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l'on peut exiger surtout dans ce qui est la base même d'une étude? Nous allons le voir, en examinant quelquesuns des caractères dégénératifs qu'il présente à notre attention. Nous ne pouvons les parcourir tous, sinon il nous faudrait écrire un livre considérable, au lieu des courtes observations que nous voulons présenter. Mais nous sommes persuadé que ces quelques réflexions seront suffisantes pour faire apprécier la méthode scientifique de Lombroso.

Voici, tout d'abord, la stature.

Le plus simple (des caractères dégénératifs), qui avait frappé déjà nos anciens, et est passé en proverbe, est la petitesse du corps. Fameux par leur petite stature, outre leur génie, ont été Horace,... (il en nomme 37). Par contre, de grands hommes de haute stature, il ne m'en vient à l'esprit que Volta,... (il en nomme 22) (1). Que Lombroso ait trouvé 37 noms de grands hommes minuscules, tandis qu'il ne lui en vient à l'esprit que 22 de haute taille, franchement, c'est ce qui ne peut suffire à une induction solidement établie, et il serait bien téméraire de baser sur une pareille induction une théorie scientifique.

Les anomalies crâniennes, en particulier celles de la capacité, sont pour lui, on pouvait s'y attendre, un facteur de première importance. Et cependant, citons : « Même dans la capacité cérébrale, dans laquelle, comme il est naturel, la plupart dépassent les moyennes, ce en quoi cependant ils se rapprochent plus des fous que de l'homme normal (Quatrefages observe avec justesse que la plus grande macrocéphalie se trouve dans un fou, puis dans un génie), les exceptions apparaissent fort nombreuses, et les font descendre jusqu'au-dessous de la moyenne vulgaire (2). Il cite les capacités de quelques cerveaux de génies:

(1) P. 7.

(2) P. 10.

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grandes capacités : 1860, 1602, 1681, 1701, 1792, 1604, 1740, 1660, 1830, 2012; puis, en contre-partie, petites capacités 1352, 1207, 1268, 1238, 1426, 1493, 1358, 1300.- Mais, tout d'abord, les génies de capacités cérébrales moyennes, Lombroso n'en dit mot. Puis, d'autre part, les cerveaux des hommes vulgaires restent-ils en général aux environs de la moyenne? N'y en a-t-il pas, au contraire, en grand nombre, qui s'en éloignent notablement, en plus ou en moins? Cependant, ce qu'il faudrait établir pour arriver à une conclusion, c'est que les anomalies de la capacité cérébrale soient plus fréquentes chez les génies que chez l'homme moyennement doué. Le second terme de la comparaison fait absolument défaut. Le résultat des constatations sur la capacité du cerveau semble donc parfaitement négatif.

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Heureux l'homme qui comprendra quelle est l'opinion de Lombroso sur le misonéisme des génies! A la page 21, il nous dit que ces esprits qui créent des mondes nouveaux sont essentiellement misonéiques : ils portent une énergie énorme pour refuser les découvertes des autres, soit parce que la saturation, dirai-je, de leurs cerveaux ne permet pas une autre sursaturation; soit parce que, ayant acquis une sorte de sensibilité spécifique pour leurs propres idées, ils ne sont plus sensibles à celles des autres. En effet, Napoléon refusait de changer de chapeau; Frédéric II avait horreur des vêtements neufs; Rossini n'allait pas en chemin de fer, etc. (pp. 21-22). Néanmoins, chez la femme, le misonéisme est un obstacle au génie Une autre cause de son peu de génialité, lisons-nous à la page 255, est que la femme est essentiellement misonéique. » A la page 625, retour à la première idée. et ce dans les mêmes termes : Tout comme les hommes vulgaires, les enfants et les idiots, eux, qui créent des mondes nouveaux, sont essentiellement misonéiques, et portent une énorme énergie pour refuser les nouvelles

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découvertes des autres. » Décidément le genre humain tout entier est essentiellement misonéique les génies, les hommes vulgaires, les femmes, les enfants, les idiots! Mais voici que le génie se distingue du reste des hommes: Tandis que le monde entier hait le nouveau, eux (les génies) non seulement ne sont pas misonéiques, mais sont des haïsseurs du vieux, et des fauteurs du nouveau et de l'inconnu ». (P. 636.)

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La langue française a créé un mot qui semble fait pour caractériser une pareille unité de pensée, une pareille constance dans les affirmations, et toute la netteté qui en résulte galimatias.

Suivons encore Lombroso dans son analyse des caractères dégénératifs du génie.

