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Pour nous, le principe pensant est l'esprit; mais l'esprit servi par des organes, et absolument incapable de rien faire sans leur intervention. En présence de la différence énorme entre l'activité des diverses intelligences humaines, la question vient naturellement à l'esprit cette différence résulte-t-elle d'une diversité intrinsèque des principes pensants, ou bien d'une différence dans les organes dont le jeu est indispensable à l'activité intellectuelle? S. Thomas s'était posé cette question, et voici la réponse qu'il y donne: Hoc circa intellectum contingit dupliciter uno quidem modo ex parte ipsius intellectus, qui est perfectior;... alio modo contingit hoc ex parte inferiorum virtutum quibus intellectus indiget ad sui operationem (1). »

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S. Thomas admet donc deux causes de différence dans l'activité intellectuelle : la différence intrinsèque des intelligences, et la différence des fonctions organiques. Les idées générales de S. Thomas sur les formes substantielles semblent demander que l'on réduise la première source de différence à la seconde, et que toute diversité dans l'âme et ses puissances soit attribuée, en dernière analyse, au corps informé par l'âme.

D'ailleurs ceci est de moindre importance: ce qui est capital, c'est que l'intelligence peut être plus active par la perfection plus grande des fonctions inférieures. Et cela, S. Thomas et tous les spiritualistes ne font aucune difficulté à l'admettre.

La même idée se retrouve chez le grand Docteur : Ex transmutatione corporali usus rationis impeditur, impedito actu virtutis imaginativae et aliarum virtutum sensitivarum. (1. 2ae, 33, 3, ad 3um. De même 1. 2ae, 48, 3, et en plusieurs autres endroits.)

L'activité plus ou moins grande de l'intelligence dépend de la disposition des organes voilà un fait qui n'est

(1) Summa Theol., 1a p., q. 85, a. 7.

aucunement en opposition avec les principes spiritualistes. Rechercher quelles sont les conditions organiques plus favorables à un travail intense de l'esprit, voilà un terrain sur lequel la psycho-physiologie peut se mouvoir en toute liberté. Un état de névrose voisin de l'épilepsie favoriset-il cette vigoureuse idéation propre au génie ? C'est une question que Lombroso, à notre avis, n'a pas résolue, faute de critique suffisante dans ses recherches expérimentales. Que ce travail extrêmement actif requière un cerveau capable d'une activité dépassant la moyenne, un cerveau hyperesthésié, c'est une chose dont personne ne pourra demeurer surpris. Mais cet état est-il pathologique, et demande-t-il à être rangé parmi les névroses, ou bien est-il purement physiologique ?

La concomitance fréquemment observée de symptômes pathologiques avec le génie ne permet en aucune manière de conclure que ce qui donne au cerveau son extrême activité soit également d'ordre pathologique.

Ainsi que le fait fort bien observer M. le Dr Dallemagne (1), il y aurait lieu tout d'abord d'examiner si la coexistence implique l'équivalence".

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Or, cette concomitance s'explique parfaitement. L'excès de travail du cerveau doit nécessairement le mettre dans une situation anormale, mais conséquente au travail, conséquente au génie, ne constituant nullement le génie lui-même. Lombroso n'admet pas l'épuisement rapide des génies; mais, nous l'avons fait remarquer, il n'est pas conséquent avec lui-même, il méconnaît ses propres observations.

De plus, un cerveau d'homme de génie est un cerveau très impressionnable, et bien que cette impressionnabilité ne soit pas pathologique, il en résulte que ce cerveau sera plus sujet aux troubles qu'un cerveau plus inerte. C'est une machine très sensible, et une pareille machine

(1) Dallemagne, Dégénérés et déséquilibrés, p. 359.

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ressent davantage non seulement les actions qui rentrent dans l'ordre de son travail, mais aussi celles qui tendent à la fausser et à en troubler le jeu.

On sera fort disposé, d'ailleurs, à voir dans la sensibilité et l'activité des cerveaux d'hommes de génie un fait physiologique plutôt que pathologique, en étudiant un phénomène qui semble n'être pas sans relation avec ceux du génie le feu oratoire.

Voici un homme qui devra, dans quelques moments, parler à un auditoire qu'il lui faut convaincre et entraîner. Ses pensées viennent, lentes, hésitantes, sans lien, surgissant péniblement sous les coups de fouet répétés de la méditation. Il lui est impossible d'apercevoir au milieu du brouillard de ses pensées ce trait de lumière vive et nette qui devrait éclairer tout ce monde confus et nubileux.

