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recommandent tous deux par le nom et l'autorité de leurs auteurs respectifs.

Remarquons en premier lieu que, nonobstant l'identité du sujet, ils ne font point double emploi. Si le but des deux savants écrivains est le même, à savoir, rétablir scientifiquement les preuves traditionnelles de l'existence de Dieu, leur plan est différent, et différentes aussi paraissent être les catégories de lecteurs qu'ils désirent atteindre.

Plus savant peut-être et plus condensé, le compact volume de M. Farges semble s'adresser plutôt aux hommes d'étude et de travail. Plus littérairement didactique et plus développé dans le détail, l'ouvrage dont le R. P. Villard nous donne aujourd'hui le premier volume aura plus d'attrait, parmi les gens du monde, pour les hommes cultivés et de loisir. Le professeur à l'Institut catholique (1) expose substantiellement, mais succinctement, chaque élément de ses preuves, et passe aussitôt à l'exposé des diverses objections correspondantes, puis à leur réfutation. Le fils de saint Dominique se livre plutôt à un travail d'exposition qu'à une œuvre de polémique; s'adressant à des esprits qui, pour être cultivés, peuvent n'être pas toujours pleinement au courant des récentes données des sciences proprement dites, il les développe devant eux avec assez de détail pour en être aisément compris. M. l'abbé Farges, supposant ces données connues de son lecteur, au moins dans leurs grandes lignes, se borne à les rappeler sommairement, pour en tirer aussitôt les conséquences. Chez le R. P. Villard, ces conséquences se dégagent implicitement et comme d'elles-mêmes d'exposés philosophiques et scientifiques plus détaillés et plus étendus.

Cependant le travail du savant dominicain, même quand il aura été complété par le second tome annoncé, sera moins volumineux que celui du docte sulpicien. C'est aussi que son cadre est moins vaste : Existence de Dieu (tome Ier), Attributs de Dieu (tome II), tel est tout son dessein; et l'on a vu que M. l'abbé Farges traite, en plus, de la Nature de Dieu, et des Rapports de Dieu et du monde. En outre, par le fait même du caractère plus polémique de son œuvre, le directeur de l'École des Carmes est conduit à exposer les objections avec de plus grands développements, lesquels entraînent ceux des réfutations qui suivent.

On voit, par ce qui précède, en quoi different ces deux

(1) On sait que M. l'abbé Farges est directeur du Séminaire de l'Institut catholique de Paris (École des Carmes).

lle SERIE. T. VII.

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ouvrages, bien que traitant du même sujet, et comment, s'adressant à deux publics distincts, ils collaborent, efficacement et sans se nuire l'un à l'autre, au même résultat.

Suivons maintenant le R. P. Villard dans le cours du volume publié sur les preuves scientifiques de l'existence de Dieu.

Il commence par un rapide aperçu des premières évolutions philosophiques de l'esprit humain dans l'antiquité grecque, lesquelles ne se séparent pas encore du mouvement scientifique. L'école ionienne fait un premier pas en reconnaissant l'existence d'un monde réel derrière un monde phénoménal; et Anaxagore, de la contemplation de l'ordre qui règne dans l'univers, s'élève jusqu'à Dieu, dépassant ainsi l'école italique qui, avec Pythagore, mettait dans le nombre seul la substance de toutes choses. Xénophane, Parménide, Zénon et les autres Éléates, ne voient de réalité que dans l'Être, dans l'être vu par l'esprit et seule véritable et unique substance de tout ce qui existe : c'est le panthéisme spiritualiste. Leucippe et Démocrite réduisent à la pure matière l'essence de tout ce qui existe : c'est le matérialisme atomique. Viennent enfin Socrate, Platon et Aristote qui, reconnaissant la réalité tour à tour affirmée et niée du monde matériel et de l'Être immatériel, élèvent l'esprit humain à des hauteurs inconnues jusqu'à eux et qui n'ont pu être dépassées que par la philosophie chrétienne. Par eux" nous savons, dit excellemment l'auteur, que nos idées sont plus grandes que tous les mondes sensibles, puisqu'elles mesurent, pèsent et jugent ces mondes; nous savons qu'elles sont aussi certaines, plus même s'il est possible, que tout phénomène cosmique, puisqu'elles s'observent et s'expérimentent semblablement. „

Analysant ensuite les différents états de l'esprit humain à l'égard de la connaissance de Dieu athéisme négatif (inconscient, par ignorance) et positif ou systématique, traditionalisme, ontologisme, et enfin état normal où l'esprit parvient à la connaissance de Dieu par raisonnement, l'auteur arrive à l'objet essentiel de son premier volume.