Un caractère qui frappe dans les productions géniales, c'est l'inconscience et l'instantanéité (1). Toutefois, gardonsnous d'exagérer. Ces caractères sont réels, surtout pour les œuvres de génie qui s'éloignent le plus de l'intelligence, pour se rapprocher de l'imagination dans la musique, par exemple, et dans la poésie. Dans la peinture, qui demande plus d'analyse, analyse de choses bien matérielles, mais analyse, - ce phénomène devient moins frappant. Une preuve manifeste en sont les cartons et les études, souvent fort nombreux, qui précèdent et préparent les grandes créations. Dans les œuvres mathématiques ou de science pure, l'inconscience et l'instantanéité font place, souvent, à une longue recherche, voulue avec une admirable tenacité, poursuivie avec entêtement. Nous voyons Newton cherchant, calculant pendant des années, n'osant formuler sa théorie de la gravitation, parce qu'elle lui semble insuffisamment établie. Ayant trouvé de nouvelles données, il reprend ses calculs, et estime enfin la grande pensée de sa vie arrivée à maturité, vingt ans

(1) P. 23.

après qu'elle eût germé dans son esprit est-ce là de l'inconscience et de l'instantanéité (1) ?

Il y a du vrai toutefois dans cette idée de Lombroso : la découverte géniale, la pensée de génie est souvent le trait de vive lumière, l'éclair qui fascine et éblouit.

Mais peut-on conclure de là à la dégénération? Nous verrons plus loin que l'inconscience et la spontanéité se produisent dans des conditions absolument physiologiques.

Nous ne serons pas surpris de voir donner, par notre auteur, comme un des caractères des hommes de génie, le somnambulisme. Il est vrai que, pour toute confirmation, Lombroso cite cinq ou six poètes ayant eu une inspiration en rêve, deux mathématiciens ayant résolu des problèmes durant leur sommeil, Muratori faisant un pentamètre en dormant, et, comme couronnement, le fait que Balzac travaillait la nuit et ne se souvenait pas le matin de ce qu'il avait écrit (2).

Mais il ne faut pas être un génie ni un dégénéré pour être préoccupé, la nuit, de ce qui fait l'objet principal des pensées. C'est le fait d'une imagination qui évoque les phantasmes sans cesse en mouvement devant elle, et entraîne, même durant le sommeil, le travail de l'intelligence un travail inconscient ou subconscient, mais très réel; -- ce phénomène est loin, très loin d'être propre au génie, et il est peu de gens qui ne l'aient éprouvé. J'ai connu plus d'un étudiant qui, sans nulle prétention au génie, étudiait ses examens sans quitter les bras de Morphée.

Mais nous voici arrivés à un point de haute importance: le feu du génie (l'estro). Que l'on se trouve ici devant une altération du système nerveux, et plus spécialement du

(1) Voir Joly, Psychologie des grands hommes, pp. 202 et suiv. (2) P. 26.

cerveau, il est difficile de le contester. Cette altération peut aller jusqu'à l'anesthésie Marini, écrivant l'Adone, ne sentit point une brûlure grave au pied; elle provoque des excentricités : le Tasse se démenait comme un démoniaque en faisant des vers; le trouble organique appelle d'étranges remèdes; ou bien encore, on cherche à produire une circulation anormale pour provoquer artificiellement la surexcitation voulue Bossuet travaille dans une place froide, la tête couverte de linges chauffés; Schiller tient les pieds dans la glace et respire les vapeurs de fruits fermentés. On arrive jusqu'à l'hallucination, comme Cromwell.

« Il est donc parfaitement vrai, conclut ici Lombroso, que rien ne ressemble davantage à un fou dans son accès, que l'homme de génie tandis qu'il médite et forme ses idées (1).

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Mais, encore une fois, qu'est-ce que cela démontre? Que l'activité intellectuelle excessive a un puissant contre-coup sur l'organisme entier, qu'il exige un afflux extraordinaire de sang au cerveau. Mais cela prouve-t-il un état pathologique antérieur à la suractivité cérébrale, un état dégénératif? Ce serait là une conclusion extrêmement hasardée.

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De la surexcitation elle-même doit naître le collapsus, la prostration; de là, ce que Lombroso appelle le contraste, l'intermittence, la double personnalité (2) ». Ce dernier terme nous semble un extrême abus de mots. Déjà il est inexact dans l'application qu'on en fait à un phénomène bien connu de névropathie (3). L'employer ici, c'est dépasser manifestement la vérité des faits. Car toute cette « double personnalité se trouve dans une différence d'intensité des fonctions, dont une des expressions les plus frappantes est ce mot de Klopstock, parlant de certains de ses

(1) P. 26.

(2) P. 29.

(3) Voir notre travail sur les Bases de la morale et du droit, d. 262.

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