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mixte du sommeil sortirait-il de ses nuages? Il ne sera résolu qu'à la lumière de la raison et des faits, par des médecins assez indépendants pour secouer le joug de l'École et se rattacher au spiritualisme traditionnel, ou par des philosophes assez hardis pour s'affranchir des vieilles formules et mettre la science au service de leur psychologie. Dans ces conditions, les difficultés inextricables du passé disparaissent et le succès est assuré.

I.

« Un problème bien posé est à moitié résolu », dit justement un vieil adage. L'important est donc de définir le repos morphéique dans sa nature et dans ses bornes. Combien d'auteurs ont disserté à ce sujet sans tenir compte de sa condition élémentaire! Des livres entiers ont été écrits sans répondre à cette préliminaire et indispensable question: Qu'est-ce que le sommeil ?

Est-ce un phénomène physiologique? Est-ce un phénomène psychologique? Les avis sont partagés; et c'est plaisir d'entendre un aliéniste philosophe, Lélut, répondre dans le Dictionnaire de M. Franck: Le sommeil est le repos de l'homme. Or qu'est-ce que l'homme? Une intelligence, une pensée, servie sans doute par des organes, mais avant tout une pensée. Le sommeil, c'est donc le repos de la pensée (1). Cette thèse originale n'a plus cours; elle remonte du reste à une époque lointaine. Mais d'autres, tout aussi originales et encore moins acceptables, sont enseignées aujourd'hui dans les chaires publiques. Nous ne voulons retenir ici que celle de M. V. Egger (2).

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Ce philosophe, professeur à la Faculté de Nancy, estime que l'esprit dort comme le corps. Les sens dorment,

(1) DICT. DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES, art. Sommeil, page 1644. (2) Critique philosophique, 1888.

la raison dort. « Le mens dort moins profondément que les sens, mais il dort. Ce sommeil de l'âme nous laisse rêveur; mais nous nous réveillons pour de bon, inquiet et mécontent, quand M. V. Egger, en veine de découvertes, nous apprend que le sommeil est non seulement psychologique et physiologique, mais encore et surtout pathologique. Le sommeil est, pour une part du moins, une maladie mentale, comme la folie; c'est une maladie périodique et normale (!), une crise salutaire, comme la purgation périodique des gens sanguins, mais c'est une maladie." Remarquons en passant que, si l'idée est singulière, elle n'est pas neuve. Nombre d'auteurs ont assimilé la période morphéique à la folie; et il y a longtemps que Maury écrivait : « L'homme qui dort représente véritablement l'homme atteint d'aliénation mentale (1).

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Qu'est-ce à dire? Le sommeil sort-il du domaine physiologique ? A-t-il le moindre caractère pathologique ? Bien osé qui voudrait le prétendre. Aussi M. Egger imagine-t-il de tourner la difficulté en appelant le sommeil une maladie normale. C'est une antonymie flagrante. Tout ce qui est normal ressort de la physiologie; tout ce qui est anormal rentre dans la pathologie. Il n'y a pas de maladie normale. Le sommeil est aussi normal que la veille, et celle-ci n'est pas plus pathologique que le repos morphéique. Ce sont deux phases distinctes et successives de l'évolution vitale.

L'erreur de M. Egger et des autres est facile à expliquer: elle tient à la confusion constante qu'ils font entre deux périodes différentes et spéciales du repos morphéique, entre la somnolence ou sommeil avec rêve et le sommeil proprement dit qui est sans rêve. Le rêve ne constitue pas le sommeil. Il y a un sommeil plein, où non seulement la vie de relation cesse, mais où l'activité de l'imagination

(1) Le Sommeil et les rêves, page 167.

même se suspend: c'est une période dépourvue de rêves. Cette distinction du sommeil plein et de la somnolence est facile à faire pour tout observateur attentif; elle est, selon nous, capitale, si l'on veut arriver à expliquer le repos morphéique. Nous y reviendrons plus loin.

Il est évident que le rêve de l'homme endormi a des analogies nombreuses, frappantes, avec l'aliénation mentale. Tous les auteurs les ont notées ; et l'un d'eux a même défini la folie « le rêve de l'homme éveillé ». Mais il ne faut pas exagérer ces rapprochements. En allant au fond des choses, on saisit les différences et on reconnaît les espèces. Comparaison n'est pas raison. Le rêve est une modalité physiologique du sommeil; la folie est une maladie psycho-encéphalique. Nul n'échappe aux rêves, et les maladies mentales sont seulement le lot de quelquesuns. Les illusions du rêve durent peu, cèdent à la clarté de la veille, ne trompent personne; celles de la folie sont tenaces, persistantes, résistent à toute évidence. Quelle confusion pourrait-on faire entre les unes et les autres ?

