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restaient-ils pas dépouillés au profit des puissants, après les bouleversements de la guerre, dans le calme même des négociations? c'était ruiner l'antique foi aux dynasties. Ceux-là même qui remontèrent sur le trône s'étaient prévalu des effets de la Révolution et de la conquête. Lors donc que les rois se mettaient à jouer le rôle de révolutionnaires en détruisant ces priviléges qui ne manquaient à aucun peuple avant la Révolu tion, et en édifiant un absolutisme administratif, les peuples en vinrent à croire que l'histoire n'était rien, que les constitu tions pouvaient se faire et se défaire non-seulement par le progrès naturel des temps et par les moyens légaux, mais à volonté et à force ouverte. La plupart des souverains s'irritaient de ne plus retrouver ces dociles sujets de la fin du dix-huitième siècle; les sujets, de leur côté, se plaignaient de promesses inexé cutées; ils prétendaient obtenir des institutions, des garanties, réglant les droits et la part de chacun dans l'État; exclus du réel et du positif, ils se jetaient dans l'imaginaire.

Ce besoin général de liberté prenait, selon les pays, ses nuances particulières. En Pologne et en Italie, il avait pour but la nationalité; en Allemagne, l'idée de l'unité; en France, la dignité blessée de la patrie; en Angleterre, la réforme du système électoral.

Les sociétés secrètes, sous l'empire, avaient réveillé le sentiment national; et encouragé la résistance contre l'oppression etrangère. Lorsque la paix fut rétablie, les gouvernements, sans les poursuivre à outrance, leur suscitèrent bientôt des tracasseries; de telle sorte que, changeant non de but mais d'objet, elles se tournèrent contre ce nouveau despotisme, et finirent par attirer à elles les mécontents de chaque pays.

Celle des carbonari, née dans les Calabres sous le gouvernement de Murat, était dirigée contre la domination étrangère et contre ses idées. Elle tenait en grande partie des rites maçonniques; mais tandis que les francs-maçons, tout en se proposant de venger Hiram, professaient dans leurs banquets un déisme conforme à la philosophie du dix-huitième siècle, les premiers carbonari, animés d'une énergie mélancolique, voulaient venger la mort du Christ et rétablir son royaume. La police napolitaine,

n'ayant pu arrêter leurs progrès, songea à corrompre leur association, comme on l'avait fait de la franc-maçonnerie, en y introduisant des espions, des fonctionnaires, et jusqu'au roi lui-même, lorsqu'il eut des idées d'indépendance. L'armée de Murat, qui y était affiliée tout entière, laissa, lors de sa dernière invasion, un grand nombre de ventes dans les Légations, d'où elles se répandirent dans la Lombardie, surtout à Bologne, à Milan et à Alexandrie. Quelques exilés italiens firent pénétrer le carbonarisme en France, où les francs-maçons étaient toujours nombreux; ils y étaient divisés en loges du rit moderne, du rit ancien ou écossais, du rit de Misraïm ou templiers, et avaient, dans la formule Liberté-Egalité-Fraternité, substitué à ce dernier terme le mot Humanité '. Lạ charbonnerie fut greffée sur ce tronc, principalement par Armand Bazard, qui devint ensuite un des premiers saints-simoniens; par le Florentin Buonarotti, ancien partisan de Babeuf; par Flottard et par Buchez.

Voici, en peu de mots, l'organisation de ces sociétés : Une vente particulière ne comprend pas plus de vingt bons cousins en relation entre eux, mais isolés des autres ventes; les députés de vingt ventes partielles forment une vente centrale qui, au moyen d'un député, communique avec la haute vente; puis celle-ci reçoit, par un délégué, l'ordre de la vente suprême et d'un comité d'action; ce qui assure le secret, la facilité de se réunir et de s'étendre, sans nuire à l'unité.

Les carbonari n'écrivaient rien, et communiquaient toujours entre eux de viye voix. Ils se reconnaissaient au moyen de cartes découpées et de mots d'ordre, qui étaient Espérance et Foi. Ils alternaient les syllabes de cha-ri-té; en se serrant la main, ils formaient avec le pouce les lettres C et N. Tout parjure qui dévoilait aux païens le secret des signes, du règlement et du but de l'association, était puni de mort. Tout membre devait se procurer un fusil, une baïonnette et vingt-cinq cartouches; la cotisation à la caisse commune était d'un franc

Maintenant, en France, ils dépendent tous du Grand-Orient, qui se compose des députés des loges particulières.

par mois, et l'on devait en verser cinq à l'époque de l'admission.

