Sayfadaki görseller
PDF
ePub

sent sans relâche comme dans tous les organes. Mais la question est de savoir quelles fonctions psycho-sensorielles s'exercent au cerveau: la science n'a pu encore y répondre. Rien ne montre que le cerveau soit préposé à l'alternance de la veille et du sommeil ; rien ne prouve surtout qu'il y préside seul. Ce qui est avéré, c'est que l'encéphale est le centre fonctionnel de la sensibilité. On ignore encore la part que ses différents organes prennent à la vie sensible; mais il est probable que le cerveau n'accapare pas à lui seul toute l'action. En admettant même qu'il fonctionne sans cesse, pourquoi le rêve serait-il perpétuel, pourquoi l'esprit serait-il toujours en activité? L'argumentation de Serguéyeff ne repose ni sur la logique ni sur les faits; elle a beaucoup d'analogie avec celle que nous opposent certains spiritualistes et qu'il nous reste à examiner.

Ces philosophes, qui comptent parmi eux des esprits célèbres et justement réputés, tels que Descartes et Leibnitz, n'admettent pas qu'il y ait un sommeil sans rêve. Pourquoi ? S'appuient-ils sur l'observation soit interne soit externe? Nullement. Leur seule raison est d'ordre psychologique et leur paraît irréfutable. Écoutons-les.

L'esprit est actif par nature et ne saurait connaître le repos. « La pensée, quand elle ne pense pas, n'est pas. La pensée pense toujours; c'est là sa nécessité, son essence. (Lélut.) Or le cerveau est l'organe de la pensée, comme il est l'organe du sommeil. Donc l'homme endormi doit toujours rêver.

[ocr errors]

Tel est le brillant syllogisme qu'on défend avec éloquence et vigueur, sans s'inquiéter de savoir s'il est juste et surtout s'il s'accorde avec les données de la science. On le tient pour irréfutable et on en fait comme la clef de voûte de la doctrine spiritualiste. Le rêve est perpétuel, nécessaire, parce que c'est une nécessité de l'âme humaine, parce que le sort de la philosophie en dépend. Nier la constance du rêve, ce serait détruire les fondements

mêmes de la psychologie, ce serait nier l'esprit... qui doit agir toujours ou qui n'est pas !

Malheureusement pour nos philosophes, ce n'est pas la spiritualité de l'âme qu'il s'agit d'établir, mais bien la nature du sommeil. Or le sommeil est une fonction purement physiologique, commune à l'homme et aux animaux; la sensibilité seule y est directement intéressée. Qu'importe dès lors l'activité psychique quand il s'agit de la constance des rêves?

Cet argument métaphysique, tout supérieur qu'il soit, n'a pas paru suffisant à la plupart des auteurs, et le Dr Lélut a cherché à le corroborer par d'autres preuves, par l'activité de la matière, par l'activité vitale. « C'est ne rien avancer que de très philosophique et de très certain, écritil, que de dire que dans l'ordre actuel des choses et dans l'état particulier de la constitution humaine, l'esprit, s'il n'est pas dépendant de la matière, y est au moins fort étroitement uni; que ses modifications dépendent de celles de la matière, ou tout au moins leur sont corrélatives. C'est là un fait admis par tous et qui ne peut pas ne pas l'être. Or, qui dit matière dit activité, mouvement nécessaire et sans relâche; autre vérité aussi ancienne que la philosophie, et qui a pour répondant Leibnitz aussi bien qu'Épicure. S'il en est ainsi de la matière, qu'on a quelquefois appelée inerte, que sera-ce de celle qui, dans le plus élevé des êtres de la création, constitue l'organe régulateur de son économie tout entière? Or, du continuel mouvement de cet organe dépend non seulement la vie, mais encore, mais surtout, le sentiment, la pensée. On voit donc qu'on peut arriver, par une voie tout opposée à celle qu'avait prise Descartes, à reconnaître avec lui qu'il n'y a pas de repos absolu pour l'esprit. — Veut-on tenir le raisonnement plus voisin de l'observation, serrer de plus près les faits de l'économie vivante? Cette vérité deviendra plus manifeste encore. En mécanique, nous voulons dire dans celle qui est l'ouvrage de l'homme, la recherche du