Comme M. Farges, il partage cette preuve, d'après saint Thomas, en cinq chefs principaux : Preuve : 1o par le Mouvement; 2o par la Causalité (" Origine des êtres, chez M. l'abbé Farges); 3o par le Contingent et le Nécessaire (M. Farges dit : Le contingent du monde „); 4o par les Degrés d'être ; 5o par la Finalité.

Preuve par le Mouvement.

Le mouvement est un fait; nous

le constatons partout. Suit une série de tableaux détaillés des divers mouvements cosmiques, des multiples mouvements du globe et sur le globe terrestre, des mouvements moléculaires, mouvements de sonorité dans l'atmosphère, mouvements vibratoires dans l'éther (chaleur, lumière, électricité, actions chimiques). Le mouvement étant reconnu comme fait, il faut en reconnaître la nature. Loi de l'inertie. Pas de mouvement sans moteur; la science mécanique tout entière repose sur cet axiome fondamental. A cette donnée expérimentale, l'auteur ajoute, d'après Aristote et saint Thomas, une démonstration rationnelle; c'est une complète théorie du mouvement, d'ordre métaphysique, et sur laquelle nous n'avons pas à nous étendre ici, nous bornant seulement à en indiquer la conclusion, à savoir qu'une série infinie de moteurs et de mobiles est rationnellement impossible, et que si longue que l'on puisse concevoir la chaîne, il faut toujours en venir à un moteur premier.

L'application de la théorie aux mouvements de l'univers nous vaut un attrayant chapitre où se déroule un exposé méthodique, en même temps que d'une clarté parfaite, de tout ce que la science autorisée affirme ou démontre sur la pesanteur, la gravitation universelle, l'attraction moléculaire, la cosmogonie, la conservation de la matière et de l'énergie, la marche de l'énergie dans une direction déterminée. La pesanteur n'est pas, comme la masse, identique à la matière, car le poids d'un corps quelconque varie avec sa position relativement à son centre d'attraction; la gravité elle-même n'est qu'une cause seconde, venant du dehors aux sujets qu'elle affecte, et "la recherche de son origine conduit nécessairement au premier moteur

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A l'occasion de la cosmogonie actuelle, l'auteur signale l'opinion de l'Ange de l'École sur l'impossibilité, d'après lui, où la raison serait de prouver, en dehors des enseignements de la foi, la non-éternité du monde, opinion qu'il confirmait encore sur son lit de mort, ignorant, disait-il," non que le monde a été fait par une cause éminente, ceci nous le savons pertinemment mais si cet effet subordonné n'aurait pas moins été réalisé éternellement. Aujourd'hui, écrit avec raison le R. P. Villard, la science donne des réponses à des questions qui étaient alors insolubles; en sorte que cette preuve de la non-éternité du monde, qui faisait défaut à saint Thomas et à ses devanciers, "la science nous la donne aujourd'hui abondante, incontestable, éclatante (1) „. Mais, ajoute plus loin l'éminent religieux," l'esprit (1) Dieu devant la science, p. 137.

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se sent particulièrement soulagé de n'avoir pas à prouver que le monde a commencé, pour reconnaître qu'il a une cause éminente de son être, de son mouvement et de sa vie (1) Ajoutons toutefois que c'est là une opinion très controversée, comme M. l'abbé Farges l'a montré, lui-même prenant parti, avec Albert le Grand, contre l'opinion de saint Thomas et de saint Augustin.

C'est dans le chapitre concernant la Preuve par la causalité que l'auteur a été amené à aborder cette question. Passons sur la démonstration métaphysique du principe de causalité, et arrivons aux faits d'ordre scientifique où la réalité de ce principe se révèle.

