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à se procurer l'argon en plus grande abondance, en obtenir des composés.

Sa manière de voir vient de recevoir une première confirmation dans la découverte faite par lui d'une nouvelle combinaison de l'argon (1). M. Berthelot ayant trouvé que, dans l'appareil décrit ci-dessus, l'action de l'effluve sur un mélange d'azote et de vapeurs de sulfure de carbone donne lieu à la formation d'un produit qu'on peut considérer comme un dérivé du sulfocyanogène, voulut essayer si l'argon ne fournirait pas de composé analogue. Ses efforts furent couronnés de succès. Au moyen de nouvelles quantités d'argon, que lui avait envoyées M. W. Ramsay, il obtint un corps dont le mode de formation est tout à fait comparable à celui du corps précédent, mais qui, par ses réactions, se distingue nettement des sulfocyanures; il parvint même, en détruisant par la chaleur la combinaison. formée par l'effluve, à régénérer de l'argon en proportions considérables.

Ces deux composés de l'argon trouvés par M. Berthelot sont les seuls connus au moment où nous écrivons ces lignes. Ils n'ont pas encore permis de décider, d'une manière certaine, quelle est la nature de ce gaz, et, sur ce point, nous en sommes toujours réduits aux hypothèses. Ces hypothèses, nous avons déjà eu occasion d'en dire un mot nous les reprenons ici en ajoutant, quand cela sera nécessaire, les raisons pour et contre.

Nous avons vu plus haut qu'au moment de la découverte de l'argon, M. Berthelot avait insinué que ce gaz pourrait bien être de l'azote condensé sous une molécule triatomique. Il se basait pour cela sur le fait que le poids moléculaire, déterminé par les recherches de densité exécutées jusque-là, se rapprochait assez de 42, qui est exactement le triple du poids atomique de l'azote; il fallait toutefois supposer

(1) COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 17 juin 1893 : Nouvelle combinaison de l'argon; synthèse et analyse, par M. Berthelot.

de plus que les deux formes, argon et azote, n'étaient pas transformables l'une dans l'autre, pas plus que ne le sont les métaux isomériques ou polymériques. Revêtue de l'autorité du savant chimiste français, cette hypothèse, bien qu'elle eût été proposée avec les plus grandes réserves, méritait d'être examinée sérieusement. M. Ramsay entreprit donc de nouvelles déterminations de la densité de l'argon; nous avons vu que le résultat fut qu'en aucun cas cette densité ne pouvait dépasser 19,9, sinon par quelques centièmes; par le fait même le poids moléculaire ne pouvait être porté à 42 et il fallait en conséquence rejeter l'opinion qui tendrait à attribuer à l'argon le symbole Az ̧.

Quelques chimistes ont repris cette hypothèse, mais en y ajoutant un élément nouveau : l'argon, d'après eux, outre les molécules Az,, contiendrait un certain nombre de molécules Az,; ce serait pour cela qu'au lieu de la valeur 21 qu'il devrait avoir régulièrement, ce gaz ne présenterait que la densité 19,9; malheureusement ceux qui énoncent de pareilles conjectures, ou bien ne prennent pas garde qu'une telle densité entraînerait l'existence dans le mélange d'environ 14 p. c. de molécules Az2, ou tout au moins oublient que le spectroscope devrait nécessairement révéler la présence de ces 14 p. c. de molécules normales d'azote, puisqu'il parvient facilement à en déceler 1 1/2 p. c.

M. Bevan se représente l'argon comme un mélange de molécules diatomiques et de molécules monoatomiques; nous avons donné plus haut les motifs sur lesquels il appuyait cette supposition; mais nous avons indiqué en même temps qu'elle allait à l'encontre des résultats obtenus par M. Ramsay dans ses nouvelles expériences.

M. Victor Delahaye considère l'argon comme un azoture de carbone; la chose paraît peu probable, non seulement parce qu'il serait difficile qu'un composé quelconque, et surtout un azoture, résistât à tous les réactifs qui se sont acharnés sans résultat sur l'argon, mais plus spécialement parce que ce corps a été traité entre autres par l'oxyde

cuivrique et le cuivre au rouge et par la chaux sodée; or ce sont précisément là deux moyens employés en chimie organique pour retirer l'azote de ses composés.

Les hypothèses énoncées par M. Mendéléeff ne semblent guère plus acceptables outre qu'elles ne reposent sur aucune expérience, elles soulèveraient certes des réclamations unanimes de la part de ceux qui ont déjà tant de peine à admettre qu'un gaz diatomique puisse offrir un rapport des chaleurs spécifiques se rapprochant de 1,66. Remarquons du reste que le chimiste russe les énonce uniquement comme des possibilités absolues et non comme des probabilités.

La présence de deux spectres différents dans l'argon a conduit, nous l'avons dit, plusieurs savants à voir dans ce gaz un mélange de deux corps; nous ne revenons plus sur cette opinion déjà longuement discutée au cours de ce travail.

La majorité des chimistes regardent l'argon comme un gaz diatomique nouveau et lui attribuent le symbole A,. Nous avons déjà donné les raisons qui militent en faveur de la diatomicité; et sa façon étrange de se comporter vis-à-vis de tous les réactifs, son refus presque invincible d'entrer en combinaison, le distingue de tous les autres corps connus; dans les composés mêmes obtenus par M. Berthelot, bien qu'il se rapproche de l'azote pour le mode de formation, il s'écarte pourtant encore, par ses réactions, des composés analogues obtenus à l'aide de ce gaz (1).