Les carbonari devinrent très-nombreux en France; ils y remplirent les écoles, le commerce et l'armée'; ils songèrent même à réunir tous les étudiants à l'École polytechnique, dans laquelle ils comptaient beaucoup d'adeptes, de même que parmi les clercs de notaire et les avocats. Ils eurent ainsi de l'influence sur les élections. Ils manquaient toutefois d'un principe commun d'accord sur l'idée de détruire ce qui était debout, ils n'avaient rien d'arrêté sur ce qu'ils devaient y substituer. Dans l'origine, ils étaient radicaux et républicains; mais lorsqu'ils se furent adjoints des hommes distingués par leur fortune et leurs emplois, ils se divisèrent quant au but. Les uns songeaient à Napoléon II, dans l'espoir d'être secondés par l'Autriche, soit pour élever au trône le fils de l'archiduchesse, soit pour porter le trouble chez des voisins toujours redoutés. D'autres jetaient les yeux sur Louis-Philippe d'Orléans, homme nouveau, qui, nourri dans les idées libérales, devrait tout à la révolution. Divers soulèvements, et surtout l'insurrection de la Rochelle, étincelle que devait suivre un vaste incendie, appelèrent sur eux l'attention du gouvernement, et l'on vit alors combien ils s'étaient propagés. Mais les dissensions éclatèrent parmi eux : tantôt c'était répugnance à obéir à certains chefs, des soupçons sur l'emploi des fonds, ou bien des dissentiments sur les moyens propres à atteindre le but. Ils fraternisaient toutefois avec les illuminés de l'Allemagne, les francs-maçons de la Suisse, les carbonari de Naples, du Piémont, de la Lombardie et de l'Espagne, qui s'étaient chargés de porter les premiers coups, et qui, secondés par d'autres encore, devaient ouvrir un abîme sous les pas des gouvernements mal établis.

La France crut parer à ce danger en limitant la liberté de la presse, et en «< mettant l'intelligence humaine sous la juridiction de la police. » Les alliés renouvelèrent leur union à Aix-laChapelle (1818) en termes moins vagues, mais donnant tou

'Leurs actes ont été révélés après la révolution de 1830, et surtout dans Paris révolutionnaire, par Trélat, 1834.

jours la fraternité chrétienne pour base aux principes conservateurs; puis ils établirent des conférences pour régler les affaires du monde :

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« Le but de cette union, dirent-ils, est aussi simple que saint « et salutaire. Il n'est point question de nouvelles combinaisons politiques, de changer les rapports établis par les traités précédents; mais notre alliance calme et constante maintiendra la paix, et les transactions qui la fondèrent et la con« solidèrent. Les souverains, en formant cette auguste union, « ont adopté l'invariable résolution de ne jamais s'écarter entre « eux ni envers les autres États de la plus stricte observation des principes du droit des gens, qui, appliqués à un état de << paix permanent, peuvent seuls garantir efficacement l'indé. « pendance de chaque gouvernement et la stabilité de l'asso «ciation générale.

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« C'est dans ces sentiments que les souverains mèneront à « fin l'œuvre à laquelle ils ont été appelés; ils ne cesseront pas

de travailler à la consolider et à la perfectionner. Ils recon"naissent formellement que leurs devoirs envers Dieu et ena vers les peuples qu'ils gouvernent les obligent à donner au « monde, autant qu'il leur est possible, l'exemple de la justice, << de la concorde, de la modération : heureux de pouvoir diriger a tous leurs efforts à protéger les arts de la paix, à accroître << la prospérité intérieure de leurs États, à y réveiller les sen« timents de religion et de morale, trop affaiblis par les mal« heurs du temps.

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Le ministre de Russie Stourdza appela l'attention du congrès sur le réveil de l'esprit libéral et le danger des sociétés secrètes. Alors ce fut contre la Russie que se tourna la haine de la jeunesse, qui regarda depuis cette puissance comme l'obstacle aux concessions que les princes semblaient disposés à faire. Le dramaturge Kotzebue, ancien champion des idées patriotiques, qui tournait alors les libéraux en ridicule dans la Gazette de Manheim, fut poignardé par l'étudiant Sand (3 mars 1819). Ce jeune homme marcha au supplice avec la même intrépidité qu'il avait mise à avouer son crime, et il fut exalté comme un martyr par les sociétés secrètes, surtout par la Burchenschaff,

HIST. DE CENT ANS. T. II,

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par le Tugendbund', qui ne réclamaient plus seulement l'indépendance, mais bien les libertés promises et refusées. Ces étudiants, vêtus à la vieille mode teutonique, avec un cordon blanc et noir en bandoulière, toujours munis du poignard, portaient un crâne avec cette inscription: Ultima ratio populorum. Les rois en prirent l'alarme. Bientôt l'Autriche et la Prusse, réunies à Carlsbad, firent décider par les princes que la diète était le seul interprète officiel de l'article qui promettait des assemblées à chaque État; qu'elle pourrait, en attendant, diriger des troupes partout où le désordre éclaterait, exiler les professeurs et les étudiants libéraux; que chacun des gouvernements allemands établirait une censure pour les livres, et qu'il en serait responsable; qu'une commission extraordinaire siégerait à Mayence pour réprimer les mouvements et les menées libérales.

C'est ainsi que les organisations secrètes fournissaient en France et en Allemagne des prétextes pour fouler aux pieds les libertés légales. On eut recours en même temps à la répression morale ne se contentant point de faire fulminer l'anathème par tous ses journaux, l'Autriche détermina Pie VII à condamner les associations. Le pontife leur reprocha ( Ecclesiam a J. C.) le secret dont elles s'enveloppaient, et les accusa de conduire à l'indifférence religieuse en laissant chacun libre de se faire une religion à sa guise; tandis qu'elles montraient, au contraire, un respect particulier et une préférence marquée pour la foi catholique, pour la personne et la doctrine de Jésus Christ, qu'elles appelaient « le recteur et le grand maître de leur société. »

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1 Le Tugendbund ( Ligue de la vertu), dont un des premiers tondateurs fut le célèbre philosophe Fichte, avait beaucoup contribué à la guerre de l'indépendance, La Burchenschaft avait été fondée par Henri Gagern, qui fut président de l'assemblée constituante allemande en 1848: cette association centralisa les différentes ligues d'étudiants.

AM. R.)

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