Mais le voici qui se lève : la parole vient, pénible encore, mais martelée bientôt d'une accentuation plus énergique. Puis, tout à coup, le brouillard se déchire dans l'esprit de l'orateur; il voit se dresser devant lui, lumineuse, éblouissante, fascinante, la pensée dans toute sa splendeur. Il parle, sans songer à sa parole, s'oubliant lui-même, ne voyant plus que sa pensée; il parle non parce que sa volonté l'y pousse, mais spontanément, laissant s'exprimer la pensée qui jaillit en un flot irrésistible. Les idées se pressent, et il lui faut un immense empire sur lui-même pour ne pas précipiter sa parole, sous la poussée formidable d'une idéation vertigineuse. Travail prodigieux d'une intelligence chauffée à blanc.

Car, non seulement l'idée qui doit être communiquée à l'auditeur jaillit impétueuse; les mots se présentent en foule, avec leur valeur propre, avec leur valeur relative, avec leurs nuances délicates; les uns sont acceptés, d'autres défilent rapidement, tous refusés; trop forts ou trop faibles; ils sont jugés, pesés, comparés un mot est accepté. A peine est-il prononcé, un autre arrive à l'inspection, il est trouvé meilleur, et lancé à la suite du

premier avec cette intonation qui rétracte l'un et lui substitue l'autre. Et l'auditoire n'est pas oublié. Il y a là dans la foule quelques figures qui ont frappé au premier abord; elles sont, dès ce moment, le manomètre que le mécanicien, l'orateur, ne perd plus de vue. Il lit sur ces figures l'impression produite sur l'auditoire; et, d'après ces indications, il juge s'il faut chauffer davantage ou baisser le feu, ou s'il faut peut-être ouvrir la soupape de sûreté, et faire fuser la vapeur générée trop abondante, en un éclat de rire provoqué à propos.

Le cerveau qui fait alors cet énorme travail en serait assurément incapable dans les situations ordinaires. Et toutefois, est-il malade? Aucunement: son état est un état de suractivité physiologique, qui peut avoir des points de contact avec la névrose, mais qui n'a en lui-même rien de pathologique.

L'activité extrême chez l'homme de génie est-elle d'autre nature? ou bien n'y a-t-il qu'une différence de degré, et des différences accidentelles dans la genèse de cet éréthisme cérébral ?

Que dans certains cas la cause de l'état suractif du cerveau se trouve dans la maladie, nous le croyons. La force, dira-t-on, ne dérive pas de la faiblesse ; la maladie n'est pas cause d'activité. Oh! non; mais elle peut provoquer une détente plus rapide, plus énergique, des forces existantes dans l'organisme. C'est ce que l'on constate bien souvent dans toutes sortes de maladies. Mais qu'il faille dire, avec Lombroso, que le génie soit une psychose du groupe épileptique, voilà ce qui est loin d'être

démontré.

Une seule chose est certaine, et celle-là Lombroso ne l'a pas découverte : c'est que le génie est l'effet d'une particularité du cerveau qui, par son activité plus grande, favorise un travail intellectuel plus énergique. « Contingit ex parte inferiorum virtutum quibus intellectus indiget ad sui operationem.

Jle SÉRIE. T. VII.

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Les conclusions ultérieures de Lombroso ne sont nullement démontrées.

Il affirme que cet état spécial du cerveau est un état dégénératif. Quiconque lit l'Uomo di Genio sans se laisser étourdir par le colossal amas de faits qu'il contient, suivant froidement la tentative de démonstration à laquelle ces faits doivent servir de point de départ, arrivera indubitablement à n'être pas convaincu, d'abord parce que les faits sont, en grand nombre, inconsistants, puis parce qu'il ne contiennent pas ce que l'auteur veut en tirer.

Mais qu'est-ce donc que le génie? Quelle est cette suractivité qui én est l'essence? On ne le saura pas avant de savoir ce qu'est l'activité cérébrale; et de ceci, on ne sait rien. En science, il faut avant tout savoir attendre, et ne pas dogmatiser sans bases expérimentales suffisantes.

Lombroso ne s'en tient pas à attribuer le génie à la dégénération, il veut remonter à la raison physiologique dernière.

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L'explication et l'origine du génie se trouvent donc dans la dégénération. Les anomalies, les régressions ataviques s'expliquent d'ailleurs désormais par la lutte des phagocytes des organes, décrite par Roux et Metchnikoff, laquelle préside à toutes les grandes transformations des organismes vivants, et qui fait suivre nécessairement, à la prédominance d'un organe, l'atrophie des autres (1). » Nous n'avons aucune objection à faire à cette explication dernière. Qu'il y ait psychose dégénérative du groupe épileptique », ou qu'il y ait un état de suractivité sans caractère pathologique, il est certain qu'il y a différence dans la constitution intime d'un cerveau génial et d'un cerveau ordinaire. Cette différence de constitution doit être le résultat du développement de l'organe suivant les lois de la physiologie. Que la phagocytose ait lieu

(1) P. 630.

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