mouvement perpétuel est une chimère; mais en mécanique animale ce mouvement est tout trouvé. Envisagée dans ses rouages, la vie n'est pas autre chose que cela. Non seulement l'ensemble des organes ne se repose jamais, mais aucun organe ne se repose complètement. Un peu de ralentissement, voilà tout ce qu'il est possible d'observer dans l'ensemble et dans les détails des fonctions plus particulièrement vitales, ralentissement d'autant moindre qu'on y pénètre à une plus grande profondeur. Et ce travail continuel des organes a lieu la nuit comme le jour, dans le sommeil comme dans l'état de veille. Souvent même, dans le sommeil, leurs actes les plus intimes et les plus nécessaires offrent, au lieu de ralentissement, un surcroît d'activité. Or, ce sont précisément ces actes vitaux que d'étroits rapports de solidarité unissent aux manifestations les plus élémentaires de la sensibilité, grossiers mais premiers matériaux de la pensée. Ce sont ces actes intimes des organes de la vie végétative ou des foyers nerveux qui les tiennent sous leur dépendance, qui donnent lieu au sentiment général de l'existence, et plus particulièrement à ces sensations confuses, à ces émotions indistinctes, relatives soit aux principaux instincts de la vie alimentaire, soit à des affections déjà un peu plus relevées et un peu plus intellectuelles. Les résultats psychologiques auxquels ils concourent dans l'état de veille, ils y concourent de toute nécessité dans le sommeil. Les sensations élémentaires dont ils sont le point de départ y déterminent inévitablement les sentiments, les idées qu'associent à ces sensations les lois de l'organisation ou les habitudes de la vie (1). "

En dépit de sa longueur, ce texte est instructif : il montre à quelles aberrations se laisse entraîner l'esprit séduit par une thèse préconçue. Le rêve est perpétuel, nous dit-on, parce que l'activité vitale est incessante,

(1) Loc. cit., p. 1644.

parce que la vie sensible est sans arrêt. Une telle preuve est des plus contestables et appelle les plus expresses réserves. Si la constance appartient au tourbillon vital et semble caractériser les phénomènes végétatifs, on peut dire que l'intermittence est le fait des phénomènes sensibles. Non seulement les organes nerveux sont assujettis à l'alternative de l'action et du repos, mais les muscles eux-mêmes, et le plus important de tous, le cœur, subissent cette loi de l'intermittence fonctionnelle. Voilà ce que les observateurs superficiels n'ont pas vu et ce qui prouve l'inanité de leurs raisons en faveur de la constance du rêve. Il paraît beaucoup plus rationnel d'admettre que les songes n'échappent pas à la loi commune et sont intermittents pendant le sommeil. Nous allons voir que l'observation confirme le raisonnement et vient à l'appui de notre thèse.

III.

Les rêves, qui caractérisent l'état de somnolence, demanderaient à eux seuls une longue étude; nous ne pouvons leur consacrer ici que quelques pages. Combinaisons bizarres d'images et d'idées, tantôt confuses, tantôt claires et suivies, mais toujours légères et inconsistantes, ils accusent une demi-conscience qui a des degrés variés et se relie d'une part à la pleine conscience de la veille et de l'autre à l'inconscience du sommeil plein. Il y a des rêves dont on suit à peine le fil, dont l'inconscience est presque absolue; il y en a d'autres où les images s'enchaînent avec netteté, avec suite, où leurs reliefs sont saisissants, où préside une certaine conscience. Dans ce dernier cas, on ne peut contester que l'attention fixe les objets, les analyse en quelque sorte et en poursuit parfois la conservation. Tous les auteurs ont noté cette phase de somnolence qui appartient d'ordinaire au matin, et

plusieurs en ont profité pour l'étude. M. le Dr Tissié, par exemple, le déclare dans son livre sur les Rêves, mais en confondant malheureusement la somnolence avec le sommeil. « Laissant de côté, écrit-il, tout préjugé au point de vue de mon observation intime, je m'étudiai pendant mon sommeil. Je parvins ainsi, avec quelque entraînement, à pouvoir me rappeler au réveil un rêve que je voulais noter. Quelquefois je l'avais oublié, mais le souvenir que j'avais fait un rêve intéressant existait, et, en réfléchissant, je me le rappelais; d'autres fois encore, la réminiscence était provoquée par une impression sensorielle. Il m'arrivait souvent de penser à mon étude pendant le sommeil et de me dire quand je rêvais : « Voici un phénomène qu'il faudra noter. » Mais, au réveil, le rêve perdait la valeur que je lui avait accordée en dormant (1). »

"

Les faits sont très exactement observés, mais les expressions sont inexactes. La somnolence n'est pas le sommeil, et le dormeur ne rêve pas toujours.

La fréquence des rêves est très variable suivant les sujets et dépend de multiples conditions: de l'âge, du tempérament, de la profession, de la fatigue, de l'état de santé ou de maladie, etc.

Commune chez le vieillard, la somnolence est rare dans l'enfance, et elle l'est d'autant plus qu'on se rapproche de la naissance. Les jeunes enfants dorment beaucoup, et d'un sommeil plein. Ils ne connaissent le rêve qu'assez tard, quand l'imagination est assez développée pour en fournir le canevas preuve nouvelle que le rêve n'est pas le compagnon obligé du dormeur, et que somnolence et sommeil ne sont pas synonymes.

Les différences sont profondes d'un individu à l'autre. Telle personne rêve habituellement; telle autre a un sommeil de plomb, avec peu ou point de rêve. Ces variations tiennent sans doute souvent au tempérament qui

(1) Les Rêves, Introduction, page 2.

« ÖncekiDevam »