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tout ce qui se fit dans le cours de ces trois années, parce que les Italiens qui y coopérèrent n'agissaient pas librement, poussés qu'ils étaient par des inspirations étrangères.

Bonaparte, qui déjà ne déguisait plus ses vues ambitieuses, affectait de protéger les écrivains et les savants, tandis qu'il traitait avec hauteur les députés et les dignitaires. On pouvait voir dans l'hôtel de Montebello, qui déjà s'appelait son palais, les abeilles du manteau impérial apparaître sous l'écharpe ré publicaine. Il savait représenter aux Italiens les funestes conséquences de leurs divisions, le besoin d'acquérir le sentiment de leur propre dignité, et de s'habituer au maniement des armes. Il projetait déjà la route du Simplon, pour faciliter les communications de l'Italie avec la France. Puis, à son départ, laissant Berthier en Lombardie à la tête de trente mille hommes, il adressa cette proclamation aux habitants : « La liberté vous « a été donnée sans factions, sans massacres, sans révolution; << sachez la conserver! Vous êtes appelés à de grandes choses, « vous, la république la plus riche et la plus populeuse après la << France. Ne faites que des lois sages et modérées; faites-les « exécuter avec force et vigueur; favorisez la propagation des « lumières et respectez la religion; composez vos bataillons,

* Il écrivait à Oriani, le 24 mai 1796 : « Les sciences qui honorent l'esprit, les arts qui embellissent la vie et transmettent les grandes ac tions à l'avenir, doivent être en honneur dans les républiques. Tout homme distingué dans les lettres et dans les sciences est Français, en quelque lieu qu'il soit né. J'ai appris avec peine que les savants ne jouissent pas à Milan de la considération qu'ils méritent; que, retires dans leur cabinet et dans leur laboratoire, ils sont heureux quand les rois et les prêtres ne les tracassent pas. Aujourd'hui tout est changé : la pensée est libre en Italie; plus d'inquisition, plus d'intolérance, plus de discussions théologiques. J'invite les savants à se réunir, à m'exposer les moyens de donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et un nouvel être. Ceux d'entre eux qui voudront aller en France y seront accueillis avec honneur le peuple français fait plus de cas de l'acquisition d'un mathématicien, d'un peintre, d'un savant, que de la plus riche cité. Citoyen Oriani, faites connaître aux savants de la Lombardie ces sentiments du peuple français.

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⚫ non pas de gens sans aveu, mais de citoyens loyaux; ayez le ⚫ sentiment de votre force et de votre dignité, tel qu'il convient ⚫ à des hommes libres. Après tant d'années de tyrannie, vous ⚫ n'auriez pu recouvrer par vous-mêmes la liberté; mais bientôt ▪ vous pourrez la défendre par vous-mêmes. Je vous quitte sous peu de jours. Un ordre de mon gouvernement ou un ⚫ danger imminent de la république cisalpine me rappelleront ⚫ seuls au milieu de vous. Conservez, en attendant, la certi• tude que j'aurai toujours à cœur le bonheur et la gloire de ⚫ votre république. »>

Ces sentiments étaient loin de ressembler aux proclamations furibondes des républicains en effet, Bonaparte sentait la nécessité de l'ordre. Dans le Piémont, qui, remué par les novateurs, avait vu éclater la guerre civile, il se montra bienveillant envers la cour, qui l'emporta, grâce à son appui, et qui sévit contre les plus compromis de ces factieux.

Gênes se voyait maltraitée, comme l'est toujours le faible au milieu des forts; les aristocrates et les démocrates continuaient à s'y combattre avec acharnement; les derniers étaient stimulés par les journaux et les émissaires de Milan, ainsi que par le commissaire français Faipoult. L'insurrection éclata dans la Polcevera, et elle fut sanglante (mai 1797). Cette guerre civile fut apaisée par Bonaparte, qui, tout en se plaignant que des Français y eussent été tués, et en malmenant l'aristocratie, modifia la constitution dans un sens qui n'avait rien de trop populaire. L'ancien sénat fut aboli; les deux conseils législatifs continuèrent de subsister, avec un sénat exécutif présidé par un doge. La banque de Saint-George, la dette publique furent garanties, les priviléges supprimés; enfin, des hommes modérés et appartenant aux différentes classes étaient appelés aux emplois. Mais le peuple, qui ne connaît pas de mesure, se laissa aller à sa fièvre ordinaire d'imitation: il brûla le Livre d'or, abattit la statue d'André Doria, « le premier des oligarques, » consacra à la régénération ligurienne la maison du droguiste Morando, où s'étaient formées les réunions républicaines; et le territoire exigu de la république fut divisé en quatorze départements.

Les divers agents du Directoire avaient pour instructions de se montrer modérés, de ne point fomenter d'insurrections, ni de faire naître trop d'espérances. Mais les passions, une fois excitées, ne se gouvernent pas aisément, et d'ailleurs l'exemple parlait assez haut: l'armée était remplie d'ardeur républicaine, et partout-la demeure du diplomate français était un foyer de soulèvements.

