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tout d'un coup, grâce à un mouvement de l'écorce, à faire partie du domaine continental. Sous cette forme, l'hypothèse est un peu forcée; car les mouvements terrestres s'accomplissent avec lenteur, et c'est le plus souvent par un progrès continu que l'émersion, avec toutes ses conséquences ultérieures, devra se manifester. Plaçons-nous néanmoins dans ce cas extrême, pour avoir une vue plus nette des opérations qui vont s'accomplir, et dont la marche générale demeure la même dans tous les cas.

Aussitôt que la région considérée est devenue terre ferme, la pluie ne peut manquer de s'abattre sur sa surface, avec une intensité qui dépend à la fois des conditions climatériques ambiantes et du relief propre de la contrée. La partie de la pluie qui ne s'est pas évaporée, ou qui n'a pas trouvé à s'infiltrer dans les fissures du terrain, doit ruisseler sur le sol, conformément à sa pente, pour aboutir, après un parcours plus ou moins long, au grand réservoir de la mer. Les pentes et les inégalités originelles du territoire, celles qu'on peut appeler structurales, parce qu'elles dépendent de sa structure initiale, détermineront le tracé des premiers cours d'eau. Ceux-ci mériteront donc le nom de conséquents, que leur ont donné les Amécains, pour rappeler que de suite il se sont établis conformément aux exigences de la surface structurale. Par exemple, si cette dernière est unie et régulièrement inclinée dans une direction, c'est dans le sens de cette pente, aux points les plus faibles ou les mieux arrosés, que naîtront les cours d'eau conséquents. Si le terrain offre des ondulations parallèles, c'est dans l'axe des plis concaves qu'on les verra s'établir.

Une fois ces rigoles principales fixées, il leur viendra des deux versants, sous l'empire de conditions analogues mais moins générales, des affluents qui, à moins d'obstacles spéciaux, tomberont à peu près à angle droit sur les rivières primitives. A leur tour ces affluents recevront le

tribut de cours d'eau plus petits, et de cette manière se constituera, par des ramifications successives, un réseau hydrographique complet.

En même temps que ce réseau se dessine en plan, il faut que les lits des cours d'eau s'approfondissent. En effet, la surface structurale ne leur offrira généralement, surtout au début, que des pentes supérieures à celles que comporte l'écoulement normal de l'eau courante. Ce dernier est gouverné par la grande loi de la moindre action, qui préside à la manifestation de toutes les puissances de la nature; c'est-à-dire que tout cours d'eau tend forcément vers l'état d'équilibre, en cherchant à se créer un parcours tel que la force, sous l'empire de laquelle il descend, soit exactement contre-balancée par le frottement du lit. Il faut donc que la pente de ce dernier diminue constamment, d'abord parce que la vitesse s'accélèrerait sur une pente constante, ensuite parce que l'arrivée des affluents augmente sans cesse la masse de l'eau, qui devient de plus en plus propre à cheminer sur une pente réduite.

La conclusion est qu'un cours d'eau qui s'établit doit réduire sans cesse sa pente d'aval, ce qui ne peut se faire que de deux façons par le dépôt d'alluvions élevant sans cesse le cours inférieur, et par un creusement qui fasse continuellement remonter vers l'amont la section à pente réduite. Ainsi se constitue, en dernière analyse, un profil d'équilibre, exprimé par une courbe qui ne se relève sérieusement que vers l'origine du cours d'eau, là où le volume, encore insignifiant, peut s'accommoder d'une pente sensible, dût-il la franchir d'un coup par une cascade. De la sorte, l'établissement d'un système hydrographique comporte à la fois un réseau ramifié à la façon. d'un chevelu de racines, tous les affluents se réunissant par groupes pour aboutir à un tronc commun, et l'acquisition par chaque branche d'un profil d'équilibre.

Il est important de remarquer tout d'abord que, dans

ce double travail de régularisation, l'élément fondamental est le niveau de base, qu'il s'agisse de la mer ou d'un lac, auquel les eaux courantes viennent aboutir. C'est à ce niveau seulement que se trouve le point fixe contre lequel un cours d'eau puisse appuyer la première section de son cours définitif, laquelle sera, pour un débit tant soit peu important, extrêmement voisine de l'horizontale et tangente au niveau de base. A partir de ce premier tronçon (nous disons le premier, parce qu'il est régularisé avant tous les autres), la rivière creusera son lit de proche en proche, en remontant vers l'amont.

Pour chaque affluent, le niveau de base est défini par son débouché dans le cours d'eau dont il est tributaire. Quelles que soient donc, à l'origine, les conditions de rencontre de deux rivières, l'affluent ne peut manquer, à la longue, de creuser son lit, en commençant par l'aval, de telle sorte que le dernier élément de sa courbe, reporté dans l'axe du cours d'eau principal, soit exactement tangent à la courbe de celui-ci. Quand cette condition est remplie, on dit que l'embouchure est régularisée, et cette concordance universelle des embouchures, c'est-à-dire l'absence de cascades ou de rapides à tous les confluents, est une des caractéristiques de l'état d'équilibre pour un réseau. De toutes manières, cet état doit s'obtenir par un travail poursuivi de l'aval à l'amont, sous la constante protection de la fixité du niveau de base.