Le sommeil n'a donc rien de pathologique, rien d'anormal c'est un état physiologique et, pour mieux préciser, un état psycho-sensoriel. Que les poètes y voient l'image de la mort, que des philosophes arriérés le regardent encore comme le repos de l'esprit, peu importe. La science ne s'arrête pas à ces termes qui définissent de vaines apparences. Pour elle, le sommeil est manifestement une des formes de la vie : c'est l'arrêt périodique du mouvement, le repos momentané des organes sensibles. Tous les animaux sont assujettis au sommeil. Il semble que le repos morphéique soit l'apanage de la vie nerveuse, et l'on a heureusement donné la caractéristique de cette vie dans la proposition suivante: «Les fonctions du système nerveux se distinguent par une intermittence d'action ou une périodicité d'où résultent la veille et le sommeil. »

II.

Le sommeil, selon nous, se partage en deux états distincts, suivant qu'il est ou non accompagné de rêve. Le premier est la somnolence; le second est le sommeil proprement dit ou sommeil plein.

Mais, nous ne devons pas l'oublier, la difficulté de notre sujet est extrême et prête aux contradictions. Tout le monde n'admet pas l'existence de la somnolence, telle que nous l'avons définie. La question des rêves qui s'y rattache intimement est loin d'être résolue et continue à être très ardemment discutée. Nous devons donc l'examiner ici.

Trois opinions sont en présence.

Suivant la première, le sommeil et la veille se partagent la vie animale: il n'y a pas de rêve. L'homme passe brusquement de l'état conscient et vigil à l'inconscience absolue; en un mot il dort sans jamais rêver.

Une seconde opinion soutient qu'il n'y a pas de sommeil sans rêve; et une troisième, qui est la nôtre et que nous trouvons défendue par la plupart des auteurs modernes, affirme que le rêve est intermittent pendant le sommeil, et qu'il alterne avec des périodes où l'imagination reste absolument muette et inerte.

La première théorie ne résiste pas à l'examen. Comment nier le rêve, en présence de l'expérience commune? Chacun. sait d'une manière certaine qu'il a rêvé; et si tous ne se rappellent pas l'objet de leurs songes, personne ne peut en contester l'existence. Des auteurs anciens ont, il est vrai, rapporté des exemples de sommeil sans rêve ; mais ces cas exceptionnels, outre qu'ils sont très contestables, confirment la règle générale loin de l'ébranler.

L'opinion qui admet une série ininterrompue de rêves pendant le sommeil est beaucoup plus sérieuse, et est soutenue encore par nombre d'auteurs. Nous nous refusons à

l'accepter, non pas parce que ses patrons manquent d'autorité, mais parce que les raisons dont elle s'appuie sont étrangères à l'observation. Or, dans cette délicate question du rêve, il n'y a qu'un moyen de se renseigner : c'est de faire appel à l'introspection. L'observation externe est inapplicable ici; l'expérimentation de même. La conscience seule peut nous apprendre les conditions du rêve. Il est vrai que la mémoire des songes est des plus instables, des plus fugaces; mais sa faiblesse même prouve son existence. On se souvient très bien d'avoir rêvé, si on oublie vite la nature du rêve; c'est un témoignage rapide, passager, mais incontestable. Un savant maître, le professeur Serguéyeff, qui s'est livré à une étude approfondie du sommeil et croit à la perpétuité du rêve, accepte malaisément ce témoignage. Sait-il un autre moyen d'investigation? Il critique une mémoire à l'excès faillible, dont on a pu dire « qu'elle est une faculté qui oublie », et reconnaît avec peine que sa thèse n'en tire pas la moindre confirmation. Il est obligé de prétendre qu'on rêve le plus souvent sans le savoir. Qu'il prouve une telle affirmation, et nous accepterons son dire.

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Malheureusement la perpétuité du rêve n'est attestée par aucune preuve directe, par aucune observation. Le professeur Serguéyeff essaie de tourner la difficulté et fait appel à un singulier raisonnement. L'esprit veille toujours, écrit-il, parce qu'il est démontré que, dans l'ordre psycho-sensoriel, le cerveau fonctionne sans cesse ni trêve (1). » Voilà, pour un esprit philosophique, un vrai contresens, une bonne et franche pétition de principe! On déclare démontré ce qui est précisément en question et décourage encore les efforts des physiologistes. Le cerveau est indubitablement soumis à une rénovation continue de ses éléments pendant le sommeil comme pendant la veille, les fonctions végétatives s'y accomplis

(1) Physiologie de la veille et du sommeil, t. II,

p. 921.

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