Il y a d'abord les faits du monde inorganique. Les corps composés dérivent les uns des autres et primitivement des corps simples, et le vaste ensemble des combinaisons chimiques de l'univers part du primitif état d'incandescence et de dissociation des éléments, ceux-ci se combinant entre eux au fur et à mesure que le refroidissement amenait la température au-dessous du point de dissociation afférent à chacun d'eux. Suivent les faits du monde organique, végétal et animal, ces deux règnes doués de mouvement, le second de mouvement spontané, de sensibilité et du mode de connaissance résultant de cette dernière. Plantes et animaux se succèdent sur la terre par voie de génération, mais ils ne naissent pas indifféremment les uns des autres; ils viennent de parents et de causes parfaitement déterminés. Que ces causes résident dans l'action des milieux, dans les lois de l'hérédité, dans la lutte pour la vie, l'intervention d'un vivant étant d'ailleurs reconnue nécessaire pour donner la vie, il est dans le rôle de la science de le rechercher. S'il n'est pas de sa compétence de trouver et de déterminer la cause première qui, par delà les causes visibles et secondes, est leur source commune à toutes, elle n'en aide pas moins puissamment la raison, en lui fournissant une base assurée, à s'élever à la perception de cette cause première et nécessaire de toutes ces causes qui ne produisent qu'après avoir été produites. " De quelque manière, dit avec un grand sens le P. Villard, de quelque manière que l'on

(1) Ibid., p. 182. "Ce n'est pas, ajoute le savant dominicain, que ce monde mêlé de réalité et de devenir, de mouvement et de repos, de naissance et de mort, puisse être éternel à la manière du principe d'où il émane; mais il peut être contemporain de ce principe, dès lors éternel, comme l'empreinte du pied dans le sable peut être contemporaine du pied qui l'a faite. „

envisage la série des agents qui s'enchaînent pour produire un effet déterminé, du moment que ces agents s'appellent et concourent efficacement à l'œuvre commune, la raison sait que leur nombre est précis et parfaitement déterminé (1).

A l'occasion de la preuve par la causalité, le savant auteur étudie, tant au point de vue philosophique qu'au point de vue scientifique, la théorie de l'évolution en la considérant en ellemême et dégagée des exagérations et des conséquences forcées que l'esprit de système peut y surajouter. Il place la question sur son vrai terrain en constatant que rien dans les faits n'établit la théorie évolutionniste ou transformiste, que rien non plus ne la détruit victorieusement, et qu'elle reste à l'état conjectural. "C'est, ajoute avec vérité le savant religieux, tout ce que la science peut en dire., Cela posé, un fait assez digne d'attention, c'est que saint Thomas est nettement opposé à la théorie appelée aujourd'hui créationniste, autrement dit des créations continues. "Faire intervenir l'agent premier pour mettre au monde chaque individu d'une espèce, ou même pour introduire une nouvelle espèce dans la suite des générations infra-humaines, lui paraît une doctrine se rattachant à l'ancienne erreur de Platon, inventant les idées pour en faire les seules et véritables substances (2).„, Ce n'est pas ici le lieu d'exposer les motifs sur lesquels s'appuie le grand docteur pour justifier son assertion; disons seulement que son commentateur, tout en démontrant le mal fondé de l'élément matérialiste dans la théorie de l'évolution en tant que rapportant tout, exclusivement, aux lois de l'hérédité, de la sélection naturelle, de la lutte pour la vie, et autres causes secondes, fait voir que, moyennant l'intervention divine au sommet pour mettre en jeu ces causes secondes et les diriger,

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(1) Croirait-on qu'un critique, d'ailleurs bienveillant et sympathique à l'auteur, lui fait néanmoins un grief de ce passage qui nous semble au contraire digne d'éloges. C'est sur ces mots: de quelque manière que l'on envisage, que se fonde le grief. - Cela est très vrai, dit le critique ; seulement, il n'y a qu'une seule manière d'enchaîner ces agents pour que la conclusion suive. „ (Revue thomiste, 1re année, janvier 1894, p. 786, art. signé A. G.) — Est-ce bien sûr ?... Si, aux yeux du critique, il n'y a réellement qu'une manière d'enchaîner ces agents, il peut se faire que des esprits différents, à tort ou à raison, en voient d'autres. N'est-il pas sage à l'auteur de laisser ce point secondaire hors de discussion, pour s'attacher à l'essentiel, c'est-à-dire à l'inéluctable conclusion d'une cause première actionnant toute la chaîne des causes secondes ? Loin de voir là matière à grief, nous ne pouvons, quant à nous, qu'approuver l'auteur de cette élévation et de cette largeur de vues.

(2) Dieu devant la science, p. 163.

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