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LES IGNORANCES

DE NOS SAVANTS.

Depuis quelques mois beaucoup de penseurs, sans désespérer précisément des ressources de la science, ne se cachent plus que l'évolutionnisme radical et illimité est loin d'avoir détrôné les anciennes doctrines spiritualistes sur les origines du monde et de l'humanité. L'insuffisance d'une théorie purement mécanique a été peu à peu mise en pleine lumière. On en retrouve l'aveu dans les écrits de ceux-là mêmes qui ont mis le plus d'ardeur à dénoncer l'obscurantisme des catholiques et à prôner la souveraineté absolue et exclusive de la méthode expérimentale.

Le fait est remarquable, et nous nous permettons de le signaler, à titre d'épilogue à notre étude sur L'Hommesinge (1).

L'ÉVOLUTION A L'ASSOCIATION BRITANNIQUE

ET LE DISCOURS DE LORD SALISBURY.

Au mois d'août 1894, l'Association britannique pour l'avancement des sciences tenait ses assises annuelles à Oxford. A titre de chancelier de la célèbre université de

(1) Voir REVUE des quest. scCIENT., livraison d'avril et de juillet 1894. Se vend en brochure à la Société belge de librairie, 16, rue Treurenberg, Bruxelles, et chez M. Retaux, 82, rue Bonaparte, Paris.

cette ville, lord Salisbury, le leader des conservateurs anglais, occupait la chaire présidentielle. Il prononça le discours inaugural.

Avec une logique et une compétence qu'il serait bien difficile de trouver en défaut, l'illustre homme d'État fit ressortir l'impuissance de la science contemporaine en face des problèmes fondamentaux de la constitution de la matière et de l'origine de la vie.

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Il suit la marche des idées depuis l'avènement des théories évolutionnistes. Jadis, dit-il, on croyait celles-ci dangereuses au point de vue religieux. Elles le seraient peut-être, s'il fallait prendre certains fantômes pour des réalités; elles le seraient, s'il était prouvé que science et évolution athée se confondent, que science et religion sont incompatibles. « Actuellement, continue l'orateur, peu d'hommes pensent que les questions religieuses dépendent du résultat des recherches scientifiques. Peu d'hommes, quelles que soient leurs convictions, songent à puiser leurs connaissances géologiques dans les livres de leur religion; peu d'hommes s'imaginent que le laboratoire ou le microscope peuvent aider à deviner les énigmes qui se rattachent à la nature et aux destinées de l'âme humaine. Nous vivons dans une oasis brillante mais étroite de science, entourée de toutes parts par une région inexplorée d'insondables mystères (1).

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Sans doute, le savant moderne a découvert des secrets inappréciables; mais que sait-il de l'origine de la vie, des phases successives par lesquelles elle a passé? Au point de vue des faits, l'évolutionnisme darwiniste se heurte à des difficultés capitales: l'extension invraisemblable des époques géologiques requise pour la lente transformation des espèces, et l'insuffisance manifeste de la sélection naturelle comme principe des variations.

Il serait trop long de suivre l'orateur dans le développe

(1) NATURE, vol. L, 9 Aug. 1894, p. 340.

ment de cette double thèse; mais nous croyons utile de citer intégralement sa magistrale conclusion:

Un grand danger, dit-il, menace actuellement la science c'est la tendance à remplacer la science par de pures conjectures, au nom même de la science, et à ne jamais avouer avec franchise que, pour certains points, la certitude scientifique n'est pas et ne saurait pas être acquise. Nous acceptons la sélection naturelle, écrit le professeur Weismann, parce qu'il faut bien, parce que nous ne » concevons pas d'autre explication possible. » Comme homme politique, je connais fort bien cet argument. Dans les assemblées délibérantes, on dit parfois qu'un projet

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holds the field », qu'il doit être voté parce qu'on ne voit point d'autre issue. Cette façon de raisonner peut quelquefois avoir de la valeur en politique : - il arrive qu'il faille prendre un parti, malgré les objections qui se produisent;

mais elle est tout-à-fait déplacée dans les sciences. Rien ne nous oblige à trouver une théorie, si les faits se refusent à nous en suggérer une qui soit solide. L'aveu de notre ignorance sera toujours la seule réponse raisonnable aux énigmes que la nature nous propose. Un sombre nuage nous cache les secrets du développement et, plus encore, de l'origine de la vie. Si nous forçons notre vue, pour percer ce nuage-avec l'idée préconçue qu'une solution doit être à notre portée, -nous prendrons pour des découvertes les fictions de notre propre imagination.