Mais ce n'est évidemment pas du premier coup qu'un tel état peut être atteint, et bien des vicissitudes se produiront avant qu'il reçoive son expression définitive. En premier lieu, il est probable que la plupart du temps le terrain offrira à l'origine une surface structurale plus ou moins capricieuse, et que rarement on y verra se réaliser le cas d'un dôme régulier, plongeant de tous les côtés sans aucune contre-pente. Si cette surface présente des creux en forme de cuvettes, il faudra que ces cavités servent provisoirement de réservoirs à des lacs, et c'est seulement

quand elles seront suffisamment remplies (à supposer que l'évaporation n'y mette pas obstacle) que l'eau de chacune, en débordant, pourra chercher à s'écouler dans un bassin inférieur. Auparavant le lac aura fourni quelque temps un niveau de base régional, produisant un commencement de régularisation pour la partie du réseau qui en est tributaire. D'autre part, l'apport des affluents exhaussera progressivement le fond du lac et pourra finir par l'amener au niveau du seuil de sortie, lui-même abaissé peu à peu par le travail de l'émissaire qui a réussi à s'établir. A ce moment, il ne restera plus de l'ancien lac que le souvenir, sous la forme d'un élargissement de la vallée, aux flancs duquel des terrasses d'alluvions, provenant des anciens affluents lacustres, témoigneront seules de la longue stagnation des eaux à un niveau déterminé. De son côté, la cascade initiale du déversoir aura fait place à un rapide, en attendant que le progrès de l'érosion, par le frottement des cailloux transportés, régularise la pente de ce dernier.

D'ailleurs, au moment où le déversoir du lac a commencé à fonctionner, l'émissaire, suivant les pentes favorables qui s'offraient à lui, a dû venir se jeter dans une rivière déjà constituée. Il y a fait irruption tout d'un coup, amenant une masse d'eau qui non seulement a modifié le régime de cette rivière en accroissant sa force vive, mais s'est mise de suite à façonner son propre chenal, lequel n'était nullement préparé à la recevoir. Il a donc fallu que la pente de ce dernier se régularisât à partir de l'embouchure. Ce travail s'est propagé de proche en proche et, atteignant le déversoir, a fini par se faire sentir sur l'ancien lit du lac et sur le cours en amont. Ce dernier, qui auparavant s'était constitué en équilibre, conformément au niveau de base du lac, où aboutissait alors sa destinée, s'est vu obligé de subir un remaniement, gouverné cette fois par les exigences du nouveau débouché, et ce remaniement s'est étendu à tous les affluents.

En résumé, un système hydrographique en voie d'éta

blissement est exposé à traverser, jusqu'au moment où toutes les pentes écouleront leurs eaux par le même tronc, une série de vicissitudes capables d'altérer profondément, non seulement les profils en long, mais même les tracés originels des cours d'eau.

Par exemple, qu'on se figure deux rivières parallèles, séparées par une croupe plus ou moins large. Du faîte de cette croupe il leur arrive des affluents transversaux, qui coulent dans des sens opposés. Deux de ces affluents contraires, issus du même faîte, peuvent se trouver dans le prolongement l'un de l'autre. Or si l'une des deux rivières, avançant plus vite que l'autre dans son travail, approfondit davantage son lit, son affluent fera de même et, gagnant sur le faîte, pourra très bien pousser sa tranchée jusqu'à la rencontre de l'affluent opposé. Alors ce dernier, trouvant de suite à s'écouler à un niveau inférieur, sera décapité, c'est-à-dire que toute la partie située en amont du point de rencontre, et bientôt même peut-être un fragment du cours d'aval, vont être capturés au profit de la rivière la plus active. Tandis que ce fragment recevra une pente contraire à son inclinaison primitive, le reste non capturé ne débitera plus qu'un volume amoindri, puisqu'il est privé de ses eaux de tête. Il offrira donc, relativement à la vallée qu'il parcourt, une disproportion faite pour étonner un observateur qui ne saurait pas découvrir les traces de la capture opérée.

Ici donc, comme ailleurs, c'est la lutte pour l'existence qui se fait jour. Les gros mangent les petits, et, à la longue, tel cours d'eau parfaitement défini à l'origine peut être partagé en une série de tronçons, capturés chacun au profit de quelque rivière, qu'un plus grand volume d'eau, ou une moindre résistance du terrain, auront favorisée dans son œuvre de creusement.

De la sorte, l'histoire de l'établissement d'un réseau hydrographique traverse nécessairement des phases successives, dont l'ensemble constitue un cycle d'érosion

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