Rome, indépendamment de l'humiliation qu'elle avait subie, recevait des provinces qu'elle avait perdues des regrets et des instigations. Le pape avait été contraint d'agir comme les révolutionnaires, de s'emparer des ornements des églises, de taxer les ecclésiastiques, de vendre un cinquième des biens de mainmorte, de faire trêve aux cérémonies et aux pompes du culte catholique. Ces actes faisaient murmurer ses sujets, déjà scandalisés des richesses amassées par son neveu Braschi. Les jansénistes reprenaient crédit et élevaient la voix; on parlait de vieilleries sacerdotales, de royaume des cieux détaché de celui de la terre, de réforme, de sécularisation. La création d'un papier-monnaie porta le mécontentement au comble, et on crut le moment venu d'enlever aux prêtres le gouvernement. Les artistes français qui étudiaient à Rome jetaient de l'huile sur le feu, et ils tentèrent un soulèvement: le général Duphot fut tué dans la mêlée (28 octobre). Cet accident fut traité d'assassinat et de violation du droit des gens. Joseph Bonaparte, alors ambassadeur à Rome, demanda ses passeports, et se retira; puis le Directoire envoya l'ordre à l'armée, qui ne demandait pas mieux, de marcher, sous les ordres de Berthier, contre la nouvelle Babylone. Ce général s'avança sans rencontrer de résistance (février 1798), disant aux soldats qu'ils allaient châtier le gouvernement, qui seul était coupable, sans porter préjudice au peuple ni blesser ses habitudes religieuses, dans cette Rome que protégeait le prestige des souvenirs et non la force des armes. Le château Saint-Ange se rendit, à la condition que le culte, les établissements publics, les personnes et les propriétés seraient respectés.

A peine le peuple eut-il vu les drapeaux tricolores arborés, qu'il se proclama libre. Berthier s'établit sur le Quirinal; l'arbre

de la liberté s'éleva en face du Capitole; les noms de Brutus et de Scipion se trouvèrent sur toutes les lèvres. Le pape, retiré dans le Vatican, refusa d'abdiquer la souveraineté temporelle, attendu qu'il n'en était que le dépositaire. On le fit en conséquence partir pour la Toscane. Les palais de l'État et ceux des cardinaux étrangers furent dépouillés, ainsi que les églises. On supprima la Propagande, « comme une institution inutile. » Sa riche bibliothèque fut mise au pillage, et ses archives eurent à peu près le même sort. Les propriétés privées ne furent pas non plus respectées, et les riches furent frappés d'énormes contributions. Masséna, qui succéda à Berthier, commit et laissa commettre une foule d'exactions. Les plaintes des troupes, qui n'étaient pas payées, le firent remplacer.

Vienne et Naples réclamèrent contre cette occupation; les Transtévérins et les campagnes se soulevèrent; le sang coula; puis, l'insurrection calmée, on donna au pays la constitution ordinaire. Chose remarquable! dans le centre du catholicisme, il n'y était pas dit un mot de la religion. Selon l'usage, il fallut prêter serment de haine à la monarchie. Pie VI déclara, par une encyclique, qu'on ne doit haïr aucun gouvernement; que l'on peut toutefois jurer d'obéir à la république, et de ne rien tramer contre elle. Ces paroles conciliantes, comme on peut le croire, déplurent aux exaltés, qui célébrèrent sur la place du Vatican la fête de la Fédération.

En Hollande, les orangistes regrettaient le stathouder, comme les fédéralistes les anciennes administrations provinciales; les jacobins voulaient l'unité et la démocratie pure; les modérés, une constitution unitaire, mais tempérée, et ils avaient le Directoire pour eux. Mais quand les fédéralistes eurent été écartés pour donner une constitution unitaire au pays (22 janvier), les démocrates, qui prétendaient l'emporter à l'exclusion de tout autre parti, acquirent une grande force : rependant le général Daendels, le chef des modérés, parvint à les abattre, et les chassa du corps législatif à coups de baïon

nettes.

CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE,

La Suisse, dont l'existence avait été reconnue à la paix de Westphalie, resta calme et immobile pendant toute la durée du dix-septième siècle. Si tout lien fédéral est faible, sauf les cas de péril, cela est vrai surtout pour la confédération helvétique, où s'ajoutent les dissentiments religieux et la domination commune sur des provinces sujettes.

Les cantons s'étaient constitués de telle sorte que la noblesse dominait à Lucerne, à Berne, Fribourg et Soleure. La haute bourgeoisie avait la prépondérance à Zurich, Bâle, Schaf fouse et Saint-Gal, et tenait la campagne sous la suprématie de ces villes. Les cantons démocratiques eux-mêmes avaient leur noblesse, mais sans priviléges consacrés par la loi. Toutes les formes de gouvernement existaient là en contact : la démocratie pure à Schwitz, l'oligarchie à Lucerne, l'aristocratie à Berne, la monarchie constitutionnelle à Neufchâtel; le gou vernement théocratique à Porentruy. Toutes les combinaisons des pouvoirs municipaux se rencontraient à Bâle, à Zurich, à Genève, à Saint-Gall. La capricieuse brutalité des factions du moyen âge régnait dans les Grisons, découpés en cent cinquante républiquettes rurales, qui n'étaient rapprochées entre elles que par les deux puissantes factions des Planta et des Salis. Tous les degrés de dépendance existaient dans les contrées sujettes; et les cantons, dominant tour à tour sur ces pays, y favorisaient successivement leurs coreligionnaires, et s'accusaient réciproquement d'injustice et d'abus.

Les villes faisaient peser leur tyrannie sur les habitants des campagnes, ilotes à qui ils ne laissaient que le droit de travailler et de payer. Des baillis, arrogants et avides, punissaient les moindres fautes avec une verge de fer, épuisaient le pays par des amendes. Venait-on à réclamer? les magistrats étaient soutenus dans les conseils et devant les tribunaux par leurs parents et

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