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ORIGINE DES RÊVES

Le rêve appartient à l'ordre psycho-sensible et a pour organe l'encéphale. Ce n'est pas un résidu sensible, un débris de sensation, comme l'appelait Aristote; ce n'est pas davantage une pensée, du moins une pensée consciente et réfléchie, comme semble l'affirmer paradoxalement un récent auteur (1).

C'est une combinaison bizarre et complexe d'images et d'idées, tantôt nettes et suivies, tantôt obscures et dissociées, mais toujours légères, inconsistantes et fugitives. Sa nature sensible n'est plus mise en doute, mais son origine est encore actuellement très discutée. Assurément on n'attribue plus aux songes une portée prophétique, une source divine, mais on cherche, dans une voie tout opposée, à les expliquer par le simple jeu de la sensibilité externe. Il y a là une erreur grave qui peut servir les desseins du matérialisme, mais qu'il importe de relever dans l'intérêt de la vérité scientifique. Le rêve n'est pas aussi simple qu'on l'imagine; et ses merveilleuses complications réclament un autre facteur que la sensation. actuelle.

(1)« Le rêve est la pensée de l'homme endormi, comme la pensée est quelquefois le rêve de l'homme éveillé. » Tissié, Les Rêves.

I.

Le rêve se rattache à trois origines distinctes aux sensations externes, aux impressions organiques, à l'imagination. La part de chacun de ces facteurs est très inégale, hâtons-nous de le dire pour donner notre sentiment et dissiper toute équivoque. L'imagination préside aux songes; c'est elle qui garde le rôle capital, essentiel, dans leur formation et leur élaboration, la sensibilité externe ou organique n'intervenant jamais que d'une manière restreinte et dans des occasion rares. Telle est notre opinion, appuyée sur une observation attentive et prolongée des faits; elle n'a peut-être pas l'adhésion de certains savants, mais elle ralliera facilement tous ceux qui voudront recourir à l'expérience. Chacun de nous a constaté, chacun peut vérifier l'absence des sensations. actuelles dans le cours ordinaire des rêves.

De grands efforts ont été faits, dans le camp matérialiste, pour supprimer ou tout au moins réduire l'action évidente de l'imagination morphéique et donner à la sensibilité extérieure ou organique la direction des rêves. Ces efforts nous paraissent vains, puérils, presque ridicules, tant ils sont opposés à la raison et à l'expérience, tant ils heurtent de front le sentiment intime et l'opinion vulgaire. On ne saurait prétendre sérieusement que la sensibilité est aussi ouverte, aussi vive pendant le sommeil que pendant la veille ce serait soulever une protestation légitime et universelle. Et cependant, il faut le dire, entraînés par leur thèse préconçue, subjugués par le parti pris, certains auteurs n'ont pas hésité à soutenir une pareille affirmation. Bien mieux, l'un d'eux déclare que les sensations sont peut-être plus vives pendant le sommeil. La thèse est si audacieuse qu'il faut citer le texte même de notre contradicteur pour n'être pas accusé d'erreur ou d'exagération.

Dans le sommeil comme dans la veille, écrit le Dr Tissié, nos sens sont une source d'impressions, moins nombreuses cependant dans le premier état que dans le second, mais peut-être plus vives. Les pensées de nos rêves nous viennent du dehors pour la plupart (1). » Et le même auteur dit ailleurs, en parlant de rêves d'une nature spéciale: Ce sont des rêves d'ordre physique et physiologique. Il en est d'autres d'ordre psychique. Cependant il est plus que probable que ces derniers ont un point de départ dans une impression sensorielle (2).

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L'opinion du D' Tissié n'est pas douteuse, malgré les réticences prudentes dont elle s'entoure: elle attribue plus ou moins les rêves à des impressions sensibles. Beaucoup de physiologistes contemporains la partagent. Contrairement au sentiment commun, ils ne voient pas de différence importante, essentielle, entre la veille et le sommeil, et s'étonnent avec une rare ingénuité qu'on oppose constamment l'un à l'autre, comme le jour à la nuit. « Dans la veille, dit le Dr Tissié, la plupart de nos pensées, quelques philosophes disent toutes, nous viennent des impressions sensorielles que nous recevons... Les choses se passent-elles de la même façon dans le sommeil ? C'est ce que nous allons étudier. Il ne saurait y avoir solution de continuité absolue entre les deux états, il n'y a que des modifications, et encore sont-elles légères (3).