» Le professeur Weismann donne encore une autre raison de sa foi à la sélection naturelle, et certainement elle caractérise bien le temps où nous vivons: On ne conçoit pas, dit-il, d'autre principe capable d'expliquer » le développement progressif des organismes, qui n'implique une direction intelligente.

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» Assurément, de grands revirements d'idées se produisent avec le temps. Il fut une époque et elle n'est pas loin où la foi dans un plan createur était souveraine. Aussi bien, ceux qui les premiers en ont sapé la

base avaient coutume de lui payer un formel hommage, de peur, en le niant, de révolter la conscience publique. Aujourd'hui, il s'est produit une révolution complète; un grand philosophe emploie la supposition d'une intervention intelligente comme une réduction à l'absurde; il préfère donner son assentiment à une chose qu'on ne peut ni démontrer, ni concevoir, plutôt que d'encourir de quelque façon le reproche d'une pareille hérésie.

Pour ma part, j'accepte sans réserve l'alternative proposée par le professeur Weismann, à savoir que si la sélection naturelle est jetée par-dessus bord, nous sommes contraints de revenir à l'influence médiate ou immédiate d'un principe directeur. Cette manière de voir ne trouvera pas crédit, à Oxford au moins, ni même généralement, je pense, parmi les savants de ce pays, bien que Weismann. mette en avant quelques noms pour appuyer ses idées. J'incline assez à croire que les difficultés de plus en plus nombreuses contre la théorie mécanique affaibliront encore l'influence qu'elle avait acquise.

» Mais, en cette matière, j'aime mieux me couvrir de l'autorité de lord Kelvin, le plus grand des maîtres que nous possédions au milieu de nous, et prendre comme conclusion les remarquables paroles par lesquelles, du haut de cette chaire, il terminait son discours il y a plus de vingt ans :

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J'ai toujours pensé, disait-il, que l'hypothèse de la » sélection naturelle ne renferme pas la véritable théorie de l'évolution, si du moins évolution il y a en biologie... » Je suis profondément convaincu que l'idée d'un plan directeur a été beaucoup trop perdue de vue dans les récentes spéculations sur le terrain de la zoologie. Des preuves excessivement fortes d'un principe intelligent et bienfaisant nous entourent de toutes parts. Les préjugés philosophiques ou scientifiques peuvent nous en détourner - pour un temps; mais, ces preuves se représentent bientôt avec un empire irrésistible; elles nous font voir, à

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» travers la nature, l'influence d'une volonté libre; elles > nous révèlent la dépendance de tout être vivant d'un Créateur éternel et d'un Monarque souverain. »

Ces nobles paroles, si bien justifiées par l'histoire contemporaine de la science, avaient dépassé la mesure et provoquèrent au delà de la Manche une polémique passionnée.

Séance tenante, le professeur Huxley ouvrit le feu de la critique. On lui avait demandé d'adresser au président les remerciements d'usage.

Dans la séance d'ouverture, dit-il d'un ton railleur, il est reçu d'exalter, non d'enterrer l'orateur; mais dans les sections, où se discutent les branches particulières de la science, une coutume toute différente a prévalu ce n'est pas un vulgaire enterrement, mais la « crémation » mutuelle qui est de règle. Présentée à la section de biologie, l'adresse de M. le Président eût offert pour la crémation des matériaux riches et excellents.

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La vérité est qu'à la dite section le professeur Osborn parla des principes des variations progressives observées dans les séries fossiles; il conclut à la nécessité d'une analyse systématique et de recherches ultérieures sur la variation, à la suspension du jugement sur les facteurs de l'évolution. Selon lui, le principe exclusif de la sélection naturelle est en désaccord avec les faits, et il reste à découvrir un principe inconnu de mécanique téléologique (1).

C'est la conclusion même de lord Kelvin et de lord Salisbury. Les savants qui parlent comme eux sont légion. aujourd'hui. Huxley surtout aurait mauvaise grâce d'en disconvenir. Pour ne pas emboîter le pas, il raille ses contradicteurs, en observant que des problèmes comme celui des causes des variations organiques ne sauraient, au sens d'un biologiste compétent, être complètement résolus dans l'espace de trente-cinq ans !

(1) Nature, v. L, 30 Aug. 1894, p. 435.

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