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II.

Ce qu'il convient de déterminer avec soin, c'est la signification anthropologique et ethnologique qu'il faut attacher au terme de pygmée, sous peine d'introduire dans la science des confusions dont elle a déjà pâti. Il y a lieu de distinguer les nains des pygmées. Faute de ce faire, des ethnographes moins expérimentés, comme ceux que nous citions tout à l'heure, et comme Roulin, dont M. de Quatrefages a réfuté les conclusions (1), ont abouti aux identifications les plus étranges.

On rencontre, chez un certain nombre de nations, des individus, même des tribus entières, à taille exiguë. Parfois même ces tribus, comme les Lapons, sont devenues des peuples. Mais, ainsi que M. Virchow l'a justement fait remarquer (2), on a, dans ces cas, affaire à des dégénérescences pathologiques et nullement à des caractères de race. C'est aussi le cas des pygmées de la vallée de Ribas en Espagne, que M. le Dr Delphin Donadiu y Puignau a décrits dans un travail présenté au Congrès scientifique des catholiques à Bruxelles.

Il en va tout autrement pour les Nègres à petite taille, qu'on a trouvés si nombreux en Asie et en Afrique. Impossible d'y méconnaître des traits particuliers qui établissent une race spécifiquement définie. Insistons sur ce point, qui a été mis en pleine lumière par les nouvelles études faites sur les pygmées.

Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire définissait le pygmée : « Un être chez lequel toutes les parties du corps ont subi une diminution générale, et dont la taille se trouve ainsi de beaucoup inférieure à la taille moyenne de son espèce ou de sa race (3).

"

(1) Les Pygmées, pp. 10-12.

(2) Zeitschr. FüR ETHNOLOGIE; p. 412 des Verhandlungen.

(3) Histoire générale et particulière des anomalies chez l'homme et les animaux. Paris, 1832-1837, t. I, p. 141.

Il se présente, au sujet de cette définition, une question préalable et fondamentale, qu'il importe avant tout de résoudre. Quelle est la signification de la réduction de la taille? A quelles causes faut-il l'attribuer? Est-elle toujours un caractère de race? Ou bien n'est-elle pas parfois, voire même toujours, le résultat d'un accident pathologique ?

Certains anthropologistes ont prétendu que jamais la taille n'est l'expression du bien-être ou de la misère, mais qu'elle est toujours un signe de race, une affaire d'hérédité.

Cette affirmation est trop absolue, et il y a lieu, croyons-nous, si l'on tient compte des faits, d'établir de réelles distinctions par rapport aux influences qui déterminent la taille du corps humain. Comme nous le disions tout à l'heure avec M. Virchow, il existe des populations à taille exiguë, les Lapons par exemple, où cette anomalie dépend incontestablement des conditions du milieu. A Tuntsa, la ville la plus septentrionale de la Karélie russe, la population lapone a abandonné son existence nomade pour prendre le bien-être relatif de la vie sédentaire. Après quelques générations, la taille s'est sensiblement relevée pour atteindre la moyenne normale (1).

D'autre part, on ne peut nier que chez d'autres peuples la taille se présente comme absolument indépendante des conditions du milieu souvent déplorables. Un exemple suffira. Les Australiens sont assurément un des peuples les plus misérables du globe, et néanmoins, au point de vue de la taille, ils dépassent la moyenne de l'humanité. Chez eux donc la taille, relativement élevée, semble bien déterminer la race.

Il en va de même pour les pygmées et, c'est le point que nous voulons établir avant tout, il paraît certain que, chez eux, la taille réduite appartient en propre à l'ensemble de leurs caractères physiques essentiels.

Voici les faits qui autorisent cette conclusion.

(1) ZEITSCHRIFT FÜR ETHNOLOGIE, 1875, pp. 225, 399.

Si la petite taille des pygmées d'Afrique et d'Asie n'était qu'un signe de dégénérescence, on peut croire que pour eux, comme pour les Lapons, des conditions meilleures d'alimentation, le contact d'une civilisation plus confortable relèveraient la taille. Or, ce résultat ne s'est pas produit. Les Bushmen, soumis à l'influence civilisatrice dans les districts fertiles de l'État libre d'Orange et sur tout le littoral jusqu'au Cap, accusent une taille plus petite que les nomades du désert de Kalahari, du Betchouanaland et des régions du Nord.

Il y a plus les Bushmen et les Hottentots sont voisins depuis des siècles, soumis aux mêmes actions climatériques, vivant de la même vie. Et pourtant la taille des Hottentots demeure relativement élevée, tandis que celle des Bushmen reste singulièrement faible.

On relève semblable cas à Ceylan. Les Singhalais et les Veddahs subissent, dans leur existence côte à côte, des influences extérieures identiques; leur nourriture est la même pour la qualité et la quantité. Et, de nouveau, quelle différence dans la taille ! Les Singhalais sont de grands et beaux hommes, les Veddahs sont de véritables pygmées.