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Cette opinion nous semble hasardée, extravagante; mais nous nous déclarons tout prêt à y souscrire si des preuves irréfutables, c'est-à-dire des faits, nous en démontrent l'exactitude. Les faits permettent-ils d'assimiler la veille et le sommeil en ne révélant entre ces deux états que des différences insignifiantes?

Les observations recueillies par les savants et même par les ignorants établissent-elles que les sensations du dehors

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constituent la trame et l'élément du rêve? Voilà la question. Si elle se résout affirmativement, nous n'aurons plus qu'à nous rendre au sentiment du Dr Tissié, nous renoncerons à voir dans le sommeil un état opposé à celui de la veille. Mais tout nous porte à croire, au contraire, que nous avons raison contre notre confrère, et son livre va nous fournir de nombreux arguments pour le combattre et le réfuter. Les sensations ne président pas au rêve, elles sont généralement suspendues pendant le repos morphéique et, quand elles interviennent, ce n'est qu'incidemment pour dévier et transformer les songes. Nos contradicteurs le savent si bien que, pour appuyer leur thèse, ils imaginent des sensations obscures, ignorées, inconscientes, à l'origine des rêves. Les rêves d'origine périphérique extérieure, écrit l'un d'eux, sont dus à une sensation confuse ou imparfaite,souvent même inconsciente. » Qui nous démontre l'existence de ces sensations inconscientes? Ne sont-elles pas inventées pour les besoins de la cause ? Comment, au point de vue expérimental, faire fonds sur un phénomène qu'on suppose, mais qu'on n'a jamais constaté? Mieux vaut avouer son ignorance que d'imaginer ce qu'on ne sait pas.

II.

Tout le monde connaît le rêve de Descartes. Le célèbre philosophe rêve qu'il se bat en duel et qu'il est percé d'un coup d'épée ; il se réveille piqué par un moustique. Voilà un cas qu'on devrait citer comme exemple caractéristique de rêve provoqué et qui n'est cependant pas rappelé dans le livre du Dr Tissié. A première vue, il paraît très démonstratif; bien analysé, il révèle l'action toute-puissante de l'imagination et relègue au dernier rang la sensation actuelle.

Descartes endormi et somnolent a éprouvé une dou

leur il a ressenti la piqûre de l'insecte, mais dans des conditions toutes spéciales. La perception morphéique a été réelle, mais elle s'est trouvée transformée et grossie démesurément. L'origine du rêve n'est pas là, elle remonte à l'imagination qui en a créé et agencé les mille éléments. L'impression douloureuse n'était pas la cause, ni même la condition du rêve, elle n'en a constitué qu'un incident banal, elle n'a été qu'une sensation appropriée.

Le D' Tissié n'a pas vu là une confirmation de sa thèse, et il a eu raison. Et, après avoir affirmé que les pensées de nos songes viennent du dehors, il s'est trouvé très embarrassé pour le démontrer et n'a pu réunir qu'une douzaine d'exemples plus ou moins probants en faveur des rêves provoqués. Tout le monde rêve, et c'est à peine si l'on peut citer, dans tant de songes, quelques cas de sensations actuelles n'est-ce pas la preuve saisissante que l'imagination seule suffit toujours à constituer le drame morphéique ?

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Si les exemples invoqués par le Dr Tissié sont insuffisants comme nombre, ils le sont bien davantage au point de vue de la valeur; et il nous sera facile de montrer qu'ils ne confirment nullement sa thèse. Commençons par les plus nombreux, qui concernent le tact.

Maury, étant souffrant, fit le rêve suivant, tandis que sa mère veillait à son chevet. Il rêva qu'il assistait à une scène de la première révolution. Poursuivi, arrêté, emprisonné et conduit devant les juges, il avait été condamné à mort. Il assista aux préparatifs de son exécution, il fut traîné jusqu'à l'échafaud, il monta sur la fatale plateforme, plaça sa tête dans la lunette, et se sentit guillotiné. Il se réveilla tout à coup : c'était la flèche de son lit qui venait de tomber sur son cou. L'impression tactile avait provoqué un rêve de quelques secondes qui avait duré plusieurs jours (1).

(1) Max Simon, Le Monde des rêves, p. 33.

Ile SÉRIE. T. VIII.

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