de sa défaite'. Cependant Lamarque était vic

1 Certaines anecdotes, bien qu'apocryphes, ont, si la vérité leur manque, la vraisemblance du moment, et sont connues de tout le monde. La vieille garde meurt, et ne se rend pas! répoud Cambrone quand il est sommé de se rendre. Wellington dit aux soldats, qui réclament m moment de repos : Impossible! Moi, vous, tous tant que nous sommes, il nous faut vaincre ici, ou mourir à notre poste.

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torieux en Vendée, et Suchet dans les Alpes; mais Napoléon s'écria : « Je ne puis rétablir mes affaires; j'ai mécontenté les peuples. »

Aveu remarquable; et pourtant il ne voyait encore d'autre expédient, pour organiser la résistance nationale, que de demander la dictature. Mais les représentants s'y refusèrent : Nous avons assez fait pour Napoléon, dit la Fayette; notre devoir est de sauver la patrie. Il lui fut enjoint d'abdiquer, et de partir. Alors on capitula avec les alliés, qui occupèrent Paris. On parla d'obtenir un gouvernement plus libre : les uns voulaient Napoléon II; les autres proposaient de substituer la famille d'Orléans à celle dont l'essai avait été si malheureux; mais Fouché intrigua si bien que le retour de l'ancienne branche des Bourbons parut inévitable, et Louis XVIII remonta sur le trône (8 juillet ).

Napoléon s'achemina vers Rochefort, avec l'intention de passer aux États-Unis; mais une croisière ennemie surveillait ces parages; il fallut y renoncer. Alors il se rendit à bord d'un vaisseau anglais, d'où il écrivit au prince régent qu'il venait, comme Themistocle, s'asseoir au foyer du peuple britannique. Les alliés, le considérant comme prisonnier de guerre, décidèrent qu'il serait transporté à Sainte-Hélène; il y vécut six ans captif, jusqu'au 5 mai 1821. Il dit en mourant, aux com pagnons de son exil : « Proclamez que mes intentions étaient « pures. Je voulais le bien, l'ordre et la justice. Je voulais rajeu« nir la société en refrénant l'arrogance, en démasquant l'ima posture, en frappant l'iniquité. Les temps étaient difficiles; j'avais de puissants ennemis; j'ai été contraint d'être, sévère malgré moi jamais cependant je ne fus injuste ni cruel. Je n'ai jamais pu détendre l'arc; ce qui fait que les peuples ont « été privés des institutions libérales que je leur destinais, << parce que mes ennemis en auraient tiré parti.

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Le jugement des peuples s'est appesanti sur lui. Celui de la France s'est ressenti de la gloire dont il l'avait comblée. Les Cent-Jours lui apportèrent de nouveaux dommages, une longue occupation, et ils devinrent un prétexte pour entamer ses libertés. Les vainqueurs inexorables voulaient la réduire à ce

qu'elle était sous Henri IV. Le patriotisme allemand redemandait l'Alsace et la Lorraine; l'Autriche, la Prusse et l'Angleterre voulaient qu'elle cédât le territoire des anciennes places fortes du côté des Pays-Bas, et que les fortifications d'Huningue fussent démolies. Alexandre, plus désintéressé, obtint pour elle des conditions moins dures. Elle fut frappée d'un impôt de guerre de sept cents millions, payables aux alliés en cinq années. Cent cinquante mille soldats étrangers occupèrent les places et les frontières, sorte de quarantaine qu'elle eut à subir.

Le Midi s'insurgea contre les bonapartistes : le maréchal Brune fut assassiné à Avignon, le général Ramel à Toulouse; beaucoup d'autres furent égorgés çà et là; l'armée fut licenciée; les journaux subirent le bâillon de la censure. Les Anglais eurent leurs quartiers dans Paris, dont un général prussien devint gouverneur; les autres armées alliées campèrent aux alentours. Louis XVIII leva une contribution extraordinaire, au mépris de la charte; il exclut vingt-neuf membres de la chambre des pairs, fit citer devant la justice militaire dix-neuf généraux, parmi lesquels figuraient Ney et Labédoyère. Ney fut condamné à mort par la chambre des pairs, en violation de la capitulation de Paris; l'autre fut aussi fusillé. Le général Lavalette dut son salut au dévouement de sa femme, qui le fit évader de la prison. Les Bourbons commençaient leur règne, comme Napoléon, par des procès: on fit des lois de circonstance contre les rebelles et les suspects; l'on créa des tribunaux d'exception. La chambre des députés, qui fut élue sous l'empire de ces passions, en reproduisit toute la violence; et Louis XVIII eut le mérite de se montrer plus clément que cette chambre introuvable (mot par lequel on la désigna). Des lois prononcèrent l'exil perpétuel des membres de la famille de Napoléon et des conventionnels qui avaient voté la mort de Louis XVI.