Du reste, les peuples pygmées eux-mêmes gardent, avec une persistance remarquable, malgré des conditions de vie très divergentes, leur taille relativement réduite. On les a rencontrés dans les bois, sur les côtes, au bord des rivières, dans des contrées désertes, dans des régions bien cultivées, privés de toutes ressources, ailleurs mieux pourvus. Néanmoins, comme on le sait, la moyenne de leur taille ne varie guère.

Enfin, on peut bien signaler, en faveur de l'opinion que nous défendons en ce moment, le fait de l'influence des pygmées dans le métissage. M. de Quatrefages a observé que, dans les populations mélangées, la taille décroît en général au fur et à mesure que se prononcent davan

tage les autres caractères pouvant rattacher au type négrito (1) les individus examinés (2) ».

C'est là, croyons-nous, un indice frappant pour faire de la taille réduite des pygmées non pas un accident pathologique, mais un véritable caractère génétique.

L'exiguïté de la taille des pygmées a été parfois attribuée à une cote de croissance annuelle moindre chez eux que celle de l'homme normalement constitué. Pareille opinion n'est plus soutenable, aujourd'hui que l'on a mieux étudié les races noires. Il est bien plus probable que la réduction de la taille a été le résultat d'un arrêt plus ou moins brusque dans le développement. Ainsi s'explique la persistance, dans une certaine mesure, des proportions infantiles du corps chez le pygmée. A notre sens, ce dernier fait constitue la meilleure preuve en faveur de la théorie du ralentissement de la croissance. On a voulu aussi faire argument de certaines particularités anatomiques relevées chez les pygmées, telles que le poids du tronc relativement plus élevé que celui des autres membres, la propension à la stéatopygie, l'apparition tardive des troisièmes molaires. Nous nous demandons en vain comment l'arrêt plus ou moins subit de la croissance aurait provoqué pareils phénomènes.

III.

Quoi qu'il en soit, c'est la taille réduite qui constitue le caractère principal et distinctif des pygmées. Mais à quel minimum faut-il s'arrêter? On constate, en effet, des divergences assez notables dans les résultats des mensurations. Des Akkas d'Afrique, auxquels certains explorateurs donnent une taille de 1", 24, jusqu'aux Kanikars

(1) M. de Quatrefages appelle de ce nom les pygmées d'Asie et d'Océanie, pour les distinguer des Négrilles ou pygmées d'Afrique.

(2) Les Pygmées, p. 68.

de l'Inde, pour lesquels M. F. Jagor a trouvé 1m, 58, l'écart, on le voit, est assez considérable.

M. von Hellmuth Panckow a proposé comme limite supérieure la moyenne de la taille normale de l'homme, soit 1, 50 (1). Si l'on excepte les Kanikars de l'Inde. méridionale et les Veddahs de Ceylan, c'est vers cette moyenne que convergent toutes les mensurations les plus exactes fournies par les anthropologistes. M. de Quatrefages avait recueilli un certain nombre de ces données. Nous y ajouterons celles que l'on a signalées depuis, ou dont l'illustre professeur du Muséum n'a point fait mention.

Les Bushmen, mesurés par Fritsch, accusent une moyenne de 1, 44. D'après les observations du D' Lenz, les Babongos ont de 1, 32 à 1, 42. Pour les Batouas du Bas-Congo, Wolff a trouvé de 1", 40 à 1", 44, et pour ceux de Tschuapa, von François donne une moyenne de 1, 40. Wissmann est arrivé au même résultat, tandis que les évaluations de Stanley sont bien inférieures : 1, 22 et 1, 32. Les Akkas ont été mesurés par Schweinfurth, Émin-Pacha et Felkin; le premier leur donne une taille de 1", 46; le second, de 1", 24 à 1, 36; le dernier leur attribue une moyenne de 1", 36. D'après du Chaillu, les Obongos varient entre 1, 35 et 1m, 52.

Voilà pour les Négrilles africains. Aux îles Philippines, Schadenberg a constaté pour les Négritos une moyenne de 1, 42, ou, plus exactement, de 1", 43 chez les hommes et de 1m, 35 chez les femmes. Le D' Jagor nous apprend que la taille des Naya-Kurumbas du sud de l'Inde est de 1, 43, celle des Veddahs de Travancore de 1, 49. et celle des Mulcers de la côte sud-orientale de l'Inde de 1", 50. M. de Quatrefages, s'appuyant sur les recherches de MM. Flower, Brander et Man, trouvait pour les Mincopies des îles Andaman pris en masse une taille de

(1) ZEITSCHRIFT DER GESELLSCHAFT FUR ERDKUNDE ZU BERLIN, 1892, p. 77.

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