(1) Nous laissons de côté plusieurs hypothèses plus étranges les unes que les autres; il est étonnant de voir à quel point l'imagination de plusieurs chercheurs s'est exercée sur ce pauvre argon.

Pour en donner un exemple, citons avec lord Rayleigh celle qu'émettait, il y a peu de temps, un journal qui ne voit pas autre chose dans l'argon que l'oxyde azoteux si bien connu. Lord Rayleigh nous semble trop modéré, quand il se contente de dire que la densité de l'oxyde azoteux, 22, se rapproche assez de celle de l'argon; nous dirions plutôt que la densité de l'oxyde azoteux est très différente de celle de l'argon; et nous ajouterions avec lui que c'est néanmoins là le seul trait de ressemblance que présentent ces deux corps.

Tel est l'état actuel de nos connaissances au sujet du nouveau gaz de l'atmosphère; si nous recherchons ce qui, parmi tous les détails donnés, est connu avec certitude, nous voyons que cela se réduit à fort peu de chose. Sans doute un corps jusqu'ici inconnu a été découvert dans l'air qui nous environne; il s'y trouve dans la proportion de 1 p. c.; sa densité est très voisine de 19,9; il se dissout dans l'eau à raison d'environ 4 p. c. à 12°; il se liquéfie à 121°, sous 50,6 atmosphères de pression; son point d'ébullition est 187°, son point de fusion - 189° 6, sa densité à l'état liquide environ 1,5; il possède deux spectres, un spectre rouge et un spectre bleu; enfin il a 1,645 pour rapport moyen de la chaleur spécifique à pression constante, à la chaleur spécifique à volume constant.

Mais en dehors de ces données positives, que de doutes, que d'incertitudes! Ce nouveau gaz est-il un corps unique, ou un mélange de plusieurs corps? Est-ce un élément ou un corps composé? Si c'est un corps simple, est-il monoatomique ou polyatomique? Est-ce un gaz tout différent des corps jusqu'ici découverts, ou est-ce une modification allotropique d'un élément déjà connu ? Dans les deux cas, quelles sont ses réactions caractéristiques? Quel est le rôle dans l'atmosphère de ce gaz étrange, dont M. Ramsay n'a pu retrouver trace ni dans les plantes, ni dans les animaux? Autant de questions qui n'ont pas encore reçu de réponses satisfaisantes.

Quoi qu'il en soit, on ne peut qu'admirer la science et l'habileté avec lesquelles lord Rayleigh et M. William Ramsay ont poursuivi leur ceuvre; on a pu voir par cet exposé que de patience et de ténacité il leur a fallu pour la mener à bonne fin. Lord Rayleigh, si habitué pourtant par ses travaux précédents à lutter contre les difficultés expérimentales, avoue ne les avoir jamais rencontrées sous une forme aussi pénible que dans ces recherches. Sans doute, toutes les questions n'ont pas été résolues; mais peut-on penser à le leur reprocher, quand on songe

que chaque expérience exigeait de dix à quinze jours avant d'amener une conclusion acceptable? Ne doit-on pas plutôt savoir gré à leur modestie de ne s'être pas réservé à eux-mêmes l'étude complète de ce corps intéressant?

Non seulement leur travail dote la chimie d'un gaz nouveau, mais il provoque le contrôle des conclusions jusqu'ici admises de bien des méthodes physiques et chimiques. Que de découvertes aussi cette première découverte va-t-elle peut-être amener! Déjà d'heureux augures nous en sont donnés.

M. Brauner, professeur de chimie à l'université bohémienne de Prague, se basant sur l'identité presque complète de la raie de longueur d'onde 372,98 signalée par M. Crookes dans le spectre bleu de l'argon et de la raie 373,00, la plus remarquable du spectre des nébuleuses et des étoiles blanches, conclut à la possibilité de l'existence, dans ces nébuleuses et ces étoiles blanches, du gaz récemment découvert dans l'atmosphère (1).

M. Berthelot voit se développer, sous l'influence de l'effluve électrique, dans des tubes contenant un mélange d'argon et de vapeur de benzine, une fluorescence d'abord violacée à laquelle succède une pluie de feu rougeâtre, peu après remplacée par une magnifique fluorescence verte, visible en plein jour; l'analyse par le spectroscope y fait découvrir trois ou quatre raies se rapprochant fort de certaines raies de la lumière zodiacale et de l'aurore boréale, entre autres de la raie principale qui a pour longueur d'onde 557 millionièmes de millimètre (2).

M. Ramsay lui-même, en quête de composés naturels de l'argon, tire d'un minéral rare de la Norwège, la clévéite, -sorte de pechblende avec plomb, cérium, yttrium, etc., — non pas l'argon (3), mais un gaz qui lui donne, entre

(1) NATURE, 28 mars 1895: Notes.

(2) COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 16 avril 1895: Observations sur l'argon; spectre de fluorescence, par M. Berthelot.

(3) M. Ramsay annonçait comme résultat ses premières expériences sur

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