Note sur Alexandre, tirée des Mémoires de la Fayette.

2 On lit dans un codicile de Napoléon : « Dix mille francs au sousofficier Cantillon, qui a essuyé un procès comme prévenu d'avoir voulu assassiner lord Wellington, ce dont il a été déclaré innocent. »

Talleyrand se vit bientôt remplacé au ministère des affaires étrangères par le duc de Richelieu, qui avait servi sous Alexandre, et qui était pour l'alliance russe, de préférence à l'alliance anglaise. Louis XVIII et son ministre accordèrent tout aux alliés pour délivrer le pays de l'occupation étrangère, sans s'apercevoir que les puissances elles-mêmes avaient bâte de se retirer. Il y avait là des exemples de révolution et de liberté dangereux pour leurs soldats, dans un temps surtout où les rois eux-mêmes avaient favorisé l'élan des peuples, et où les Anglais répandaient partout les idées constitutionnelles.

Le duc de Richelieu fit entendre aux chambres des paroles nobles et tristes en leur présentant le traité du 15 novembre, qu'il qualifia de fatal. C'était, il lui semblait, une tache indelébile qu'il attachait à son nom; mais il se consolait en pensant que la France réclamait à grands cris d'être affranchie de l'occupation étrangère 1.

Les chefs-d'œuvre de l'art que la victoire avait réunis dans le musée Napoléon et que la première invasion avait respectés furent, après les Cent-Jours, redemandés à la France; mais ils furent du moins restitués non aux souverains, mais aux pays euxmêmes. Les tableaux d'Anvers furent rendus à la Belgique, et non à l'Autriche, son ancienne souveraine; ce qui avait été enlevé à Venise libre fut rapporté à Venise asservie. Denon avait dit à Pie VII, en lui montrant le musée du Louvre, qu'il verrait avec un vif regret tous ces chefs-d'œuvre enlevés à son pays: La victoire, lui répondit le pontife, les avait portés en Italië; la victoire les a déposés ici : qui sait où elle les reportera un jour? La prophétie venait de s'accomplir. Mais la France en

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M. de Richelien écrivait, le 19 novembre 1815: Tout est consommé : j'ai apposé hier, plus mort que vif, mon nom à ce fatal traile. J'avais juré de ne pas le faire, et je l'avais dit au roi; ce malheureux prince m'a conjuré, en fondant en larmes, de ne pas l'abandonner, et de ce moment je n'ai plus hésité. J'ai la confiance de croire que, sur ce point, personne n'aurait mieux fait que moi; et la France, expirant sous le poids qui l'accable, réclamait impérieusement une prompte délivrance. Elle commencera dès demain, au moins à ce qu'on m'assure, et s'opéréra successivement et promptement.

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souffrit comme d'un affront; et Canova, qui était venu présider à l'expédition des tableaux et des statues appartenant à l'Italie, se vit en butte à toutes les railleries 1.

C'est ainsi que la France sortit des mains de Napoléon, humiliée, ayant perdu au dehors la grandeur, au dedans la sécurité, et fatale après tout aux nations de l'Europe; car, sous prétexte de la punir, les rois finirent par opprimer les autres peuples que son exemple avait entraînés.

TRAITÉS DE VIENNE 2,

Le retour de Napoléon avait interrompu les fêtes et les trayaux des rois, assemblés à Vienne pour asseoir un nouveau droit public, La Révolution avait remis en question tout le système international, Les puissances avaient proclamé le droit d'intervenir dans la politique intérieure des autres États, et elles avaient provoqué la guerre civile en France par les coalitions de Mantoue et de Pilnitz. La France, d'une autre part, usurpait en 1797 le pouvoir constituant à Venise et à Gênes. A Ratisbonne, la constitution germanique était abolie. On assassinait à Rastadt les ambassadeurs. Dans les transactions successives, il semble que les grands États prissent à tâche de compromettre leur propre existence, en effaçant la Pologne, les républiques italiennes, les souverainetés ecclésiastiques de l'Empire, les principautés, les villes libres, les ordres chevaleresques, les dynasties régnantes. Les rois coalisés, en un

On disait de lui que ce n'était pas un ambassadeur, mais un emballeur.

* Tout le onzième volume de l'Histoire des traités de Scholl est consacré au traité de Vienne, et contient tout ce qu'il y a de mieux dans les importants travaux de G.-L. Kluber, Acten der Wiener Congresses 1815, 7 vol., et Uebersicht der diplomatischen Verhandlungen des Wiener Congresses überhaupt, und insonderheit über wichtige Angelegenheiten des Deutschen Bundes; 1816.

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